Face à une pénurie de soignants et à une médecine en pleine mutation, l’Académie nationale de médecine tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport officiel adopté le 25 février 2025, elle appelle à une refonte totale des études de médecine. Objectif ? Raccourcir le parcours, le rendre plus concret et mieux adapter la formation aux besoins du terrain.
La formation médicale actuelle est un véritable parcours du combattant. Entre la réforme du numerus clausus, la complexité du dispositif PASS/LAS et des stages trop hospitalo-centrés, de nombreux étudiants peinent à s’y retrouver. Et 5000 jeunes Français partent chaque année à l’étranger pour faire leurs études de médecine – un exil qui alerte les professionnels du secteur.
Autre problème : le système de santé français évolue, mais la formation reste figée. L’intelligence artificielle, la prévention, la gestion des déserts médicaux… autant de défis que les jeunes médecins ne sont pas assez préparés à relever. Face à ces constats, l’Académie nationale de médecine propose une réforme de la formation médicale ambitieuse.
Une refonte des études de médecine
Réduire la durée des études
Aujourd’hui, un futur médecin met au minimum 10 ans avant de pouvoir exercer en toute autonomie. L’Académie veut alléger ce parcours :
- Un tronc commun en licence santé pour regrouper médecine, pharmacie, maïeutique, kiné et professions paramédicales.
- Un master en médecine en 2 ans (dont une 6e année transformée en première année d’internat).
- Un doctorat de 4 à 5 ans selon la spécialité, contre 6 à 9 ans actuellement.
Résultat, une formation plus courte d’un à trois ans selon les spécialités, sans sacrifier la qualité. Cette refonte vise aussi à mieux préparer les étudiants à la pratique réelle du métier. Aujourd’hui, la formation repose trop sur la théorie et les stages hospitaliers. L’objectif est d’ouvrir davantage l’apprentissage à la médecine de ville et aux nouvelles technologies médicales.
Des études plus adaptées à la réalité du terrain
L’Académie prône un enseignement plus pragmatique et en phase avec les besoins actuels :
- Plus de stages en médecine de ville pour mieux comprendre le quotidien des généralistes.
- Une formation renforcée en intelligence artificielle, bio génomique et cybersécurité, des outils qui transforment déjà la médecine.
- Un apprentissage du management et du travail en équipe, car les médecins de demain ne travailleront plus seuls, mais avec infirmiers, kinés, pharmaciens et autres soignants.
- Une meilleure formation en relation patient-soignant, pour apprendre à écouter, rassurer et annoncer un diagnostic difficile.
En parallèle, la note aux ECOS (examens cliniques objectifs structurés), jugée injuste et inégale, ne serait plus prise en compte dans le classement des étudiants.
Faut-il vraiment plus de médecins ?
On entend souvent dire qu’il faut former plus de médecins pour combler le manque de soignants en France. Mais l’Académie nuance. Ce n’est pas seulement une question de nombre, mais d’organisation.
Aujourd’hui, on compte 51 000 généralistes en exercice en France. L’Académie estime que 56 000 suffiraient, à condition de mieux répartir les médecins sur le territoire et de déléguer certaines tâches aux infirmiers et pharmaciens.
Plutôt que de former 16 000 nouveaux médecins par an comme le propose le gouvernement, l’Académie recommande une hausse plus raisonnable de 10%, soit environ 12 000 étudiants par an.
Réforme des études de médecine : une solution pour mieux répartir les médecins en France ?
Une régionalisation de l’internat pour lutter contre les déserts médicaux
Le choix du lieu d’internat a un impact direct sur la répartition des médecins en France. Aujourd’hui, beaucoup choisissent les grandes villes et quittent les zones rurales dès leur formation terminée.
Proposition de l’Académie : intégrer une part de régionalisation dans l’internat, en favorisant les étudiants qui souhaitent se former dans leur région d’origine. Objectif : fixer plus de médecins dans les territoires sous-dotés.
Miser sur la simulation et le numérique
Les technologies immersives sont en plein essor. Pourquoi ne pas en faire un pilier de la formation ?
L’Académie encourage le développement de la simulation numérique et immersive pour permettre aux étudiants de s’entraîner avant d’être confrontés à des situations réelles. Moins de théorie, plus de pratique !
Un changement nécessaire, mais à quel prix ?
Réformer les études de médecine, c’est bien. Mais encore faut-il en avoir les moyens. L’Académie souligne que cette transformation nécessitera un renforcement des ressources des facultés de médecine, aujourd’hui déjà saturées.
Elle appelle aussi à redonner plus d’autonomie aux doyens, afin qu’ils puissent adapter les formations aux réalités du terrain.
À SAVOIR
La réforme des études de médecine en France a souvent été au cœur de débats passionnés. En 1983, une réforme des universités, connue sous le nom de réforme Savary, a suscité une vive opposition parmi les étudiants en médecine. Ils ont organisé des manifestations massives pour protester contre les changements proposés, notamment la suppression du concours de l’internat et la création d’un corps unique hospitalo-universitaire. Ces manifestations ont culminé le 12 avril 1983, avec une importante mobilisation à Paris, où des milliers d’étudiants ont défilé pour exprimer leur mécontentement.