Un chercheur qui travaille en laboratoire sur le vaccin contre le cancer testé sur les souris.
Les travaux sur ce vaccin expérimental contre le cancer ont débuté en 2019. © Freepik

Des chercheurs américains annoncent avoir mis au point un vaccin expérimental capable d’empêcher jusqu’à 88 % des cancers chez la souris. Une efficacité inédite, obtenue sur certaines formes particulièrement agressives, comme le cancer du pancréas. De quoi nourrir l’espoir d’un futur sans tumeur ? Peut-être. Mais avant de rêver au vaccin anticancer, la science appelle à la prudence.

L’information a fait le tour des rédactions scientifiques. Dans une étude publiée le 9 octobre 2025 dans la revue à comité de lecture Cell Reports Medicine, une équipe de l’Université du Massachusetts Amherst (UMass), dirigée par la bio-ingénieure Prabhani U. Atukorale, détaille un vaccin préventif contre le cancer qui a fait ses preuves sur des modèles murins.

Ce vaccin repose sur une technologie de nanoparticules lipidiques (des microvésicules déjà utilisées dans les vaccins à ARN) capables d’acheminer dans l’organisme à la fois des antigènes tumoraux (des fragments de cellules cancéreuses) et un adjuvant de nouvelle génération, baptisé « super-adjuvant », conçu pour activer simultanément les deux branches du système immunitaire : l’innée et l’adaptative.

L’objectif est d’apprendre au corps à reconnaître et détruire d’éventuelles cellules cancéreuses avant qu’elles ne se développent.

Les résultats rapportés dans Cell Reports Medicine sont saisissants. Après vaccination, 88 % des souris exposées au cancer du pancréas n’ont jamais développé de tumeur. Le taux descendait à 75 % pour le cancer du sein triple-négatif et 69 % pour le mélanome, trois formes connues pour leur agressivité et leur résistance aux traitements.

Les chercheurs ont également observé une absence quasi totale de métastases pulmonaires chez les souris vaccinées, alors qu’elles étaient systématiques dans les groupes témoins non traités.

Un concept prometteur : la vaccination préventive contre le cancer

La force de ce travail réside dans son approche préventive. Contrairement aux vaccins thérapeutiques déjà testés chez l’humain, comme ceux à ARN de BioNTech actuellement en essai contre le mélanome, le vaccin du Massachusetts vise à empêcher l’apparition du cancer chez des sujets sains à risque. Autrement dit, il agirait avant même qu’une cellule cancéreuse n’ait le temps de se multiplier.

« L’idée de mobiliser le système immunitaire en amont est l’un des graals de l’oncologie moderne », commente dans Futura-Sciences la biologiste française Céline Béranger, chercheuse en immunothérapie à l’INSERM. « Cette étude montre que c’est techniquement possible, mais on reste sur des données de laboratoire. »

La plateforme utilisée par l’équipe américaine pourrait, en théorie, être adaptée à différents cancers en changeant simplement les antigènes. C’est cette polyvalence qui suscite l’enthousiasme des chercheurs. Une base technologique unique, modulable selon la tumeur ciblée.

Un vaccin anti-cancer : des promesses qui exigent de la prudence

Ces résultats, aussi impressionnants soient-ils, ne concernent aujourd’hui que des souris. Le système immunitaire murin, bien qu’excellent modèle d’étude, diffère profondément de celui de l’humain.

De nombreux traitements prometteurs ont échoué lors de leur passage des rongeurs aux patients. L’environnement tumoral, la diversité génétique, le métabolisme et les interactions immunitaires sont bien plus complexes chez l’homme.

Les chercheurs d’UMass ne cachent pas cette limite. Dans leur communiqué officiel, ils précisent qu’« il n’y a aucune garantie que ces résultats se traduisent chez l’humain ». Avant d’envisager le moindre essai clinique, il faudra démontrer l’innocuité du vaccin, son dosage optimal et sa stabilité dans le temps. Ces étapes prennent généralement plusieurs années.

Autre point de vigilance : ce type de vaccin, qui stimule puissamment les défenses immunitaires, pourrait provoquer des effets secondaires auto-immuns. En clair, le système immunitaire, trop “réveillé”, risquerait d’attaquer les tissus sains. Aucun effet de ce type n’a été observé chez la souris, mais l’échelle humaine impose une surveillance accrue.

Pour l’instant, ce vaccin n’a aucun usage clinique. Il représente toutefois une avancée conceptuelle majeure. Prouver qu’un système immunitaire peut être préparé à contrer la formation de tumeurs, même sans infection virale préalable. C’est un changement de paradigme, que d’autres biotechs explorent déjà, notamment Moderna et BioNTech, qui développent des vaccins thérapeutiques personnalisés à ARN messager.

En France, l’enjeu sera de suivre et d’accompagner cette nouvelle génération de vaccins. Le pays dispose d’un solide réseau de recherche en immuno-oncologie (Institut Curie, CNRS, INSERM), capable de collaborer à la validation européenne de ces technologies. Mais pour l’heure, l’espoir reste dans les éprouvettes.

À SAVOIR

En septembre 2025, BioNTech a publié des résultats prometteurs pour son vaccin à ARN messager contre le mélanome. Associé à l’immunothérapie Keytruda, il a réduit de 49 % le risque de récidive chez les patients opérés d’un cancer de la peau avancé.

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Ma Santé

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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