Prise de poids, hausse des troubles alimentaires, ruée vers les aliments ”réconfort”… Génératrice de stress et d’anxiété, l’épidémie de Covid-19 est venue semer le chaos dans nos esprits… et dans nos assiettes. Nutritionniste près de Lyon, le Dr Antoine Pierre revient sur les effets de cette période trouble, et notamment des périodes de confinement et d’isolement forcé, sur notre alimentation.
Pour freiner la pandémie de Covid-19, des confinements successifs ont été instaurés en France à partir du 17 mars 2020, bouleversant ainsi les habitudes de la population et leur comportement alimentaire. Face à ces événements stressants, la nourriture a bien souvent été un refuge voire un point d’ancrage dans un quotidien dénué de points de repères. Une augmentation des troubles alimentaires a en effet été constatée au cours de cette période inédite et déstabilisante.
L’isolement, la promiscuité, la précarité, la peur de la maladie sont autant d’éléments générateurs de stress. Pour chercher du réconfort ou tenter de retrouver un équilibre, la relation à la nourriture s’est vue modifiée : Prise ou perte de poids, tendance à consommer des aliments plus gras et/ou plus sucrés, grignotage, etc. Nutritionniste à Villeurbanne (Rhône), le Dr Antoine Pierre explique pourquoi et comment le stress lié à l’épidémie de Covid-19 favorise l’alimentation émotionnelle.
Quand le stress influe sur notre assiette
Pourquoi le stress impacte-t-il notre comportement alimentaire ?
Le stress est un événement qui vient chambouler le quotidien. Ce dérèglement va être perçu de différentes manières sur le plan physiologique et/ou psychologique. La façon de répondre pour rééquilibrer les choses va dépendre de l’environnement, des ressources disponibles et des préférences de chaque individu, elles-mêmes conditionnées par le vécu et l’éducation. Si l’on trouve du réconfort dans l’alimentation, on va se tourner plus facilement vers des aliments que l’on aime et qu’on a l’habitude de consommer.
Pourquoi se tourne-t-on si facilement vers l’alimentation pour trouver du réconfort ?
Il y a une symbolique forte autour de l’alimentation. Elle fait partie de notre quotidien, à ce titre c’est un vecteur privilégié pour retrouver une certaine stabilité. La nourriture étant un élément central et facilement accessible dans nos sociétés actuelles, il est assez logique que l’on se tourne vers elle pour se rééquilibrer.
Les clés d’une bonne alimentation
Quelles sont les fonctions de l’alimentation ?
L’alimentation répond à 3 besoins fondamentaux :
– Les besoins physiologiques (notre carburant : calories, nutriments, vitamines, etc.) qui permettent le bon fonctionnement du corps.
– Les besoins sociaux (nous mangeons rarement seuls).
– Le plaisir.
Manger est-il une réponse émotionnelle ?
Les émotions ont un impact important sur la façon de s’alimenter. Ce changement de comportement peut se traduire par une augmentation ou une diminution de la prise alimentaire. Il existe un lien fort entre le tube digestif et les émotions qui peut se traduire par une sensation de blocage ou des troubles digestifs.
Pourquoi se tourne-t-on plus facilement vers des aliments gras et sucrés ?
Ce sont des aliments plus disponibles. En effet, il est plus pratique d’acheter des aliments industriels souvent riches et sucrés qui se gardent longtemps plutôt que des fruits et légumes qu’il faut consommer rapidement.
En outre, les aliments gras et sucrés offrent une sensation de plaisir plus intense que les protéines qui demandent un effort supplémentaire. L’organisme étant fainéant, il se tournera plus facilement vers une pâtisserie pour un plaisir rapide et immédiat plutôt qu’un fruit.
Pour finir, il peut également y avoir un processus de restriction cognitive. Un état de stress va induire une sensation de perte de contrôle qui peut orienter l’individu vers des aliments qu’il s’interdit en temps normal ainsi qu’une tendance à grignoter.
Les conseils pour évacuer le stress
Quelles sont les solutions pour ne pas se laisser envahir par le stress ?
Adopter une posture d’observation afin d’avoir davantage connaissance de soi-même. Cette technique va permettre de détecter l’apparition du stress et donner ainsi la possibilité à la personne d’agir rapidement dessus, avant de se laisser dépasser par les événements. C’est le même principe qu’en conduisant. Si un danger surgit inopinément le stress va être aigu alors que si le conducteur a pu prendre connaissance de l’obstacle en amont, sa réaction sera plus appropriée et mieux tolérée.
Le premier confinement a généré un stress tellement important que personne n’a pu s’adapter. Toutefois, certains individus ont tiré de cette épreuve une expérience qui leur a permis de mieux supporter les confinements suivants. Ce n’est pas l’événement qui nous bouleverse mais l’idée que nous nous faisons de cet événement (Aristote).
Quelles sont les pratiques à adopter pour rester zen ?
Le yoga, la méditation, l’hypnose sont des activités qui permettent de se connaître davantage et qui facilitent le travail d’observation.
Pratiquer une activité physique en extérieure permet de s’oxygéner, de se défouler et de changer de cadre.
Le stress implique une perte de repères et de contrôle. Cuisiner est un bon moyen de se réapproprier son quotidien. C’est à la fois une source de plaisir et d’occupation. La tendance du pain fait maison lors du premier confinement en est une belle illustration.
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À SAVOIR
Selon une étude réalisée par Santé Publique France, 27% des personnes interrogées déclarent avoir pris du poids au cours du premier confinement (du 17 mars au 10 mai 2020), alors que 11% affirment en avoir perdu.