Un chercheur tentant de comprendre les mécanismes du Covid long.
Il n'existe à ce jour aucun remède efficace capable de traiter le Covid long, l'une des conséquences encore méconnues d'une infection au SARS-CoV-2, le virus du Covid-19.

Professeur d’épidĂ©miologie et de santĂ© publique, Philippe Vanhems est Ă  l’origine du premier Centre d’excellence sur les pathogènes respiratoires créé rĂ©cemment Ă  Lyon. L’occasion d’évoquer avec cet Ă©minent scientifique les consĂ©quences de la crise Covid et ses enseignements. Selon lui, si le monde a globalement appris Ă  vivre avec le Covid, l’Ă©pidĂ©mie est loin d’Ăªtre vĂ©ritablement Ă©radiquĂ©e, entre bouffĂ©es chroniques de circulation du virus et, pour 10 Ă  20% des personnes infectĂ©es, de lourdes complications liĂ©es au Covid long, avec des symptĂ´mes persistant parfois plusieurs mois après la contamination.

Cet Ă©tĂ© 2023 a Ă©tĂ© marquĂ© par une rĂ©surgence partielle de l’Ă©pidĂ©mie de Covid-19. Faut-il pour autant s’en inquiĂ©ter ? Les rĂ©ponses du Pr Philippe Vanhems, Ă©pidĂ©miologistes aux Hospices Civils de Lyon.

Covid : “le virus n’a pas Ă©tĂ© Ă©radiquĂ©”

Il y a deux ans, la rĂ©gion AuRA comme la planète entière sortait d’une crise sanitaire inĂ©dite. Cette page est-elle dĂ©finitivement tournĂ©e ?

Non, la page n’est pas dĂ©finitivement tournĂ©e. Mais nous ne sommes plus dans un contexte de crise. Le virus reste prĂ©sent mais de façon endĂ©mique, un bruit de fond en quelque sorte, qu’il s’agit de surveiller Ă  l’image d’autres infections respiratoires virales. On rentre dans une phase de chronicitĂ© de la circulation virale avec de possibles accĂ©lĂ©rations gĂ©nĂ©rant des bouffĂ©es Ă©pidĂ©miques. Bref, le virus n’a pas Ă©tĂ© Ă©radiquĂ©. Il est latent mais, Ă  ce jour,  contrĂ´lable. L’essentiel est de surveiller ses capacitĂ©s de diffusion et son profil gĂ©nĂ©tique afin de dĂ©tecter de manière prĂ©coce l’émergence d’un variant plus transmissible et plus pathogène. Il reste aussi une part d’inconnu sur d’éventuelles interactions entre les diffĂ©rents virus respiratoires, qu’il s’agisse du virus de la bronchiolite au dĂ©but de l’automne ou de la grippe durant l’hiver.

Effectivement, on compare dĂ©sormais le Covid-19 au virus de la grippe, Ă  la diffĂ©rence près qu’il n’est pas encore dĂ©montrĂ© de caractère saisonnier. La moindre virulence du virus est-elle de nature Ă  rassurer ?

Oui, sachant qu’il reste encore des personnes qui dĂ©cèdent du Covid mais dans des proportions bien moindre. Il s’agit, dans la plupart des cas, de personnes très Ă¢gĂ©es, non vaccinĂ©es, qui souffrent de comorbiditĂ©s lourdes et succombent de cette surinfection virale. Au-delĂ  de cette rĂ©alitĂ©, on est aujourd’hui très attentif aux consĂ©quences du Covid long. En l’occurrence, la chronicitĂ© ou la persistance de symptĂ´mes comme une fatigue gĂ©nĂ©rale, des problèmes de concentration, des troubles du sommeil, des douleurs musculaires et plus globalement une altĂ©ration de la qualitĂ© de vie en sont les principaux symptĂ´mes. Il reste encore beaucoup de zones d’ombre sur le mĂ©canisme de ce Covid long.

Covid long : “nous sommes dans une impasse thĂ©rapeutique”

De manière scientifique, que sait-on exactement sur ce Covid long ?

Le Pr Philippe Vanhems, épidémiologiste aux HCL, interrogé sur la persistance du Covid par Ma Santé.
Le Pr Philippe Vanhems.

