Omniprésents dans notre quotidien, les PFAS, ou “polluants éternels”, suscitent de plus en plus d’inquiétudes. Notamment à Lyon, où la situation est alarmante : la région est l’une des plus exposées en Europe, avec des niveaux préoccupants détectés dans l’environnement de ces substances chimiques qui, résistantes et quasi indestructibles, contaminent l’air, l’eau, les sols et même nos aliments. Mais quels sont les impacts réels de ces substances sur notre santé ? Comment ces polluants se diffusent-ils ? Pourquoi sont-ils si persistants ? Le point avec Thomas Coudon, ingénieur de recherche au Centre Léon Bérard et coordinateur du projet ASTEROPA 2, sur le plateau de Votre Santé du mardi 26 novembre 2024.
Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont des composés chimiques utilisés depuis les années 1940 pour leurs propriétés uniques : imperméabilité, résistance à la chaleur… On les retrouve dans des produits du quotidien tels que les textiles, les cosmétiques, les emballages alimentaires ou encore les mousses anti-incendie. Produits miracles ? Pas vraiment, car derrière ces atouts industriels se cache une réalité inquiétante : leur extrême stabilité chimique les rend indestructibles dans l’environnement, d’où leur surnom de “polluants éternels”.
À Lyon, la pollution aux PFAS a pris ces dernières années une dimension critique. Plusieurs sites industriels de Pierre-Bénite, parmi les rares producteurs européens de ces substances, rejettent des quantités importantes de PFAS dans l’environnement. Résultat : des concentrations alarmantes ont été relevées dans les sols, les eaux et les aliments dans de nombreuses communes de la métropole lyonnaise.
Sur le plan sanitaire, les PFAS suscitent de vives préoccupations. Une étude du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a récemment classé certains PFAS comme cancérogènes avérés, tandis que d’autres pourraient être responsables de perturbations hormonales, de troubles de la fertilité et d’atteintes au développement des enfants.
Dans ce contexte, des projets de recherche comme ASTEROPA, pilotés par des experts lyonnais, tentent de lever le voile sur ces dangers pour mieux protéger les populations. Les explications de Thomas Coudon, ingénieur de recherche au Centre Léon Bérard et coordinateur du projet ASTEROPA 2 sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 26 novembre 2024.
PFAS : la métropole de Lyon en état d’alerte
Expliquez nous ce que sont les PFAS ?
C’est une grande famille chimiques de plus de 4000 composés. Ils ont la caractéristiques d’avoir une liaison carbone-fluore extrêmement stable qui les rends très intéressantes pour les industriels. Notamment pour avoir des propriétés imperméables, résistantes à la chaleur et aussi aux frottements.
Elles sont utilisées dans un grand nombre de produits dans le commerce. Comme des textiles, des cosmétiques, des mousses à incendie ou encore dans le gore-tex. Il y a des suspicions de liens avec des effets délétères pour la santé. On en retrouve partout aujourd’hui. Et pour cause, cette chaine carbone-fluore est tellement stable qu’une fois que ces PFAS sont dans l’environnement, ils ne sont plus biodégradables.
Quel est l’objectif du projet ASTEROPA ?
Le projet ASTEROPA a pour objectif d’étudier les liens entre risques de cancer et exposition aux PFAS. Le premier volet se concentrait d’abord sur l’établissement de connaissance et un travail plus spécifique du lien entre cancer du testicule et exposition aux PFAS dans ce qu’on appelle le testis.
On prolonge ce volet par un deuxième, ASTEROPA 2, qui est composé de trois blocs. Le premier bloc est purement épidémiologique. On va regarder le lien entre l’exposition alimentaire aux PFAS et le risque de cancer du rein.
Le deuxième bloc concerne les expositions elles-mêmes : nous allons ainsi modéliser les concentrations de PFAS dans le sol et essayer de reconstituer les expositions dans la chaîne alimentaire. Notamment pour aller jusqu’à leur concentration dans les œufs.
Et le dernier bloc porte sur le transfert de connaissances et la recherche participative. Notamment à destination des politiques. On synthétise ce problème pour leur apporter une information concise et précise basée sur la science. On intègre également des citoyens dans nos travaux de recherche. Aujourd’hui ils sont au nombre de sept et suivent le projet. Ils font remonter les besoins des citoyens pour qu’on essaye d’orienter la recherche vers des choses qui leur semblent pertinentes.
