Premier employeur privé de la Métropole de Lyon, le groupe Sanofi mise sur son vaccin de rappel et sur l’innovation pour rattraper le temps perdu durant la crise Covid. Les explications de Charles Wolf, directeur général “Vaccins France” chez Sanofi.
Un vaccin de deuxième generation pour le rappel vaccinal des Français et des Européens
Comment expliquer que Sanofi n’ait pas été un acteur majeur de la vaccination durant l’épidémie de Covid-19 ?
Mais Sanofi a été un acteur majeur ! Nous avons été le seul groupe industriel à produire trois vaccins Covid pour des concurrents, en l’occurrence Moderna, Pfizer-BioNTech et Janssen. On a mis à disposition une partie de notre outil industriel pour participer activement à l’effort de lutte contre la pandémie. Par ailleurs, mi-décembre, Sanofi a lancé VidPrevtyn, un vaccin de deuxième génération pour le rappel vaccinal des Français et des Européens.
Ce vaccin VidPrevtyn Beta exploite la protéine recombinante. Quel est l’intérêt de cette technologie classique par rapport à l’ARN messager (ARNm) ?
Il est important, en cas de pandémie, d’explorer plusieurs pistes afin de se donner toutes les chances de réussir. À l’origine, Sanofi a donc développé deux candidats vaccins. L’un avec la technologie ARNm. L’autre à base de protéine recombinante. Sachant que la demande pour des primo-vaccinations était devenue moindre, on a privilégié la protéine recombinante, technologie très efficace pour les rappels vaccinaux.
À qui s’adresse ce rappel Covid ?
À tous les patients de plus de 18 ans, qu’ils aient reçu un primo-vaccin à ARNm messager ou à adénovirus. Une sorte de rappel universel qui permet de booster la réponse immunitaire quelle que soit la première injection.
2,5 milliards d’euros pour rester dans la course
La technologie à ARN messager reste-t-elle toutefois une piste prioritaire pour le développement de futurs vaccins ?
Oui. L’ARNm est clairement une technologie prometteuse qui n’en est qu’au début de son développement. Voilà pourquoi Sanofi a investi de manière significative pour acquérir cette technologie en développant un centre d’expertise à Lyon et aux Etats-Unis. Un investissement de deux milliards d’euros sur cinq ans. Bref, Sanofi mise beaucoup sur l’ARN messager, même si cela restera une technologie complémentaire par rapport à tous les autres vaccins développés par le groupe.
Sanofi est leader sur le marché du vaccin grippal. De nouvelles pistes sont-elles explorées pour optimiser son efficacité ?
Oui, à la demande des autorités françaises et étrangères, on a mis au point un vaccin plus dosé en antigènes pour les personnes de plus de 65 ans, dit « highdose ».
Pourquoi ?
Parce la grippe présente le plus lourd fardeau dans cette population. Avec l’âge, il existe une altération progressive du système immunitaire, appelée l’immunosénescence, liée à une moindre réponse immunitaire. Notre vaccin “highdose” est une solution différenciée pour protéger ces populations. Il est commercialisé aux États-Unis depuis une dizaine d’années et il est désormais disponible sur le marché français. Pour vous donner une idée de l’efficacité de ce vaccin, à taux de couverture identique chez les plus de 65 ans, l’utilisation de ce vaccin à haute dose permettrait d’éviter 18 000 hospitalisations et 700 décès par an en France. C’est considérable.
Vaccination : “la France n’est pas un si mauvais élève”
La couverture vaccinale en France reste relativement faible, notamment depuis la crise Covid qui a offert une tribune inespérée aux antivax. Comment faire évoluer les mentalités en France ?
Certes, avec un taux de vaccination d’environ 50% sur les populations à risques, on est encore loin des 75% souhaités par l’OMS et les autorités françaises pour la vaccination grippale. Malgré tout, la France n’est pas un si mauvais élève. Ainsi, lors de la dernière campagne hivernale, après un démarrage un peu lent, on a constaté une forte réaction des autorités de santé, des professionnels de santé, des pharmaciens, des médecins, des sociétés savantes. On a ainsi récupéré notre retard et retrouvé le niveau des années précédentes. Ce n’est bien sûr pas suffisant. Mais cela confirme l’importance d’une bonne communication.
L’extension des compétences vaccinales, en particulier en officines, est-elle une solution pour optimiser cette couverture vaccinale ?
Oui, cette extension a fait ses preuves en Europe et par le monde, comme j’ai pu le constater dans d’autres pays. Cela permet de démultiplier les lieux d’injection et de faciliter ainsi l’accès à la vaccination.
Faut-il envisager de rendre de nouveaux vaccins obligatoires en France ?
