Une femme salariée se tient les tempes car elle a du mal à se concentrer en raison des douleurs chroniques de l'endométriose.
Pour rappel, l'endométriose est une maladie chronique qui affecte une femme sur dix en France. © Freepik

L’endométriose est une maladie gynécologique qui, dans 70 % des cas, provoque des douleurs chroniques invalidantes. Pourtant, les répercussions sur le quotidien demeurent souvent invisible, et notamment dans l’environnement professionnel. L’importance d’informer les salariés victimes de cette pathologie des possibilités qui leur sont offertes s’avère donc une nécessité. Télétravail, aménagements de poste, décalage des horaires… Le Dr Phillipe Campana, médecin du travail et algologue à l’Agemetra Grand Lyon, détaille les solutions qui existent et nous éclaire sur la problématique de cette pathologie chronique dans le secteur professionnel.

L’endométriose est une pathologie chronique souvent douloureuse qui touche une femme sur dix en France ; la plupart d’entre elles continuent leur profession malgré tout. Par conséquent, ce trouble gynécologique a également un impact significatif dans le monde du travail. Neuropathiques, pelviennes, digestives, ses douleurs peuvent être à l’origine de nombreuses difficultés pour travailler et se concentrer. Pourtant dans 40% des cas, les médecins du travail ne sont pas informés de l’état de santé personnel des salariés.

Le Dr Philippe Campana, médecin du travail spécialisé dans la détection de cette pathologie, nous éclaire sur le sujet. L’algologue lyonnais (un algologue est un médecin spécialisé dans la prise en charge de la douleur) coanimait une webconférence tout public consacrée à l’endométriose et aux pathologies au travail, organisée par l’Agemetra le lundi 13 mai (lire A SAVOIR).

Sur le plan professionnel, les femmes rencontrent d’importantes difficultés à travailler et à se concentrer, ce qui entraîne une forte perte de productivité. En cas de formes sévères, elles n’ont actuellement pas la possibilité de prendre 3 à 5 jours de congés chaque mois tant qu’elles n’ont pas été diagnostiquées ou traitées. Elles doivent donc vivre avec ces douleurs.

La position peut revêtir une importance majeure. Il arrive qu’une femme ne puisse pas s’asseoir et soit obligée de marcher en permanence, sans compter les impériosités digestives ou urinaires.

Les symptômes de l’endométriose, lorsqu’ils sont modérés à sévères, comprennent parfois des douleurs neuropathiques. Ces douleurs sont atypiques et résistantes, ce qui rend le diagnostic et le traitement plus difficiles pour les médecins. Une raison en est qu’elles répondent peu aux médicaments classiques tels que les anti-inflammatoires, la codéine ou l’opium. Si les règles durent plusieurs jours, les patientes endurent également des douleurs extrêmes.

Plusieurs études ont été réalisées, et récemment encore une enquête que nous avons menée en collaboration avec l’association Endofrance. Les résultats sont toujours les mêmes. Dans le livre blanc, les médecins du travail ne sont malheureusement contactés qu’en troisième ou quatrième position. À ce jour, les patientes et les salariées se tournent vers leur manager. C’est toujours délicat, d’abord en ce qui concerne le secret médical et ensuite vis-à-vis de la hiérarchie.

Il est plus pertinent et judicieux de se tourner d’abord vers le médecin du travail qui, je le rappelle, est tenu au respect absolu du secret médical ; deuxièmement, il est l’interlocuteur privilégié pour faire face, dans le cadre de l’exercice professionnel, aux problèmes de santé quels qu’ils soient. En effet, l’employeur est responsable du respect et de la préservation de la santé de ses salariés, et ce via la médecine du travail.

Le plus fréquemment, les salariées qui se plaignent de douleurs intenses sont orientées, dans le respect médical, vers un maximum de télétravail. Cela s’est accéléré depuis la crise Covid. Nous essayons de décaler les jours selon le choix de la salariée. Le plus souvent, elle choisit de les décaler au moment de ses règles.

Des aménagements horaires sont également possibles. Lorsque les douleurs sont exacerbées pendant les trajets, le décalage des horaires de la salariée lui permet de passer moins de temps en transit et donc de souffrir moins.

Par ailleurs, il est envisageable d’apporter des aménagements à l’intérieur des locaux de l’entreprise. Par exemple, rapprocher son poste de travail des toilettes. En outre, il existe des possibilités d’aménagement matériel. L’entreprise peut fournir des recommandations sur du matériel adapté à la salariée en fonction de ses besoins, comme un ballon de gym pour soulager la position assise.

Il n’y a encore aucune disposition spécifique qui soit autorisée. Dans des pays européens comme l’Espagne, qui sont assez avancés en matière de droits des femmes au travail, il existe plus de possibilités d’aménagement sans nécessiter l’intervention du médecin du travail. Mais en France, ce statut n’a pas encore été légiféré.

