Douleurs cancéreuses : le projet ITARA tente d'apaiser les patients
Douleurs cancéreuses : le projet ITARA tente d'apaiser les patients © Freepik

Pour aider à mieux prendre en charge les douleurs cancéreuses dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la fondation Apicil et le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard mettent en place le projet ITARA (Intra Téchal Auvergne-Rhône-Alpes). L’objectif est de faciliter l’accès aux soins médicaux avancés, et plus précisément à l’analgésie intrathécale, tout en construisant un réseau de professionnels de santé formés à cette technique complexe. Focus sur une initiative régionale à succès.

S’il y a bien une maladie vécue universellement, c’est sans aucun doute celle de la douleur. La vocation de la Fondation Apicil, basée à Lyon, est de lutter contre la douleur, « à tous les âges de la vie, qu’elle soit physique ou psychique », selon les mots de sa directrice générale Nathalie Aulnette. Reconnue d’utilité publique, la fondation étudie 70 à 80 projets chaque année concernant la douleur dans l’environnement médical. Notamment les douleurs cancéreuses.

En décembre 2017, la fondation Apicil co-construit le projet ITARA avec un apport de 30 000€. Parmi les partenaires, le centre de lutte contre le cancer Léon Bérard. Le site spéci lyonnais prend en charge chaque année plus de 38 500 patients atteints de cancer. Pour autant, l’Auvergne-Rhône-Alpes reste moins touchée par le cancer que dans d’autres régions.

Le projet ITARA part d’un constat d’inégalité territoriale en Auvergne-Rhône-Alpes concernant l’accès médical et chirurgical. Selon Nathalie Aulnette, « la difficulté était de rapprocher le patient de son domicile. Nous permettons dorénavant à chaque patient d’être suivi dans n’importe quel centre proche de chez lui. Et en même temps, d’être rattaché à Saint-Étienne, Grenoble ou Lyon pour le suivi de son traitement ». Le projet se lance véritablement en 2019 pour célébrer en 2020 sa première année d’activité clinique au bilan positif.

20% des douleurs cancéreuses nécessitent des traitements complexes

La douleur cancéreuse, en plus du cancer en lui-même, est une vraie souffrance pour les patients de tout âge. Le corps médical dispose de plusieurs solutions pour aider à mieux vivre la douleur. Ainsi, en cancérologie, il existe le recours aux traitements médicamenteux à base de morphine mais également des solutions non-médicamenteuses comme l’hypnose, la radiothérapie, ou encore la chimiothérapie.

Malheureusement, ces solutions ne s’appliquent pas à tous les patients, comme l’explique Gisèle Chvetzoff, cheffe du département des soins de support au Centre Léon Bérard. Professeure associée de médecine palliative, elle est également coordinatrice du projet ITARA. « Pour plus de 80% des cas, la douleur peut être prise en charge par n’importe quel professionnel de santé. Toutefois, pour les 20% restants, les douleurs nécessitent l’intervention d’équipes plus spécialisées et des médicaments moins faciles à manipuler. » 

Chez certains patients, la douleur est effectivement « rebelle ». Elle persiste au-delà des traitements classiques. Pour eux, ce sont des techniques de recours plus lourdes qui sont envisageables. Notamment, des médicaments qui sont utilisées en dehors de leurs dosages autorisées. « La Haute Autorité de Santé encadre tout cela », précise Gisèle Chvetzoff. Parmi ces solutions, se trouve celle de l’analgésie intrathécale.

ITARA : Intrathécale Auvergne-Rhône-Alpes

L’analgésie intrathécale est une technique complexe visant à soulager les douleurs cancéreuses rebelles. L’ensemble se compose d’un cathéter et d’une pompe. Le tout injecte un ensemble de médicaments dans le corps avec des doses qui réduisent les effets secondaires. Installée sous anesthésie, la pompe implantée au corps se remplit régulièrement par une simple piqûre sous la peau. Le résultat est un soulagement important des souffrances. Cela permet également une autonomie plus importante du patient. En effet, la pompe l’accompagne dans son quotidien. Elle nécessite simplement d’être remplie de nouveau par l’intervention d’un infirmier formé à cette technique, via le projet ITARA.

Ce procédé est long et complexe. Il ne s’applique qu’aux patients dont l’espérance de vie est supérieure à trois mois. « Ce sont des patients qui ont des souffrances extrêmement importantes, notamment des conséquences du cancer. Cette technique permet de contrôler beaucoup mieux ces douleurs » explique le Professeur Bernard Laurent, neurologue et spécialiste de la douleur. Il préside également le conseil scientifique de la fondation Apicil.

