Cris, pleurs, gestes incontrôlés… La crise de colère, chez un enfant, peut prendre des proportions spectaculaires. Conseils pour calmer le jeu et régler le problème, avec le concours de Marie Costa, coach parental certifiée à Lyon (Rhône) et consultante Ma Santé en parentalité, qui vous livre un véritable guide pratique pour parents dépassés.
Les crises chez les enfants résultent d’un mélange de facteurs développementaux (immaturité cérébrale, difficultés d’expression émotionnelle), de besoins non comblés (fatigue, faim, stress) et relationnels (recherche d’attention, test des limites). L’évolution sociétale vers plus de stimulations et moins de frustrations peut aggraver ce phénomène naturel.
Les crises sont une étape normale du développement de l’enfant, survenant pour diverses raisons complémentaires.
Quelles sont les causes des crises de l’enfant ?
Causes développementales
Immaturité cérébrale : le cortex préfrontal, responsable de la régulation émotionnelle et du contrôle des impulsions, n’est pas complètement formé avant l’âge de 25 ans.
Difficultés d’expression : les enfants n’ont pas toujours le vocabulaire pour exprimer leurs émotions ou besoins complexes.
Apprentissage des limites : les crises font partie du processus d’apprentissage de la frustration et des normes sociales.
Relationnels : Incohérence éducative, attention obtenue uniquement par les comportements problématiques.
Évolutions sociétales impactantes
Surexposition aux écrans : diminution de la tolérance à l’ennui et augmentation de la demande de gratification immédiate.
Rythmes familiaux intenses : moins de temps pour décompresser et traiter les émotions.
Parentalité sous pression : les parents, souvent débordés, peuvent manquer de patience ou de cohérence.
Valorisation de la performance : attentes élevées créant du stress chez les enfants.
Les différents types de crises : de l’ordinaire au trouble avéré
Les crises vont des réactions développementales normales (opposition des deux ans ou à l’adolescence) aux manifestations potentiellement pathologiques (crises explosives disproportionnées, auto-agressivité). La différence réside dans leur intensité, fréquence, durée et impact sur le quotidien. Si les crises perturbent significativement la vie familiale ou sociale, une consultation spécialisée est recommandée.
Crises développementales normales
Crises des “terribles deux ans” : phase d’affirmation de soi et d’autonomie.
Opposition de l’âge préscolaire (3-5 ans) : test des limites et exploration des règles sociales.
Contestation pré-adolescente et adolescente : besoin de s’affirmer et de se différencier des parents.
Manifestations ponctuelles de frustration : réactions normales face à la contrariété.
Crises intermédiaires (vigilance recommandée)
Crises récurrentes mais limitées dans le temps (enfant traversant une période difficile).
Réactions intenses mais proportionnées à certaines situations spécifiques.
Comportements qui répondent positivement aux interventions parentales cohérentes.
Manifestations potentiellement pathologiques
Crises explosives disproportionnées par rapport à l’élément déclencheur.
Agressivité intense envers soi-même, les autres ou les objets.
Incapacité à retrouver son calme sans intervention extérieure importante.
Troubles spécifiques : TDAH (difficultés attentionnelles), TOP (trouble oppositionnel avec provocation), troubles anxieux, troubles sensoriels, TSA (trouble du spectre autistique), trouble des conduites…
Quels sont les signes d’alerte justifiant une consultation ?
Fréquence élevée (plusieurs fois par jour)
Intensité disproportionnée
Durée anormalement longue
Impact significatif sur la vie familiale et sociale
Souffrance manifeste de l’enfant et de son entourage
Régression dans les apprentissages
Difficultés sociales avec les pairs
Quelles sont les conséquences d’une crise infantile ?
Les crises ont des impacts multiples : pour l’enfant (épuisement émotionnel, stress, sentiment de culpabilité), la famille (tensions, épuisement parental), l’entourage (jugements) et le milieu scolaire (difficultés d’apprentissage, rejet par les pairs). Elles peuvent cependant constituer des opportunités d’apprentissage émotionnel lorsqu’elles sont bien accompagnées.
