Handicap mental : une première en France pour intégrer une école de commerce

En France, près de 700 000 personnes vivent avec un handicap mental ou cognitif, dont des dizaines de milliers de jeunes en âge d’entrer dans la vie active. Pourtant, très peu d’entre eux accèdent à des formations qualifiantes.

À Lyon, l’école de commerce EKLYA, rattachée à la Chambre de commerce et d’industrie Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, va lancer dès la rentrée une formation inédite : un cursus adapté aux jeunes porteurs de trisomie 21 ou de troubles du spectre autistique. Une innovation pédagogique majeure, présentée par le directeur de l’école, Sébastien Arcos, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 20 mai 2025.

Une formation en commerce pour jeunes avec handicap mental

Comment est née cette initiative ?

Cette formation est née de la convergence de plusieurs éléments. Le premier, c’est mon histoire personnelle : je suis le père d’une jeune fille de bientôt 16 ans porteuse de trisomie 21. Lorsqu’on est parent d’un enfant en situation de handicap, les questions d’orientation ne se posent pas en 5e ou en 4e, mais dès les premiers mois de vie. Très tôt, on nous dit : « Vous savez, il ne pourra pas faire grand-chose ». Il y a une présomption d’incompétence qui s’installe presque systématiquement.

Mais ce projet ne repose pas uniquement sur mon parcours. EKLYA est une école de la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne. Nous portons des valeurs de solidarité, avec une volonté d’avoir un impact concret sur le territoire, en répondant à des problématiques familiales et économiques.

L’équipe pédagogique réfléchissait depuis longtemps, dans le cadre de sa politique RSE, à des actions tournées vers les autres. Un jour, lors de ces réflexions, on m’a dit : « Et toi, en tant que parent d’enfant en situation de handicap, qu’est-ce qu’on pourrait imaginer ?».

Voilà la genèse de l’idée. Et trois années de travail ont été nécessaires pour concevoir le programme tel qu’il existe aujourd’hui.

Quel public, quelle organisation, quel financement ?

Qui sont ces jeunes ? Combien seront-ils ?

Nous accueillerons une vingtaine de jeunes, entre 19 et 20 maximum, ce qui est déjà beaucoup pour une formation de ce type. Ce sont principalement des jeunes porteurs de trisomie 21 ou de troubles du spectre autistique — cela représente environ 16 d’entre eux.
Et puis il y a d’autres pathologies, moins connues, mais qui entraînent des comportements similaires à ceux observés chez les jeunes porteurs de trisomie 21.

Comment accéder à la formation ?

Elle dure 24 mois, organisée autour d’un titre professionnel reconnu : Employé polyvalent du commerce et de la distribution, un titre de niveau La formation se déroule sur 24 mois. Elle débouche sur un titre professionnel d’”Employé polyvalent du commerce et de la distribution”, reconnu par le réseau des Chambres de commerce et d’industrie (CCI France Négoventis). Ce titre de niveau 3 correspond à un CAP dans le système de l’Éducation nationale.

Nous l’avons totalement repensée pour la rendre accessible. Elle est organisée en deux temps : six mois à temps plein à l’école, pour travailler les fondamentaux, puis 18 mois en contrat d’apprentissage, dans une entreprise.

Comment cette formation est-elle financée ?

Côté financement, la partie en apprentissage est couverte par les fonds habituels des contrats d’apprentissage. Mais c’est un programme bien plus coûteux qu’un cursus classique : là où une formation standard se fait avec un intervenant, ici ils seront six pour assurer l’accompagnement, avec des aménagements spécifiques.

C’est pourquoi nous faisons appel à plusieurs sources : Des fondations, des entreprises, via des actions de mécénat financier ou de compétences, et nous finalisons le budget avec les collectivités locales.

Formation Eklya : quel contenu pédagogique ?

Comment se déroulent les cours ?