Certains facteurs ont été identifiés, en particulier une prédisposition génétique très rare après une phase de Covid aigue. Les comorbidités et l’état général des personnes peut aussi jouer un rôle. Mais nous sommes dans une impasse thérapeutique, avec des difficultés à proposer des traitements symptomatiques satisfaisants. Dans la plupart des cas, on constate une amélioration naturelle mais après une période plus ou moins longue, sans administration de médicaments, sans comprendre vraiment la raison de cette évolution favorable.

On peut donc rassurer les personnes souffrant de Covid long sur le caractère plus ou moins Ă©phĂ©mère de ce Covid long ?

Oui, c’est parfois une question de quelques semaines ou de quelques mois comme pour l’agueusie (Ndlr : perte du goĂ»t). Les incidences cognitives peuvent persister plus prĂ©occupantes.

Les Ehpad parés contre une nouvelle épidémie ?

Qu’a rĂ©vĂ©lĂ© la rĂ©cente Ă©tude* sur l’incidence du Covid dans tous les Ehpad de la rĂ©gion, publics ou privĂ©s abritant plus de dix lits, durant les deux vagues ?

D’une part, la seconde vague a été plus sévère que la première, que ce soit en nombre de cas ou en terme de taux de mortalité. Autre constat, l’épidémie a été plus sévère en nombre de cas dans les Ehpad privés comparé aux Ehpad associés aux établissements publics. Ce constat est corroboré par d’autres études menées à l’étranger, aux Etats-Unis ou en Australie notamment.

* étude menée par les Hospices Civils de Lyon en collaboration avec Biostatistiques

Y-a-t-il une explication ?

On en reste au stade des hypothèses. L’application des mesures barrières a Ă©tĂ© peut-Ăªtre plus difficilement mise en place dans le privĂ©, les leçons de la première vague moins bien assimilĂ©es en matière de gestion du risque infectieux. On peut aussi se poser la question de la qualification du personnel dans des Ă©tablissements oĂ¹ le turn-over est Ă©levĂ© et oĂ¹ le recours Ă  l’intĂ©rim est frĂ©quent. Mais il y a aussi d’autres raisons plausibles comme le nombre de chambres Ă  plusieurs lits ou l’altĂ©ration des fonctions cognitives des rĂ©sidents ayant du mal Ă  intĂ©grer les mesures de prĂ©vention.

Quel serait alors l’Ehpad « idĂ©al Â» pour limiter l’impact d’une future Ă©pidĂ©mie dans ces Ă©tablissements ?

Pour les Ehpad de gros volume, il faudrait une conception en petites unitĂ©s, bien cloisonnĂ©es, avec des chambres Ă  un lit gĂ©rĂ©es par du personnel qualifiĂ©, formĂ© aux risques infectieux et dĂ©diĂ© Ă  ces rĂ©sidents Ă¢gĂ©s.

ÉpidĂ©mies respiratoires : un centre d’excellence Ă  Lyon

Quel rĂ´le joue le tout nouveau centre d’excellence sur les pathogènes respiratoires ?

Étudier l’évolution des virus respiratoires mais aussi l’impact de la vaccination. Ce centre a une vocation locale, régionale, nationale voire internationale. Concrètement, on va partager les approches scientifiques pour modéliser les épidémies respiratoires, leur transmission et leur contrôle. On est dans le champ de la prévention, de l’épidémiologie et de la santé publique. Il sera question de travaux de recherche mais avec un souci d’applicabilité à court terme pour la population. Il s’agit d’une collaboration scientifique entre les HCL, le CIRI et Sanofi.

Le Sars-Cov2 fait partie de vos champs d’investigation ?

Bien sĂ»r, au mĂªme titre que le virus de la grippe, de la bronchiolite, mais aussi d’autres virus respiratoires moins connus mais parfois redoutables chez les enfants comme chez l’adulte ou les personnes Ă¢gĂ©es. Il y a aussi des travaux sur les infections respiratoires bactĂ©riennes incluant, par exemple, l’impact de la vaccination contre le pneumocoque qui est une bactĂ©rie susceptible de causer des infections très sĂ©vères.

On a le sentiment que le nombre de pathologies respiratoires augmente au fil des ans. Est-ce une rĂ©alitĂ© ?

Il est difficile de répondre. En revanche, on a amélioré la vigilance épidémiologique et les outils de détection des agents infectieux. Parfois, dans le passé, certaines infections pouvaient ne pas avoir été étiquetées. Les outils diagnostics plus performants permettent d’identifier les microbes en cause et d’orienter, par exemple, la recherche vaccinale, sans oublier l’adaptation des mesures de prévention et thérapeutiques, notamment auprès des populations à haut risque.