Les conséquences pour l’enfant :
Épuisement émotionnel et physique après une crise intense
Sentiment de perte de contrôle parfois effrayant
Culpabilité et honte après être revenu au calme
Stress chronique si les crises sont fréquentes
Difficultés relationnelles avec les pairs qui peuvent s’éloigner
Image de soi négative si l’étiquette d’enfant “difficile” s’installe
Les conséquences pour la famille :
Tensions dans le couple parental autour des méthodes éducatives
Épuisement et sentiment d’incompétence des parents
Impact sur la fratrie (sentiment d’injustice, manque d’attention)
Isolement social (évitement des sorties par peur des crises)
Cercles vicieux relationnels où les interactions négatives s’amplifient
Les conséquences pour l’entourage :
Jugements et remarques parfois culpabilisantes
Conseils contradictoires augmentant la confusion parentale
Évitement des situations sociales incluant l’enfant
Les conséquences dans le milieu scolaire :
Difficultés d’apprentissage liées à l’agitation émotionnelle
Relations compliquées avec les enseignants et les camarades
Étiquetage négatif pouvant persister malgré l’amélioration des comportements
Rejet par les pairs et risque d’isolement social
Quels sont les aspects positifs potentiels ?
Opportunité d’apprentissage émotionnel quand bien accompagnée
Développement de stratégies d’adaptation sur le long terme
Renforcement du lien parent-enfant si la gestion est bienveillante et cohérente
Peut-on prévenir les crises d’un enfant ?
Pour prévenir les crises, respectez les besoins physiologiques de l’enfant, établissez des routines prévisibles, préparez-le aux transitions, identifiez ses déclencheurs spécifiques, et enseignez-lui progressivement à reconnaître et exprimer ses émotions. Une communication proactive et l’anticipation des situations difficiles réduisent considérablement les explosions émotionnelles.
Plusieurs stratégies peuvent réduire significativement la fréquence et l’intensité des crises :
Proposer des repas et collations réguliers pour éviter les baisses d’énergie
Limiter les surcharges sensorielles (bruit, foule, lumière forte) chez les enfants sensibles
Assurer des moments de détente et d’activité physique quotidiens
Créer un environnement prévisible :
Établir des routines claires (visuelles pour les plus jeunes)
Annoncer les transitions : “Dans 5 minutes, on range les jouets”
Être cohérent dans les règles entre adultes et dans le temps
Proposer des choix limités plutôt qu’imposer ou tout permettre
Reconnaître les signes précurseurs :
Observer les déclencheurs spécifiques à votre enfant (fatigue, faim, frustration)
Identifier le schéma habituel avant une crise (agitation, rougeur, etc.)
Intervenir à ce moment avant l’escalade émotionnelle
Outils de prévention quotidienne :
Timer visuel pour les transitions difficiles
Tableau d’émotions pour aider l’enfant à s’exprimer
Coin calme ou SAS de décompression aménagé et accessible à tout moment
Histoires sociales pour préparer aux situations nouvelles
Respiration ou exercices sensoriels à pratiquer régulièrement
Communication préventive :
Expliquer à l’avance le déroulement des activités
Valider les émotions : “Je comprends que tu sois déçu”
Proposer des mots pour exprimer les sentiments difficiles
Féliciter les moments de maîtrise : “J’ai remarqué que tu t’es calmé tout seul”
Comment réagir face à une crise ?
Pendant une crise, gardez votre calme pour éviter l’escalade, assurez la sécurité physique, utilisez peu de mots et un ton apaisant, proposez un espace calme, et attendez que l’intensité émotionnelle diminue avant toute discussion. L’objectif n’est pas de stopper immédiatement la crise mais d’accompagner l’enfant vers un retour au calme.
Les fondamentaux de la gestion immédiate :
Rester calme : votre état émotionnel influence celui de l’enfant, rappelez-vous que « c’est lui qui ne va pas bien, crier, s’énerver… ne fera qu’empirer la situation.
Assurer la sécurité de l’enfant et des autres (éloigner objets dangereux, protéger les plus jeunes).
Réduire la stimulation : baisser les lumières/le volume sonore si possible.
Utiliser peu de mots et un ton apaisant (une voix forte amplifie l’agitation).
Éviter le public : si possible, s’isoler dans un endroit calme.
