Un homme qui participe aux tests sanguins Galleri pour dépister un potentiel cancer.
Bientôt, une simple prise de sang pour vaincre le cancer ? Peut-être un jour ! © Freepik

Un test sanguin capable de repérer plus de cinquante cancers, parfois avant l’apparition des premiers symptômes. C’est la promesse du Galleri®, développé par la biotech américaine GRAIL. L’innovation fait beaucoup parler d’elle, soutenue par des investisseurs séduits par son potentiel, mais aussi scrutée de près par les médecins et les autorités sanitaires. Derrière l’espoir d’une révolution, que disent vraiment les études ? Et que peut-on en attendre en France ?

Et si une prise de sang suffisait à dépister la plupart des cancers ? C’est le pari de GRAIL, filiale de l’américain Illumina, qui développe depuis plusieurs années le test Galleri®. Le principe est de repérer, dans le sang, des fragments minuscules d’ADN tumoral, appelés ADN circulant tumoral ou ctDNA, libérés par certaines cellules cancéreuses. 

Ces fragments portent une signature chimique particulière, une empreinte de méthylation, que des algorithmes d’intelligence artificielle apprennent à reconnaître. En théorie, cela permettrait de détecter jusqu’à 50 types de cancers différents, parfois à des stades précoces, bien avant qu’ils ne soient visibles à l’imagerie ou symptomatiques.

Des résultats prometteurs, mais encore partiels

Les premières données cliniques ont fait grand bruit. L’étude PATHFINDER, menée aux États-Unis, a montré que le test identifiait correctement l’origine probable du cancer dans près de 88 % des cas où un signal était détecté, avec une spécificité élevée (99,5 %), c’est-à-dire très peu de faux positifs.

La suite, baptisée PATHFINDER 2, a présenté ses premiers résultats à l’automne 2025 lors du congrès européen de cancérologie (ESMO). Sur plus de 25 000 participants asymptomatiques, le test a permis de détecter un signal tumoral chez environ 0,93 % d’entre eux ; parmi ces cas, 0,57 % ont effectivement reçu un diagnostic de cancer confirmé. Selon GRAIL, cela correspond à une valeur prédictive positive d’environ 61,6 % et aurait permis de multiplier par sept le nombre de cancers découverts lorsqu’on l’ajoute aux dépistages standards déjà recommandés.

Alors, des résultats, oui, mais prudence 

Ces résultats sont encourageants, mais il faut rester prudent. À ce stade, ils proviennent d’une communication d’entreprise et non encore d’un article évalué par les pairs. Ils n’établissent pas non plus que l’utilisation du test réduit effectivement la mortalité liée au cancer, critère ultime de tout dépistage de masse.

Une autre étude, baptisée SYMPLIFY, a été publiée en 2023 dans The Lancet Oncology et menée au Royaume-Uni sur plus de 5 000 patients présentant des symptômes suspects de cancer. Elle a montré que le Galleri® identifiait correctement un signal tumoral dans 66 % des cas confirmés et en localisait l’origine probable dans 85 % des cas positifs. Le potentiel est donc réel, mais la marge de progrès est ecnore importante pour atteindre une sensibilité suffisante aux stades très précoces.

Cancers : l’espoir d’une détection plus large

L’intérêt majeur de ce type de test réside dans les cancers qu’on dépiste aujourd’hui très mal : pancréas, ovaire, foie, œsophage… Des tumeurs souvent silencieuses jusqu’à un stade avancé.

Si un test sanguin permettait de les repérer plus tôt, les chances de guérison augmenteraient considérablement. C’est ce que soulignent plusieurs chercheurs, notamment l’équipe britannique du professeur Mark Middleton (Université d’Oxford), qui pilote le programme SYMPLIFY. Pour lui, ces tests « ouvrent une porte vers une nouvelle ère de la médecine préventive, mais il faudra prouver qu’ils changent réellement le destin des patients ».

Aux États-Unis, où le Galleri® est déjà disponible commercialement, son prix tourne autour de 900 dollars et il n’est pas encore remboursé. Il est classé comme LDT (Laboratory-Developed Test), c’est-à-dire un test développé et validé par le laboratoire qui l’exécute, sans approbation complète de la Food and Drug Administration (FDA).

Dans l’Hexagone, le Galleri® n’est pas disponible dans le cadre des programmes nationaux de dépistage. Aujourd’hui, seuls trois dépistages sont organisés : le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus et le cancer colorectal

Ces programmes sont encadrés par la Haute Autorité de Santé et Santé publique France, qui exigent des preuves solides de réduction de mortalité avant tout déploiement à grande échelle. Les autorités françaises suivent de près les travaux américains et britanniques, mais aucune validation réglementaire européenne n’a encore été accordée pour envisager de le déployer à la même échelle.

En France, il n’existe ni recommandation officielle, ni prise en charge par l’Assurance maladie pour ce type de dépistage multi-cancer. Son usage relève donc, pour l’instant, d’une démarche individuelle, et seulement en concertation avec un médecin.

Un résultat positif au test nécessite une batterie d’examens complémentaires pour localiser le cancer : imagerie, biopsies, IRM… Cela peut provoquer de l’anxiété et, dans certains cas, conduire à un surdiagnostic. C’est-à-dire la détection de tumeurs qui n’auraient jamais évolué vers une maladie dangereuse.

Un rapport de l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ), publié dans Annals of Internal Medicine en septembre 2025, appelle d’ailleurs à la prudence. « Les tests multi-cancers à ce jour n’ont pas encore démontré de bénéfice net sur la mortalité globale ; des essais randomisés de grande ampleur sont nécessaires ».

De même, un résultat négatif n’est pas une garantie d’absence de cancer. Certains types de tumeurs libèrent peu ou pas d’ADN tumoral dans le sang, en particulier à leurs débuts. Les experts insistent donc : un dépistage négatif ne dispense pas des examens de routine ni des programmes classiques recommandés.

À SAVOIR 

D’autres dépistages existent mais ne sont pas systématiques comme le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs à haut risque est actuellement en phase d’expérimentation dans plusieurs régions françaises depuis 2023.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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