ÉpidĂ©mies virales : “le phĂ©nomène s’est accĂ©lĂ©rĂ©”

Faut-il craindre une multiplication des maladies virales sur la planète ?

Oui, dans la mesure oĂ¹ des contextes particuliers vont permettre l’émergence d’une souche virale très transmissible gĂ©nĂ©rant des Ă©pidĂ©mies, voire des pandĂ©mies. Ces conditions particulières facilitant l’émergence d’un agent infectieux, viral ou bactĂ©rien, seront favorisĂ©es par la modification de notre environnement. Par ailleurs, de nombreuses Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que l’essor des voyages au sens large accĂ©lère ce phĂ©nomène de transmissibilitĂ© planĂ©taire. DĂ©jĂ , Ă  l’époque des croisades, la peste a ainsi Ă©tĂ© importĂ©e en Europe. D’autres agents infectieux suivaient la route de la soie. Ce phĂ©nomène s’est accĂ©lĂ©rĂ© ces cinquante dernières annĂ©es avec l’essor de l’aĂ©rien et la mondialisation. Le changement climatique aura probablement aussi un impact.

Le concept « One Health Â» est en vogue dans les milieux scientifiques. Partagez-vous cette vision d’une santĂ© globale transversale incluant l’Homme, l’animal et l’environnement ?

Oui, ce concept a du sens. On constate par exemple, pour les maladies infectieuses, que le contexte environnemental et le contact ou la proximité avec le monde animal favorisent l’émergence de nouvelles maladies virales. Qu’il s’agisse de la faune sauvage ou domestique. À partir de ce constat, la problématique consiste à déterminer les facteurs environnementaux à l’origine de telles infections et ensuite définir sur quels champs il faut agir ou réagir pour limiter les conséquences de ces interactions. C’est vrai en matière de santé humaine comme de la santé animale.

L’origine de l’Ă©pidĂ©mie “reste très floue”

La pandĂ©mie de Covid-19 est-elle un cas d’école en matière de « one health Â» ?

C’est vrai qu’une exposition à une source animale est plausible. Ont été évoqués le pangolin, un reptile ou une chauve-souris, entre autres. Cela fait partie des hypothèses privilégiées pour expliquer l’apparition et la diffusion du virus. Mais un problème de sécurité défaillante dans un laboratoire chinois est aussi évoqué. Cela reste très flou. Une chose est sûre, la multiplication des échanges intercontinentaux a joué un rôle majeur dans la diffusion de ce virus à l’échelle planétaire. A fortiori à cause de la banalité des symptômes initiaux ou le fait que des personnes asymptomatiques ont voyagé puis transmis ce virus sur leur lieu de destination.

D’oĂ¹ la pertinence de ce master de santĂ© mondial prochainement créé Ă  Lyon ?

Effectivement, l’idée est de proposer à Lyon 1 un enseignement autour du concept de santé mondiale intégrant des aspects de santé publique, socio-économiques, de gestion des systèmes de santé, de méthodologie en matière d’épidémiologie et d’investigation de situations de crise. Ce master est co-porté par le Pr Sylvie Négrier, du Centre Léon Bérard, ainsi que par le Pr Marie Préau, de Lyon 2. Les modules d’enseignement traiteront des thématiques de santé publique, soit de pathologies infectieuses transmissibles comme le VIH, la tuberculose ou le paludisme ou encore de pathologies chroniques comme le cancer, le diabète, la malnutrition ou les maladies cardio-vasculaires. Les étudiants travailleront sur des cas concrets, en lien avec des acteurs de Lyon 1 ou Lyon 2, le CIRC, Bioforce, Sciences Po mais aussi l’académie de l’OMS qui s’installe à Lyon, la Fondation Mérieux et d’autres acteurs internationaux impliqués dans la santé internationale.

Ă€ SAVOIR

Le Pr Philippe Vanhems est le co-coordinateur, avec le Pr Marta Nunes, du Centre d’Excellence sur les pathogènes respiratoires, créé à Lyon en collaboration avec Sanofi et le Centre International de Recherche en Infectiologie.

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Enfant des radios locales, aujourd'hui homme de médias, il fait partager son expertise de la santé sur les supports print, web et TV du groupe Ma Santé AuRA.

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