Techniques d’accompagnement selon l’âge :
Tout-petits (1-3 ans) : contenance physique rassurante « proposer un câlin », distraction « Oh regarde le nuage dans le ciel », validation simple “Tu me sembles en colère”.
Préscolaires (3-6 ans) : proposer un coin calme, utiliser des objets transitionnels (doudou, fidget, timer, musique douce, boîte à histoire), techniques respiratoires simples.
Enfants d’âge scolaire : coin calme aménagé avec l’enfant (tente, coussins, musique douce, sablier, objets lumineux, BD ou livres…), exercices de respiration guidée, formulations positives : “Quand tu seras calmé, nous pourrons…”
Adolescents : offrir un espace personnel, reconnaître leur émotion sans juger, proposer d’en reparler plus tard.
Approches apaisantes :
Contenance émotionnelle : “je reste avec toi pendant que tu te calmes”.
Validation sans céder : “je comprends que tu veuilles ce jouet, mais nous ne pouvons pas l’acheter aujourd’hui”.
Reformulation des sentiments : “tu sembles vraiment frustré”.
Redirection de l’attention pour les plus jeunes.
Techniques physiques : respiration profonde, pression profonde (câlin si accepté).
Ce qu’il faut surtout éviter :
Crier ou menacer (augmente l’intensité émotionnelle)
Négocier pendant la crise (cerveau émotionnel non réceptif)
Céder pour arrêter la crise (renforce le comportement)
Punir l’expression émotionnelle (différent de poser des limites sur les comportements)
Surcharger de questions ou d’explications
Comment réagir sur le long terme pour mettre fin aux crises ?
Après les crises, établissez un cadre familial cohérent avec des règles claires, enseignez des compétences émotionnelles, valorisez les comportements positifs, et travaillez votre propre gestion du stress. Si les crises persistent, n’hésitez pas à consulter un professionnel (psychologue, psychomotricien, neuropédiatre). L’approche doit être constructive et non punitive.
Pour un changement durable, une stratégie à long terme est nécessaire :
Mettre en place un cadre structurant :
Établir des règles familiales claires et limitées (3-5 règles non négociables).
Assurer la cohérence entre les adultes et dans le temps.
Créer des routines apaisantes (moment calme avant le coucher, rituel du matin).
Développer les compétences émotionnelles :
Nommer et normaliser les émotions au quotidien.
Enseigner des techniques d’autorégulation adaptées à l’âge (respiration, visualisation, activité physique).
Utiliser des supports : livres sur les émotions, jeux de rôle.
Modéliser la gestion émotionnelle : “je me sens frustré, je vais respirer profondément”.
Renforcer positivement :
Remarquer et valoriser les efforts de contrôle, même minimes.
Célébrer les progrès plutôt que d’attendre la perfection.
Créer des moments de connexion positive quotidiens (temps privilégié de 10-15 minutes).
Utiliser des systèmes de récompense pour les comportements spécifiques à améliorer.
Prendre soin de soi en tant que parent :
Gérer son propre stress pour être disponible émotionnellement.
Partager la charge mentale avec l’autre parent ou des proches.
S’accorder des moments de ressourcement sans culpabilité.
Rejoindre des groupes de parents pour partager expériences et conseils.
Quand consulter un professionnel :
Si les crises sont très fréquentes, intenses ou longues malgré vos efforts.
Si vous observez une souffrance importante chez l’enfant.
Si la dynamique familiale est gravement perturbée.
Si vous suspectez un trouble sous-jacent.
Types d’accompagnements possibles :
Psychologue pour enfants : thérapie individuelle, guidance parentale
Psychomotricien : pour les enfants avec difficultés sensorielles
Neuropédiatre : pour évaluer les troubles neurodéveloppementaux potentiels
Programmes parentaux structurés : PEHP, REACT, etc.
Approches thérapeutiques efficaces :
Thérapie cognitivo-comportementale : TCC
Interventions psychoéducatives
Thérapie familiale systémique
L’objectif n’est pas de supprimer toutes les crises (qui font partie du développement normal), mais de les réduire en fréquence et intensité tout en développant chez l’enfant des compétences émotionnelles qui lui serviront toute sa vie.
À SAVOIR
À lire : 50 clé pour aider un enfant qui fait des crises, par Marie Costa, Éditions Eyrolles, 14,90€ (novembre 2024)