90 patients ont déjà pu bénéficier du projet ITARA au niveau régional. Dont 20 cette année. Des personnes atteints de différents cancers, comme celui du pancréas, du poumon, ou encore de la prostate. L’objectif est une cinquantaine de patients par an. Pour le moment, ce projet a lieu dans vingt établissements répartis sur dix départements de la région.

Face aux douleurs cancéreuses, le corps médical se rassemble et se forme

La Région Auvergne-Rhône-Alpes, par son historique, se place comme l’un des territoires français pionniers dans la lutte contre le cancer. Face à la complexité de l’analgésie intrathécale, le projet ITARA souhaite privilégier la pluri-disciplinarité. Ainsi, le réseau organisé rassemble tous les acteurs concernés. Médecins, infirmiers, pharmaciens, services à domicile, …

Très peu d’équipes de la région disposent du matériel nécessaire à cette pratique et par conséquent peu de patients y ont accès. Depuis deux ans, la Fondation Apicil et le Centre Léon Bérard favorise ainsi la collaboration entre tous les établissements de santé de la région. Le projet sert donc à créer un système qui organise clairement le parcours de soin. Deux fois par mois, des Réunions de Concertation Pluridiscplinaire (RCP) s’organisent en visio-conférence. 

Les RCP permettent d’organiser la prise en charge d’un “patient candidat” à l’analgésie intrathécale. Les équipes vérifient s’il peut bénéficier de l’analgésie intrathécale. Après une intervention chirurgicale où est placé la pompe, une équipe médicale spécialement formée prépare les médicaments qui seront injectés. Par la suite, c’est une équipe paramédicale qui prend la relève avec le remplissage de la pompe.

Former les professionnels de santé à la complexité d’ITARA

Evelyne Arbiol, infirmière spécialisée à la douleur, forme à ce projet tous les professionnels de santé concernés. « Ce sont des formations pratiques en binômes. Elles ont lieu dans les centres hospitaliers ou directement au centre Léon Bérard. ». L’analgésie intrathécale devient ainsi maitrisé par un plus grand nombre, à une échelle plus importante.

Actuellement, le nombre assez faible de patients bénéficiant du projet appelle à une vigilance renforcée du suivi selon la formatrice. « Les infirmières n’ont pas à faire cette technique souvent. Il existe un risque d’oubli sur le temps, d’un relâchement sur le processus strict. Donc, nous envoyons souvent des documents de rappels. Et nous restons très souvent disponible pour les ressentis que les professionnels souhaitent nous faire partager. » Dans ce sens, le projet ITARA met en place une astreinte téléphonique commune.

Par la suite, l’objectif est de rendre autonome les grands centres de la région. Les petites et moyennes structures bénéficieront d’une “équipe mobile”, composée de professionnels formés venant à eux. 

Moins de douleurs cancéreuses pour une vie plus paisible

Au centre hospitalier de Givors, les retours sont positifs. Le Dr Julien Trautmman exerce au sein du service de médecine polyvalente de soins palliatifs. « À chaque fois, cela s’est extrêmement bien passé. Ce système fait bénéficier d’un accompagnement adapté sans être passé par le centre Léon Bérard. Tout le monde peut donc en profiter. » L’intérêt premier du projet ITARA reste celui de permettre aux patients de retrouver une vie plus paisible, moins ponctuée de difficultés physiques. Cela permet même de reprendre le chemin du parcours professionnel ou de retrouver une intimité plus sereine.

Du côté des professionnels de santé, les retours sont là aussi enthousiastes. Isabelle Chazot, cheffe de service à l’unité de soins palliatifs des Massues (Lyon) le confirme. « L’analgésie intrathécale nécessite une organisation et de la rigueur. Avec le projet ITARA, c’est une impression agréable où tout fonctionne ensemble. Il est primordial de pérenniser le projet ». Dans ce sens, la fondation Apicil a annoncé délivrer à nouveau 30 000 euros pour permettre le développement d’ITARA.

Le pôle d’expertise d’Angers et le Centre Hospitalier de La Roche Sur Yon expérimentent également sur cette thématique, à un niveau moins avancé. Pour rappel, dans le monde, un décès sur six est dû au cancer selon l’OMS.

À SAVOIR

La douleur chronique est reconnue comme maladie, depuis mai 2019. Cette classification provient de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui classifie à l’international les maladies existantes. Dans le cas du cancer, deux figures. La douleur est liée au cancer ou à son traitement, la chimiothérapie.

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