Un étudiant en médecine qui prend note de la nouvelle réforme des études de santé.
Le numerus apertus, qui fixait le nombre d’admis en 2ᵉ année de médecine, a été supprimé en juin 2025 afin de former davantage de médecins. © Freepik

Face à l’explosion des déserts médicaux et à la complexité grandissante de l’entrée dans les filières santé, la France s’engage dans une réforme ambitieuse. L’objectif ? Non seulement simplifier l’accès aux études de médecine, pharmacie, maïeutique et odontologie, mais aussi orienter la formation vers les zones les plus fragiles du territoire. Un changement de cap qui interroge autant qu’il mobilise.

Depuis 2020, l’accès aux études de santé en France s’appuie sur deux voies : le Parcours Accès Spécifique Santé (PASS) et la Licence avec Accès Santé (LAS), remplaçant l’ancienne PACES. Mais un rapport de la Cour des comptes, publié en décembre 2024, juge cette réforme « complexe et mal conçue »

C’est dans ce contexte qu’a été votée la Loi n° 2025‑580 du 27 juin 2025 dite « territorialisation et formation », qui redéfinit les modalités de formation des professionnels de santé en plaçant la priorité sur les besoins des territoires.

Plutôt que de simplement en finir avec des quotas arbitraires, cette réforme entend faire de l’entrée dans les études de santé un levier de justice territoriale : mieux répartir les futurs médecins, pharmaciens, sages-femmes, afin qu’ils s’installent là où les besoins sont les plus importants.

Entre faiblesse du modèle et urgences de santé

Le constat est double : d’une part, le système d’accès aux études de santé est jugé peu lisible et indigne d’égalité. La Cour des comptes note que la coexistence des filières PASS et LAS a généré « deux dispositifs de recrutement », fruit d’un compromis, et que « les moyens étaient insuffisants au regard des ambitions ».

D’autre part, la France continue de faire face à des manques criants de professionnels de santé dans certaines zones. L’accès aux soins y est difficile, le phénomène des déserts médicaux persiste. Le texte voté en juin 2025 anticipe les besoins en affirmant que les « besoins de santé du territoire » primeront désormais sur les seules « capacités de formation ».

Par ailleurs, la suppression annoncée du Numerus apertus (régime de quotas locaux qui succédait au numerus clausus) symbolise ce tournant. Le ministre de la Santé a confirmé qu’il allait être supprimé pour former davantage de médecins. Les futurs professionnels de santé doivent être formés non seulement en nombre mais sur les territoires où l’on peine à les retenir.

Les grandes lignes de la réforme des études de santé

La loi du 27 juin 2025 entérine plusieurs transformations majeures :

  • Le numerus apertus disparaît : la logique d’un quota minimal fixé par région laisse place à un principe plus large de prise en compte des besoins territoriaux.
  • Les agences régionales de santé (ARS) et les universités pourront être mieux mobilisées pour augmenter les capacités de formation là où cela manque, quand bien même l’université située dans une zone sur-dotée pourrait voir ses effectifs évoluer. 
  • L’accès aux études de santé pourrait être rationalisé vers une voie plus unique : des articles récents annoncent une refonte de l’accès PASS/LAS vers un modèle plus simple.
  • Un objectif de meilleure répartition géographique : par exemple, le texte évoque que chaque département devrait disposer d’ici 2030 d’une première année d’accès aux études de santé, afin de réduire les inégalités.

Des territoires en tension qui espèrent un nouveau souffle

Pour les territoires les plus fragiles, cette réforme pourrait marquer un véritable tournant. Aujourd’hui, près de 8,6 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes, selon la Drees (2024). 

Dans certaines communes rurales, périurbaines ou insulaires, les délais pour obtenir un rendez-vous peuvent dépasser plusieurs semaines. Les départements de la Creuse, de la Haute-Saône ou encore de la Lozère illustrent cette pénurie persistante.

L’objectif affiché par le gouvernement est clair : former davantage au plus près des besoins locaux. En d’autres termes, adapter la formation des futurs médecins, pharmaciens ou sages-femmes à la réalité du terrain. 

La loi du 27 juin 2025 confie aux Agences régionales de santé (ARS) la mission de calibrer chaque année, avec les universités, les capacités d’accueil en fonction de la démographie médicale régionale.

Dans des régions vieillissantes comme la Bourgogne-Franche-Comté, où un médecin sur deux atteindra l’âge de la retraite d’ici 2030 (Insee, 2025), cette réforme pourrait permettre d’augmenter localement le nombre d’étudiants formés, tout en développant de nouveaux sites d’enseignement.

Former autrement pour ancrer les vocations

Au-delà du nombre, le gouvernement veut encourager une formation plus enracinée dans la réalité territoriale. Cela passe par la création d’antennes universitaires dans les villes moyennes, mais aussi par une refonte pédagogique.

Plusieurs doyens de faculté plaident pour que les cursus incluent désormais des modules dédiés à la médecine rurale, à la coopération interprofessionnelle ou à la gestion de la santé en milieu isolé. L’objectif est de mieux préparer les futurs praticiens à exercer dans des contextes où l’isolement, les distances et la polyvalence font partie du quotidien.

Pour les étudiants, un accès plus lisible… et plus juste

Côté étudiants, la réforme promet une meilleure lisibilité du système d’accès. Depuis la disparition du numerus clausus et la coexistence des filières PASS et LAS, les candidats dénonçaient un parcours « illisible et inégalitaire ». D’après une enquête de la Fage (2024), 62 % des étudiants jugeaient la sélection opaque et source d’anxiété.

La future refonte (possiblement dès 2026) devrait tendre vers une voie unique d’accès aux études de santé. L’idée est de simplifier, clarifier et harmoniser la sélection, tout en maintenant un haut niveau d’exigence. L’évaluation pourrait accorder davantage de place aux compétences cliniques et relationnelles, plutôt qu’à la seule performance académique. Les universités, elles, resteront jugées sur la qualité de l’enseignement, le suivi des étudiants et la richesse des terrains de stage.

Le dilemme de la liberté d’installation

Reste un point sensible, l’installation des jeunes diplômés. La réforme ne prévoit pas de contrainte directe, mais elle ouvre la voie à des incitations renforcées : bourses d’études, aides à l’installation, priorité d’affectation pour les internes formés dans certaines zones.

Le ministère de la Santé insiste, il s’agit d’orienter, pas d’obliger. Mais les syndicats d’internes, comme l’Isni, restent vigilants. Ils craignent qu’à terme, ces mesures n’aboutissent à une forme de « médecine dirigée ».

Pour que cette stratégie réussisse, les pouvoirs publics devront agir au-delà de la seule formation. Il faudra rendre la vie en région attractive : logements, crèches, emploi du conjoint, structures de soins modernes. Sans un cadre de vie favorable, l’installation durable des praticiens restera un vœu pieux, même pour les plus motivés.

À SAVOIR 

Au 1ᵉʳ janvier 2025, la densité moyenne de médecins en exercice libéral en France s’établissait à 182 médecins pour 100 000 habitants. Certaines régions restent largement en-dessous de cette moyenne, ce qui illustre l’ampleur des disparités territoriales.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentPourquoi le cancer du sein progresse chez les femmes de moins de 40 ans ? 
Article suivantPeut-on vraiment dépister le cancer plus tôt grâce à une simple prise de sang ?
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici