La santé des bébés à naître est un sujet de préoccupation majeure dans notre société contemporaine, notamment en ce qui concerne les effets de l’environnement sur leur développement. Parmi les éléments cruciaux de cette interaction entre l’extérieur et le fœtus se trouve le placenta. Un organe vital qui assure le bien-être de l’enfant à venir pendant la grossesse, mais dont de récentes études de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes mettent en lumière la vulnérabilité face à la pollution de l’air. Les explications de Johanna Lepeule et Lucile Broséus, chercheuses à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
La pollution de l’air aurait un impact sur le placenta des femmes enceintes. C’est ce que révèle une étude conjointement menée par l’Inserm et l’Université Grenoble Alpes. Une équipe de chercheurs a analysé l’impact de trois principaux polluants atmosphériques sur le placenta de 1 500 femmes enceintes. Leurs résultats révèlent une altération de l’ADN du placenta sous l’influence de ces polluants.
Ces derniers entrainent des perturbations dans le développement du fœtus, notamment au niveau métabolique, immunitaire et neurologique. De manière significative, les scientifiques ont également observé que les effets de cette pollution variaient en fonction du sexe du bébé.
L’empreinte environnementale sur le développement de l’enfant
L’impact de la pollution de l’air sur l’ADN du placenta
Le placenta est un organe développé pendant la grossesse qui assure la nutrition, l’oxygénation et l’élimination des déchets pour le bébé en développement. Il agit comme une barrière protectrice et filtre les substances nocives. Le placenta assure donc la survie et le développement sain du fœtus dans l’utérus de la mère.
Néanmoins , les changements chimiques dans les cellules du placenta reflètent en partie ce que la mère a respiré ou consommé. Il peut ainsi être affecté par divers composés chimiques. Le développement du bébé pendant la grossesse est donc génétiquement modifié. Pour démontrer ces changements, les chercheurs ont étudié le niveau de méthylation de l’ADN. Un mécanisme impliqué dans le contrôle et l’expression des gènes.
La pollution de l’air provoque des changements sur le foetus
L’équipe scientifique dirigée par Johanna Lepeule, chercheuse à l’Inserm, a étudié comment trois types de pollution atmosphérique – le dioxyde d’azote (principalement émis par les véhicules) et les petites particules (micro-particules en suspension) – affectent ces changements dans l’ADN du placenta. En utilisant les données de trois groupes de mères et de bébés en France, elle a mis en évidence l’impact des polluants sur les changements ADN chez plus de 1 500 femmes pendant leur grossesse.
Ces découvertes mettent en évidence que l’exposition aux trois polluants atmosphériques a une influence considérable sur les gènes essentiels au développement du fœtus. Environ un tiers de ces altérations étaient directement liées à des indicateurs de la croissance du bébé à la naissance. Le poids, la taille, le périmètre crânien et la durée de la grossesse sont impactés à différents niveaux. De plus, d’autres altérations affectent des gènes impliqués dans le développement du système nerveux, immunitaire et métabolique, y compris ceux associés au diabète néonatal et à l’obésité.
La pollution de l’air affecte différemment selon le sexe
Les modifications génétiques induites par la pollution
« Nos résultats montrent que l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse induirait des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire propres à chacun des deux sexes. Cet impact différencié pourrait contribuer à des altérations du développement et du déroulement de la grossesse différentes en fonction du sexe de l’enfant à naître » indique Johanna Lepeule.
Les chercheurs ont ainsi identifié deux périodes de grossesse sensibles aux influences épigénétiques des polluants : le début de la grossesse (premier trimestre) pour les garçons, et la fin de la grossesse (troisième trimestre) pour les filles.
Les modifications génétiques chez les garçons
Chez les garçons, des altérations de la méthylation ont été identifiées sur des gènes jouant un rôle crucial dans le développement du système nerveux et de l’intellect.
« Ces observations viennent appuyer les études de plus en plus nombreuses à associer l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse et une atteinte du neurodéveloppement et/ou une réduction des capacités cognitives, avec une plus grande vulnérabilité des enfants de sexe masculin », précise Lucile Broséus, également chercheuse à l’Inserm.
Les modifications génétiques chez les filles
Les nouveaux nés de sexe féminin présentaient quant à eux des modifications de méthylation sur des gènes impliqués dans le développement fœtal et la gestion du stress oxydatif (un déséquilibre entre les radicaux libres, des molécules instables, et les antioxydants qui les neutralisent).
Ces altérations pourraient être liées à des défauts de développement susceptibles d’accroître les risques de maladies métaboliques chroniques telles que l’hypertension, le diabète et l’obésité à l’âge adulte. De plus, elles pourraient être associées à un risque accru de fausses couches ou de pré-éclampsie chez la mère.
Ces travaux apportent de nouvelles données sur les mécanismes épigénétiques liés à la perturbation de la croissance du fœtus par la pollution de l’air, pouvant entraîner des changements métaboliques à long terme.
À SAVOIR
Ce travail de recherche n’a été réalisé que sur une partie de la population française. Les résultats seront donc amenés à être vérifiés sur d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents.