Depuis la loi de bioéthique de 2021, près de 35 000 demandes de première consultation pour une AMP avec don de spermatozoïdes ont été enregistrées. Une forte hausse qui se heurte à un manque crucial de donneurs. Dans le cadre de la campagne de sensibilisation #FaitesDesParents, qui se tient à Lyon, le Dr Laurence Pral, gynécologue spécialisée dans le don d’ovocytes et l’infertilité à Bron, et ses collègues, le Dr Mehdi Benchaib et le Dr Muriel Lopes, médecins biologistes du CECOS (Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains), expliquent toute l’importance du don et balaient les craintes des donneuses potentielles.
À la fin de 2023, près de 1 100 naissances ont eu lieu pour les couples de femmes et les femmes non mariées grâce à des tentatives d’AMP (Assistance Médicale à la Procréation). Cependant, la demande dépasse aujourd’hui largement le nombre de donneurs disponibles.
L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) regroupe des techniques médicales qui aident à concevoir un enfant en cas d’infertilité. Elle est utile pour les couples confrontés à des problèmes de fertilité, ainsi que pour les femmes célibataires, les couples de femmes souhaitant avoir des enfants sont également pris en charge. Les hommes ayant subi une vasectomie peuvent également bénéficier de l’AMP, mais uniquement par des méthodes alternatives. Pour tous ces cas, le don de gamètes, qui comprend les spermatozoïdes et les ovocytes, est essentiel dans le processus.
Dons de gamètes : pourquoi une telle explosion de la demande ?
Actuellement, 7 600 femmes sont en attente d’un don de spermatozoïdes, en forte hausse par rapport à 2022, où il y en avait 5 650. Parmi ces demandeuses, 44 % sont des femmes seules, 38 % sont en couple avec une femme et 18 % avec un homme. En revanche, seulement 676 candidats donneurs ont été recensés en 2023, contre 714 en 2022. Il faudrait au moins 1 400 donneurs par an pour répondre adéquatement à la demande.
La loi de bioéthique de 2021 a pourtant considérablement amélioré l’accès à l’AMP (Assistance Médicale à la Procréation) : en élargissant les critères d’éligibilité, en garantissant le droit d’accès aux origines pour les personnes nées d’un don, et en permettant l’autoconservation des gamètes. De plus, elle renforce désormais les protections éthiques et sanitaires pour les donneurs et les receveurs.
Bien que l’accès à l’AMP ait été amélioré ces dernières années, la demande augmente tandis que le nombre de donneurs diminue. Pourquoi ? Échange croisé avec le Dr Laurence Pral, gynécologue obstétricien à Bron, et les médecins biologistes au CHU de Lyon, le Dr Mehdi Benchaib et le Dr Muriel Lopes.
Dons de gamètes : pour quoi, pour qui ?
Qu’est-ce que les gamètes ?
Les gamètes sont les cellules reproductrices : les ovocytes pour les femmes et les spermatozoïdes pour les hommes. Ce sont les éléments clés de la reproduction, car l’ovocyte est fécondé par le spermatozoïde, ce qui permet de former un embryon.
Qui peut donner des gamètes et quelles sont les conditions ?
Les femmes qui souhaitent donner leurs ovocytes doivent être âgées de 18 à 37 ans, être en bonne santé et avoir un bilan hormonal normal. Pour les hommes, les critères sont similaires, mais l’âge limite est fixé à 45 ans. Contrairement aux femmes, les hommes n’ont pas besoin d’avoir eu des enfants pour pouvoir donner.
Comment se déroule le processus de don de gamètes ?
Le processus commence par une consultation avec un médecin et un psychologue pour expliquer les étapes du don. Le candidat fait ensuite des analyses sanguines. Une commission se réunit pour valider ou non la candidature.
Dans le cas d’un don de sperme, le donneur se rend à plusieurs reprises au CHU pour des prélèvements. Une fois validé, le sperme est conservé sous forme de paillettes, prêtes à être utilisées pour aider un couple receveur.
Combien de temps faut-il attendre pour recevoir un don ?
