Les équipes de transplantation de l’Hôpital Édouard-Herriot, à Lyon, viennent de réaliser une nouvelle prouesse médicale majeure : une greffe simultanée d’un rein et d’îlots pancréatiques sur un patient de 52 ans. Cette procédure combinée, en réduisant notablement le risque de complications et en favorisant un rétablissement plus rapide, constitue une évolution sans précédent pour la prise en charge des patients souffrant de diabète de type 1 en insuffisance rénale terminale. Depuis la réussite de cette première greffe en août dernier, deux autres malades ont déjà pu en bénéficier à Lyon, l’un en octobre, l’autre en décembre.
200 000 Français, selon Santé publique France, souffrent de diabète de type 1, l’une des deux formes de diabète. Cette maladie auto-immune chronique et irréversible, qui conditionne un traitement à vie, peut avoir de lourdes conséquences sur le quotidien des malades : “au cours de son évolution, elle peut engendrer de graves complications touchant le coeur, les vaisseaux sanguins, les yeux, les nerfs et les reins et conduire les patients en dialyse”, expliquent les Hospices Civils de Lyon, qui viennent une nouvelle fois de faire la démonstration du savoir-faire exceptionnel de leurs équipes en réalisant une nouvelle première nationale.
Au début du mois d’août dernier, le service de transplantation de l’hôpital Édouard Herriot a réalisé “à partir de greffons issus d’un même donneur” la toute première greffe simultanée d’un rein et d’îlots pancréatiques jamais réalisée en France.
Cinq mois plus tard, délai nécessaire à la confirmation de la réussite de ce miracle chirurgical, le verdict est tombé et le patient, un vigneron du Beaujolais âgé de 52 ans, est “en passe d’être durablement guéri de son diabète”, ont dévoilé les HCL ce vendredi 10 janvier.
“Je ne suis plus fatigué, je n’ai plus mal aux jambes, mon taux de créatinine est très bon, je ne prends presque plus d’insuline et n’en prendrai plus du tout après la 3e injection d’îlots”, témoigne le patient. “Et puis, surtout, je suis débarrassé de ma dialyse péritonéale. Tous les soirs, pendant plus de trois ans, j’ai dû me brancher à un appareil, je n’en pouvais plus. La première fois que je me suis réveillé, chez moi, après la greffe, quand je me suis touché le ventre et qu’il n’y avait plus de tuyau, j’en ai pleuré. Cette opération m’a changé la vie”, confie-t-il aujourd’hui.
Greffe simultanée rein-îlots pancréatiques : moins de complications et un rétablissement plus rapide
Ce succès est un réel motif d’espoirs pour les malades. Le fait de réaliser une transplantation simultanée permet en effet de réduire d’une part le risque de complications, mais également le délai de convalescence du patient. Ce protocole, jusque-là, n’était pas possible à réaliser et les malades devaient patienter plusieurs mois entre la greffe de rein et celle des îlots pancréatiques.
Et si la greffe d’îlots pancréatiques (ou îlots de Langerhans) est maîtrisée en France et notamment par les HCL depuis 25 ans, cette technique n’a quitté le champ expérimental qu’en 2020, suite au feu vert de la Haute Autorité de Santé. “Nichés dans le pancréas, les îlots de Langerhans sont constitués de centaines de millions de cellules endocrines. Ce sont elles qui produisent l’insuline. Il semble donc plus logique pour les patients diabétiques, qui ne secrètent pas d’insuline, de greffer des îlots plutôt qu’un pancréas entier, comme cela se pratique depuis longtemps”, explique le Pr Emmanuel Morelon, chef de service de transplantation de l’hôpital Édouard Herriot. “La chirurgie est surtout beaucoup moins invasive. La greffe d’îlots consiste en une injection des cellules endocrines, par la veine porte, directement dans le foie. Cela se fait en radiologie interventionnelle, sous une simple anesthésie locale”.
“6 à 8 doubles greffes annuelles envisagées”
Lyon faisait partie des six CHU français à avoir obtenu l’autorisation de transformer l’expérimentation en véritable opération. Ses équipes, depuis cette première greffe, en ont réalisé deux autres, en octobre et en décembre. Avec des résultats tout aussi optimistes, selon le Dr Fanny Buron, cheffe adjointe du service de transplantation : “les trois patients présentent aujourd’hui des greffes fonctionnelles. Le fait d’avoir des greffons issus d’un même donneur facilite l’acceptation par le corps. Par ailleurs, la greffe effectuée en une fois plutôt qu’en deux évite une double chirurgie au patient et lui fait gagner plusieurs mois de convalescence”.
L’objectif des Hospices Civils de Lyon est de développer rapidement cette expertise et de généraliser cette pratique de transplantation combinée rein et îlots pancréatiques. “Dès cette année 2025, 6 à 8 doubles greffes annuelles sont envisagées. Cet objectif devrait être facilité par le développement prochain, en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), d’un laboratoire d’isolement des îlots pancréatiques au sein même de l’hôpital Edouard Herriot”, précisent les HCL.
À SAVOIR
Les équipes des Hospices Civils de Lyon se sont distinguées par plusieurs premières spectaculaires en matière de greffes. La dernière en date remonte au mois de septembre 2023, lorsqu’une patiente de 49 ans avait pu retrouver la voix vingt ans après l’avoir perdue grâce à la première greffe de larynx jamais réalisée en France. En 2021, la greffe des deux bras réalisée sur un Islandais de 48 ans avait également suscité l’admiration du monde entier.