Oui, l’endométriose est reconnue par la Sécurité sociale en France. Mais malgré cette reconnaissance, il existe bien des cas où le vécu des patientes demeure pénible et délicat.

L’une des principales difficultés de cette pathologie est son extrême variabilité. Sous un même terme, on regroupe des formes qui peuvent être relativement bénignes, peu symptomatiques, ou au contraire très graves, nécessitant des interventions chirurgicales répétées et pour lesquelles même avec des traitements lourds, coûteux et prolongés, l’handicap demeurera significatif pour la patiente jusqu’à sa ménopause.

La reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH) est tout à fait valable dans le cas de l’endométriose. Il y a bien entendu des éléments à valider. Sur ces derniers, il faut qu’il y a un retentissement sur le travail. Si tel est le cas, le salarié va pouvoir remplir le document, avec un premier feuillet personnel et un deuxième à remplir par le médecin généraliste ou le gynécologue. Le troisième feuillet est demandé au médecin du travail. Ce dernier va expliquer plus en détails le retentissement de la pathologie sur l’activité professionnelle de la salariée. Dans la très grande majorité des cas, lorsque le dossier est correctement rempli, il est accepté.

Grâce à ceci, plusieurs éléments. Pour l’employeur, il va y avoir une diminution de sa fiscalité dans le cadre de l’emploi de patiente handicapée. A savoir que les employeurs doivent avoir, classiquement, 6% de personnes ayant un handicap dans leur effectif. Pour la patiente, il lui sera proposé, de manière prioritaire, des formations spécifiques s’il y avait volonté de se réorienter professionnellement. Elle pourrait de ce fait être aider par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ou par des organismes comme Cap Emploi. Troisièmement, le fait d’avoir un statut de RQTH permet à la salariée d’avoir une prise en charge de tous les équipements nécessaires pour l’aider à prendre en charge sa santé.

Dans un premier temps, et nous travaillons chaque jour dans cette direction, il est essentiel que tous les professionnels de santé, qu’ils soient médicaux ou paramédicaux, optimisent leurs connaissances sur l’endométriose et les pathologies gynécologiques en général, notamment celles de nature chronique comme le cancer du col de l’utérus notamment.

Deuxièmement, il est primordial que les salariés et les entreprises n’hésitent pas à orienter vers leur service de médecine du travail toute personne suspectée de rencontrer le moindre problème de santé. Nous représentons une ressource et le paradigme actuel doit évoluer dans ce sens.

Comment savoir si l’on est atteint de cette pathologie par soi-même ?

Le diagnostic de l’endométriose peut être complexe car les symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre et être similaires à ceux d’autres conditions médicales.

En général, les patientes en discutent avec leur médecin généraliste qui, en fonction de leur connaissance, peut déjà leur apporter quelques pistes. Il les oriente souvent vers le gynécologue, qui est bien entendu plus compétent car s’est sa spécialité. Les gynécologues peuvent, sur l’interrogatoire, avoir des éléments évocateurs et proposer une écographie pour recherche des éléments caractéristiques. Eventuellement, ils peuvent compléter par une IRM. En moyenne, le délais diagnostique de l’endométriose est de 7 ans.

Comment peut-on se faire dépister pour cette condition ?

Il n’existe pas encore de technique de dépistage de la maladie, que ce soit pour les femmes à risque ou en population générale. La raison en est qu’un test salivaire a été développé. Néanmoins, ce test est encore sujet à débat quant à sa pertinence en fonction de son coût et de son efficacité…

À noter tout de même que l’endométriose fait partie de ces pathologies chroniques qui coûtent très cher à l’État : entre 9 et 13 milliards d’euros par an.

À SAVOIR

Afin de mieux accompagner les employeurs et les salariées, Agemetra organisait lundi 13 mai de 19h30 à 21h30 une webconférence sur le thème « endométriose et pathologies gynécologiques invalidantes au travail, comment faciliter et maintenir l’activité professionnelle ? », en partenariat avec EndAURA, EndoFrance, Endomind et les Hospices Civils de Lyon. Aux côtés du Dr Campana (Agemetra), d’autres intervenants seront présents comme le Dr Patricia Branche, médecin anesthésiste en gynécologie-obstétrique, ou encore le Dr Catherine Lopez, médecin du travail et pilote du pôle prévention de la désinsertion professionnelle. Vous pouvez recevoir le lien vers le replay ici.

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Vincent Dallée
En troisième année de journalisme à l'ISFJ et créateur d'un petit média scientifique, Vincent Dallée développe ses talents rédactionnels pour Ma Santé, animé plus que tout par la mission du journaliste d'informer les gens sur leur santé.

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