Non, car la fatigabilité est importante pour ces jeunes. Chez nous, un temps plein correspond à un temps partiel de type 4/5e. Cela signifie qu’un jour par semaine est réservé à leurs autres activités : soins médicaux, rendez-vous paramédicaux ou temps de récupération.

Le matin, ils suivent 3 heures de cours, axés sur la lecture, l’écriture et les bases du calcul. Ce sont des jeunes qui ont déjà ces acquis de base, puisque pour intégrer le programme, ils doivent avoir été scolarisés en 4e ou 3e dans un dispositif ULIS.

L’après-midi est consacré à des activités pratiques ou comportementales. Pour travailler le savoir-être, ils participent à des activités sportives avec Lyon Métropole Natation, qui dispose d’une section de sport adapté.

• Il y a aussi des ateliers culturels (théâtre), ou de coordination motrice, notamment avec la Fondation Paul Bocuse, où ils cuisinent pour améliorer leur coordination.
  
• Enfin, ils suivent des activités liées aux savoir-faire professionnels. Sur notre campus d’Écully, nous avons un magasin-école qui simule les missions qu’ils auront à réaliser en entreprise.

Un encadrement spécialement formé à l’inclusion sociale

Qui encadre ces jeunes ? Les enseignants sont-ils formés ?

Oui, tout à fait. Nous avons mis en place un programme de formation spécifique pour les enseignants. Une personne dédiée a été recrutée pour assurer le rôle de fil rouge tout au long du parcours.
Les formateurs sont également formés par des ergothérapeutes et accompagnés par des éducateurs spécialisés qui leur expliquent précisément leurs missions.

Au-delà de l’équipe pédagogique, un staff d’éducateurs spécialisés est mobilisé. Ce sont souvent de jeunes professionnels qui seront formés spécifiquement à cet accompagnement, mais aussi des bénévoles qui participeront à l’encadrement des jeunes dans l’ensemble des activités.

Par ailleurs, les étudiants d’EKLYA auront un rôle important. Ils seront tuteurs et mentors pendant les périodes de stage, notamment lors des mini-stages organisés pendant les six premiers mois : de demi-journées à trois jours, pour permettre aux jeunes de se confronter au monde professionnel, de découvrir différents métiers et de mieux cerner leurs envies. Ces stages, réalisés avec nos partenaires, seront accompagnés et encadrés par les étudiants de l’école.

Objectifs : autonomie et double inclusion

Au-delà de l’apprentissage, cette formation leur donne-t-elle confiance en eux ?

Oui, absolument. L’objectif principal est de favoriser l’autonomie de ces jeunes. Après les six premiers mois de formation, ils seront prêts à intégrer une entreprise dans le cadre d’un rythme alterné : deux jours à l’école, deux jours en entreprise, au sein de notre réseau de partenaires.

Mais ce programme a aussi une dimension inédite en France : c’est la première fois que des jeunes en situation de déficience intellectuelle sont intégrés dans une business school.
Il y a donc une double inclusion : l’inclusion des jeunes dans un établissement d’enseignement supérieur reconnu, mais aussi l’inclusion des étudiants d’EKLYA, qui vont apprendre à accompagner, à tutorer, à travailler aux côtés de personnes handicapées.

Nous profitons d’ailleurs de cette année particulière, où nous célébrons les 20 ans de la loi handicap, pour former nos étudiants — en fonction de leur niveau d’études — à cette thématique : connaître la loi, comprendre les enjeux du handicap en entreprise, et apprendre à manager des collaborateurs en situation de handicap.

C’est cet engagement réciproque, cette double inclusion, qui rend notre projet véritablement unique.

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 20 mai 2025 sur Ma Santé TV.

À SAVOIR

La première rentrée de cette formation inclusive en commerce destinée aux jeunes en situation de handicap mental aura lieu en octobre 2025 sur le campus EKLYA d’Écully. Les candidatures sont ouvertes, toutes les informations pratiques sont à retrouver sur le site officiel de l’école : www.eklya.fr.