Vous vous êtes déjà réveillé loin de votre lit ? Levé sans vous en rendre compte ? Dormir et être réveillé à la fois… c’est possible ! Là réside tout le mystère du somnambulisme. Ce trouble du sommeil se caractérise par la réalisation d’actions, complexes ou non, réalisées par un dormeur pendant la nuit. Mais quelles sont les causes ? Comment traiter ce trouble ? Être somnambule est-il dangereux ? Les explications du Dr Bertrand de la Giclais, médecin du sommeil à Annecy, en Haute-Savoie.
En France, entre 15 et 20% des enfants sont ou seront touchés plus ou moins gravement au cours de leur vie par ce trouble nocturne, moins courant à l’âge adulte. Au-delà de la curiosité du phénomène, il est essentiel de prendre conscience que le somnambulisme n’a rien d’anodin et, surtout, n’est pas sans danger. Les risques de blessures, lors d’une crise nocturne, peuvent être importants.
Il est donc nécessaire, pour gérer au mieux ce trouble et éviter les accidents, de comprendre le mécanisme du somnambulisme et de prendre certaines mesures. On lève le voile sur ce trouble du sommeil mystérieux, avec le concours du Dr Bertrand de la Giclais, responsable du centre du sommeil de la Clinique d’Argonay, à Annecy (Haute-Savoie).
Le somnambulisme, c’est quoi ?
Le somnambulisme, qui fait partie des troubles du sommeil connus sous le nom de parasomnie, se caractérise par des phénomènes moteurs réalisés pendant le sommeil lent profond. Le somnambulisme survient rarement en sommeil paradoxal, durant lequel le tonus musculaire est absent, ce qui rend tout mouvement impossible.
Les personnes atteintes de somnambulisme peuvent ainsi se lever de leur lit et entreprendre diverses actions, tout en étant encore endormies en sommeil lent profond. Ces actions peuvent aller de la simple marche à des activités plus complexes telles que la préparation de nourriture, le nettoyage ou même la conduite de véhicules !
Le somnambulisme se produit généralement pendant la première moitié de la nuit, car le sommeil lent profond y est prédominant. Il est souvent associé à d’autres parasomnies, tels que les cauchemars ou les terreurs nocturnes. Les épisodes de somnambulisme peuvent varier en durée, allant de quelques minutes à une heure ou plus.
Quelles sont les causes du somnambulisme ?
Plusieurs facteurs sont impliqués dans le développement du somnambulisme :
L’hérédité : le facteur héréditaire joue un rôle significatif dans les troubles du sommeil, y compris le somnambulisme. Les personnes ayant des antécédents familiaux de somnambulisme peuvent être plus susceptibles de présenter ce trouble.
L’âge : le somnambulisme est plus fréquent chez les enfants que chez les adultes. Les enfants sont plus susceptibles de faire du somnambulisme en raison de l’immaturité de leur système nerveux central, bien que certains adultes puissent également être affectés. Certaines recherches ont identifié jusqu’à 20% d’enfants somnambules. Cette proportion diminue chez les adolescents, pour atteindre 1% chez les adultes.
Le stress : les épisodes de somnambulisme peuvent être déclenchés par des événements traumatiques ou des situations stressantes. Le stress émotionnel peut perturber le sommeil et enclencher l’apparition de comportements somnambuliques pendant la nuit.
La consommation d’alcool : la consommation excessive d’alcool peut perturber le sommeil et augmenter le risque de somnambulisme chez l’adulte. L’alcool peut altérer la qualité du sommeil en affectant les cycles normaux.
La qualité du sommeil : un sommeil de mauvaise qualité, caractérisé par des troubles tels que l’insomnie ou l’apnée du sommeil, peut être un facteur aggravant du somnambulisme du fait de l’anxiété que cela génère. Les perturbations dans les cycles de sommeil normaux peuvent alors favoriser l’apparition d’épisodes de somnambulisme.
Bien sûr, d’autres facteurs peuvent entrer en compte, comme les fluctuations hormonales, la prise de certains médicaments, des troubles psychiatriques ou des problèmes médicaux sous-jacents.
Somnambulisme : quels sont les symptômes ?
Les symptômes du somnambulisme peuvent varier d’une personne à l’autre et peuvent être plus ou moins prononcés. Voici quelques-uns des symptômes courants associés au somnambulisme.
Une marche automatisée : pendant un épisode de somnambulisme, la personne peut se lever de son lit et marcher dans la pièce ou même dans la maison. Les mouvements peuvent sembler automatisés et dépourvus de but ou de conscience.
Les yeux ouverts et le regard vide : les somnambules peuvent avoir les yeux ouverts pendant leur déplacement, mais leur regard peut sembler vide ou fixe. Ils peuvent ne pas répondre aux tentatives de communication ou sembler désorientés.