L’obligation vaccinale doit être envisagée en dernier ressort. Comme évoqué précédemment, on doit surtout mettre l’accent sur la communication afin de favoriser la compréhension et l’adhésion. Par exemple, il faut savoir et faire savoir que le vaccin contre la grippe réduit considérablement certains effets secondaires, notamment les risques cardio-vasculaires liés à cette infection.
Méningites à méningocoques : le vaccin Sanofi en attente du feu vert
Depuis quelques mois, les cas de méningites à méningocoques se multiplient en France, et notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, avec parfois une issue fatale. Où en est le vaccin développé par Sanofi ?
J’ai été basé en Afrique durant plusieurs années. J’ai pu constater les ravages de cette maladie dévastatrice avec une forte mortalité, de l’ordre de 40 à 50%, et de graves séquelles pour les survivants. Les conséquences sont donc dramatiques et le rebond constaté par Santé Publique France fin 2022/début 2033 est très préoccupant. On est quand même sur une centaine de cas par mois. Depuis le mois de décembre, c’est plus de deux cas par jour, deux décès par semaine. C’est considérable. Cette recrudescence des cas concerne notamment les sérogroupes W et Y qui ne sont pas dans le schéma vaccinal remboursé et recommandé par les autorités de santé. Nous avons mis à disposition, en France, un vaccin tétravalent, autrement dit une protection sur les groupes A, C W et Y. Cela pourrait réduire de 50% le nombre de cas. On espère désormais avoir un feu vert rapide de la Haute Autorité de Santé pour que ce vaccin intègre la stratégie vaccinale.
Autre menace récurrente, l’épidémie de bronchiolite a été particulièrement virulente cet hiver. Quid de Beyfortus, le vaccin inédit développé par Sanofi avec AstraZeneca ?
Il s’agit d’un anticorps monoclonal. On injecte et immédiatement, le bébé est protégé contre le VRS (virus respiratoire Syncytial), à l’origine de la bronchiolite. Jusqu’à présent, les solutions existantes nécessitaient une injection tous les mois. Avec Beyfortus, le nourrisson de moins d’un an sera protégé durant toute la période épidémique. Un souci en moins pour les parents et un soulagement pour les centres hospitaliers, les urgences pédiatriques étant souvent à saturation à cette période de l’année. Personne ne veut revivre les tensions de l’hiver dernier.
Quand sera-t-il disponible en France ?
On n’a pas encore de date exacte. C’est vrai qu’en France, le process de mise sur le marché est souvent complexe. Mais je sens un très fort engagement des autorités et des professionnels de santé pour pouvoir disposer de Beyfortus dès l’hiver prochain.
Innovation : “nous avons dix vaccins en cours de développement”
Ce dossier Beyfortus n’illustre-t-il pas la lourdeur excessive de la réglementation française ?
Il est important d’avoir les critères d’évaluation les plus élevés possibles. Cela dit, en situation d’urgence, il faut aussi aller vite. Je pense que l’hôpital, aujourd’hui, en France, est en situation d’urgence. Diminuer les hospitalisations sur les cas de bronchiolite, de Covid et de grippe, est un enjeu majeur de santé publique. D’autant que l’on dispose des outils de prévention.
La France, pays de Pasteur, a visiblement perdu son leadership en matière de vaccination. Quelle est la bonne stratégie pour revenir sur le devant de la scène ?
Miser sur l’innovation. Sanofi s’y attelle avec une accélération de ses programmes de R&D sur les vaccins. On a ainsi dix vaccins en cours de développement, six avec la technologie ARNm, quatre avec d’autres technologies plus classiques. Il faut renforcer la production industrielle mais aussi faciliter l’accès à l’innovation pour que la France redevienne un leader mondial de la vaccination.
Pour Sanofi, quel est le grand défi des prochaines années ?
Être capable de développer ces innovations tout en préservant son portefeuille très large de produits, et notamment de vaccins pour les pays émergents. N’oublions pas que Sanofi est toujours très présent sur l’éradication de la poliomyélite et sur les urgences épidémiques en Afrique. L’engagement français de Sanofi pour la santé mondiale est accompagné par une responsabilité majeure : notre engagement pour la planète et pour un monde du travail plus inclusif.
À SAVOIR
Une partie de l’histoire de Sanofi s’écrit en région lyonnaise, notamment avec un des plus grands sites au monde de recherche, développement et production de vaccins et le siège mondial de l’entité vaccins. Sanofi y prépare également la médecine de demain à travers des investissements majeurs en R&D et production de vaccins, ainsi qu’en thérapie génique. Avec plus de 5000 collaborateurs répartis sur quatre sites, Sanofi constitue le premier employeur privé sur la Métropole de Lyon et un acteur majeur de la santé en Auvergne-Rhône-Alpes.