La métropole de Lyon est-elle directement concernée par les PFAS ?
Oui. Pour rappel, il y a deux sites au niveau de Pierre-Bénite qui sont producteurs et utilisateurs de PFAS. Ça n’est pas anodin car, à l‘échelle européenne, il n’y a qu’une vingtaine de sites producteurs de polluants éternels. Donc le fait d’en avoir deux à grande proximité de Lyon, c’est assez particulier.
Aujourd’hui on a suffisamment de données qui montrent que l’on retrouve des concentrations importantes dans différentes matrices environnementales. Notamment dans les œufs où on a des concentrations qui dépassent largement les limites européennes.
L’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes recommande d’ailleurs de ne pas consommer les œufs des poules élevées par des particuliers dans les communes situées autour de Pierre-Bénite. On a également mesuré de fortes concentrations à Ternay, deux fois supérieures au seuil européen. Il y a des concentrations de PFAS importantes dans les sols autour de ces sites-là. Les indices laissent à penser une contamination importante au niveau de la métropole de Lyon.
Pollution par les PFAS : de l’air à l’eau, du sol aux êtres vivants.
Comment se diffusent les PFAS ?
Les sites qui diffusent les PFAS sont des sites fixes comme les usines productrices ou utilisatrices. Mais aussi les sites d’entraînement pour la lutte contre l’incendie, car les mousses anti-incendie en contiennent.
Les stations d’eaux usées, où les polluants ont été amenés par les eaux, concentrent aussi beaucoup de PFAS. Les décharges sont également soumises au même problème, car les déchets imprégnés de PFAS créent une pollution locale.
À partir de ces sites-là, les PFAS vont se diffuser dans l’air, dans l’eau, dans le sol et se retrouver partout dans l’environnement.
Aujourd’hui, tout est pollué aux PFAS ?
Oui. On en retrouve partout dans le monde. Dans l’air, dans l’eau, dans le sol et également les êtres vivants comme les plantes, les animaux et chez l’Homme dans leur sang ou dans le lait maternel.
Néanmoins, même si on en retrouve partout dans le monde ça n’est pas du tout au même niveau. Il y a des régions plus contaminées que d’autres.
Pollution aux PFAS : quels sont les risques ?
Quels sont les effets de ces PFAS sur notre santé ?
C’est un peu délicat de parler des potentiels effets sur la santé générale. Pour l’instant, nous avons effectué des tests sur des pompiers et des militaires, particulièrement exposés du fait de l’utilisation des mousses incendies. Ils utilisent des vêtements techniques résistants qui contiennent des PFAS. Donc ce sont des personnes qui présentent des concentrations beaucoup plus fortes que la population générale.
Nos recherches tendent donc à répondre à la question de savoir ce qu’il en est de la population générale, dans le cadre d’une exposition plus faibles. Et il y a de fortes suspicions pour certains cancers, comme ceux des testicules, du sein et du rein.
L’année dernière, le centre international de recherche contre le cancer (CIRC) a classé un PFAS comme cancérogène certain et un deuxième comme potentiellement cancérogène. Il existe aussi toute une liste d’indications qui révèlent des effets sur la reproduction, avec une baisse du taux de testostérone, une augmentation du cholestérol, un impact sur la fonction rénale, etc.
Est-ce que les enfants sont particulièrement à risque ?
Oui. De manière générale, quand on parle de polluants qui ont des effets perturbateurs endocriniens, une exposition à cet âge critique de la vie, quand l’enfant est en plein développement, peut avoir des effets délétères. Et ce d’autant que les enfants peuvent avoir des expositions plus fortes dues à leurs comportements (marcher à quatre pattes, ramper par terre, etc).
Quoi qu’il arrive, il faut diminuer ces expositions aux PFAS. Les études ont d’ailleurs montré des effets sur le développement, sur le langage, sur la baisse de la réponse vaccinale. Il y a donc des effets spécifiques sur les enfants qui ont été mis à jour.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 25 novembre 2024 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
Les PFAS peuvent donc potentiellement entraîner des problèmes de santé comme certains cancers mais pas seulement. L’exposition aux PFAS peut aussi entraîner des lésions hépatiques, des maladies thyroïdiennes, de l’obésité et des problèmes de fertilité.