Les comportements répétitifs : pendant le somnambulisme, la personne peut effectuer des actions répétitives et simples, comme ouvrir et fermer des portes, ranger des objets ou déplacer des meubles.
Parler ou murmurer : certaines personnes peuvent murmurer, parler ou chuchoter pendant leur somnambulisme, bien que les propos tenus puissent être incohérents ou dénués de sens.
Une difficulté à se réveiller : les personnes en état de somnambulisme sont généralement difficiles à réveiller et peuvent sembler confuses ou désorientées si elles sont réveillées pendant un épisode car ils sortent subitement d’un sommeil profond.
Une amnésie : après un épisode de somnambulisme, la personne peut ne pas se souvenir de ce qu’elle a fait pendant son sommeil ou avoir une mémoire floue des événements.
Ces symptômes peuvent être intermittents et peuvent varier en intensité d’un épisode à l’autre.
Somnambulisme : des risques accrus ?
Chutes, cognement, accidents… Les crises de somnambulisme ne sont pas à prendre à la légère et peuvent présenter des dangers, tant pour le ‘’dormeur’’ que pour son entourage. Pendant une crise, le somnambule n’est pas en état de pleine conscience et peut donc facilement chuter dans les escaliers ou se cogner contre un meuble. Le danger maximum survient lorsque le somnambule n’est pas chez lui car ses repaires spatiaux ne sont plus là.
Dans certains cas, un somnambule peut être amené à reproduire des actions du quotidien, comme conduire un véhicule ou se déplacer en extérieur. Cela peut être extrêmement dangereux et peut mettre en péril la vie du somnambule et de ceux qui l’entourent.
Pour éviter ce type de situation, le premier conseil est de veiller à bien fermer portes d’entrée ou de garage pour réduire les risques que le somnambule sorte durant sa crise. Attention également de ranger les objets potentiellement dangereux (couteaux, ciseaux…) pour, là aussi, minimiser les risques.
Peut-on réveiller un somnambule ?
Il est aussi important de prendre certaines précautions avant de réveiller un somnambule. Réveillé brutalement, un somnambule risque de se montrer totalement désorienté. Il peut alors chuter et se faire mal. Il peut aussi devenir nerveux et même se montrer violent.
Le réveil doit être fait en douceur. Il est d’ailleurs plutôt conseillé de raccompagner doucement le somnambule dans son lit sans forcément le réveiller.
Somnambulisme : comment peut-on se faire diagnostiquer ?
La première étape dans la prise en charge du somnambulisme si celui-ci devient invalidant est de consulter son médecin traitant, qui peut ensuite orienter le patient vers un spécialiste. Après une évaluation complète, ce spécialiste peut recommander au patient de se rendre dans un centre du sommeil pour des examens supplémentaires. Ces centres, présents dans plusieurs hôpitaux français, sont équipés pour évaluer divers troubles du sommeil.
Lors d’une nuit passée au centre du sommeil, le patient est surveillé et son sommeil est enregistré afin que l’équipe médicale puisse observer les symptômes et détecter d’éventuelles anomalies. Une fois le diagnostic de somnambulisme établi, le professionnel de santé peut discuter des options de traitement avec le patient.
Existe-t-il des traitements contre le somnambulisme ?
Traiter le somnambulisme, c’est possible. Dans un premier temps, le plus important une fois le diagnostic posé sera de sécuriser le lieu de vie du somnambule. Il faut donc fermer les portes de l’habitation, les fenêtres, éviter les lits superposés et cacher les objets qui pourraient être dangereux.
Concernant le traitement à proprement parler, il existe plusieurs options :
Les traitements médicamenteux : certains médicaments peuvent aider à réduire la fréquence des épisodes de somnambulisme. Cependant, comme pour tout traitement, il existe des avantages et des risques à prendre en compte. Par conséquent, l’utilisation de médicaments est généralement réservée aux cas les plus graves et doit être supervisée par un professionnel de la santé.
Les traitements non médicamenteux : des approches alternatives telles que la sophrologie, l’hypnothérapie, la relaxation, le yoga et la méditation peuvent être bénéfiques pour les personnes souffrant de somnambulisme. Dans de nombreux cas, ces techniques peuvent aider à réduire la fréquence et l’intensité des épisodes. Elles offrent une approche plus naturelle et holistique pour gérer ce trouble du sommeil.
Le somnambulisme disparaît souvent de lui-même. Chez les enfants, il peut se résoudre spontanément vers l’âge de 14 ou 15 ans. Chez les adultes, cela dépend des causes du trouble.
À SAVOIR
Si les crises de somnambulisme peuvent s’avérer dangereuses, elles peuvent aussi prendre un tour plus… poétique. Une jeune fille originaire de Nouvelle-Zélande avait ainsi l’habitude de jouer du piano durant ses crises de somnambulisme. Une virtuosité inconsciente dont elle avait tout oublié au réveil…