En moyenne, pour un don de spermatozoïdes, le temps d’attente en France est d’environ 15 mois. Concernant les ovocytes, le délai est généralement plus long, entre 20 et 24 mois, car le processus est plus complexe.
Pourquoi le délai est-il plus long pour les ovocytes ?
Les donneuses produisent moins d’ovocytes que les donneurs ne produisent de spermatozoïdes. De plus, le don d’ovocytes est plus invasif puisqu’il nécessite une intervention chirurgicale, ce qui décourage certaines femmes.
Par ailleurs, les donneuses donnent souvent une seule fois, contrairement aux hommes qui peuvent fournir une grande quantité de spermatozoïdes en plusieurs fois.
Combien de fois un donneur peut-il donner ?
Un donneur de sperme peut faire un seul don, mais il doit se rendre plusieurs fois pour accumuler un stock de 60 à 80 paillettes de sperme. Cela permet de respecter la loi, qui limite le nombre de naissances issues d’un même donneur à dix. Pour les donneuses d’ovocytes, deux ponctions au maximum sont autorisées.
Il y a des raisons de sécurité à cela : chaque ponction implique un traitement hormonal et une intervention chirurgicale avec des risques. Limiter à deux ponctions réduit ces risques et protège la santé des donneuses.
Le don de gamètes est-il douloureux ?
Pour les donneurs de sperme, il n’y a aucune douleur à part les prises de sang nécessaires. Du côté des donneuses d’ovocytes, la seule partie potentiellement douloureuse est la ponction, mais elle est réalisée sous anesthésie générale, donc sans douleur.
Par contre, elles doivent subir des injections sous-cutanées pendant une quinzaine de jours, ce qui peut être désagréable.
Pourquoi le nombre de naissances est-il limité à dix ?
Cette règle vise à prévenir les risques de consanguinité dans une même région. Les modèles mathématiques montrent qu’un risque réel n’apparaît qu’avec 300 enfants issus du même donneur dans une zone donnée.
La limite de dix naissances est donc très conservatrice pour éviter ce genre de problème.
Le don de gamètes affecte-t-il la fertilité des donneurs ?
Non, le don de gamètes n’a aucune conséquence sur la fertilité des donneurs ou des donneuses. Ils peuvent continuer à avoir des enfants sans difficulté après un don.
Les enfants issus d’un don ont-ils accès à l’identité du donneur ?
Depuis la loi de bioéthique de 2021, les enfants issus d’un don ont le droit, à leur majorité, de demander à connaître l’identité de leur donneur. Ils peuvent le faire en contactant la Commission nationale d’accès aux origines, qui leur fournira des informations identifiantes ou non identifiantes, selon leur demande.
Dons de gamètes : pourquoi c’est important ?
Pourquoi donner ses gamètes est essentiel ?
Les principales raisons de donner ses gamètes restent la générosité et l’empathie. Souvent, les donneurs sont sensibilisés par des proches confrontés à des difficultés d’infertilité.
L’altruisme est donc la motivation majeure, même s’il existe peu d’informations sur ce geste, ce qui limite le nombre de candidats.
Pourquoi sensibiliser au don de gamètes l’est tout autant ?
Il y a encore beaucoup de méconnaissance sur le sujet, et certains craignent que le processus soit long, complexe ou douloureux, alors que ce n’est pas le cas. Sensibiliser permet d’informer et de dissiper les préjugés pour encourager le don.
Quelle est la mission de l’Agence de la biomédecine ?
L’Agence de la biomédecine, qui dépend du ministère de la Santé, a pour mission de promouvoir le don de gamètes et d’organes dans toute la France. Elle aide beaucoup à sensibiliser le public et à soutenir les actions de donation.
À SAVOIR
Du 18 septembre au 11 octobre 2024, l’Agence de la biomédecine organise une tournée nationale pour sensibiliser le public à l’urgence de recruter de nouveaux donneurs de gamètes, dans le prolongement de la campagne #FaitesDesParents lancée en octobre 2023. Un bus s’arrêtera dans 10 villes de France où se trouvent des centres de don de gamètes, avec des médecins et des représentants d’associations présents.