
À première vue, il ressemble à un moustique comme un autre. Mais le moustique-tigre (Aedes albopictus) est bien plus dangereux qu’il n’en a l’air. En pleine phase de colonisation en France, il est susceptible de transmettre des virus jusqu’alors considérés comme exotiques : dengue, chikungunya, Zika… Et ces maladies, appelées “arboviroses”, pourraient à terme devenir une réalité sanitaire sur le territoire, comme le révèlent les appels à la vigilance formulés ce mardi 20 mai par l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Depuis son arrivée en métropole en 2004, dans le Midi, le moustique-tigre ne cesse d’étendre son territoire. Y compris en Auvergne-Rhône-Alpes, où il a colonisé une centaine de communes chaque année depuis 2012.
Soit, selon le point de situation régional effectué le 20 mai par l’Agence Régionale de Santé, Santé Publique France et EIRAD (Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication) avec la ville de Villeurbanne, 1192 communes. Et si cela ne représente que 30 % du territoire régional, 75 % de la population est directement concernée, exposée à un risque de transmission virale.
Cette prolifération n’est pas anodine. Le moustique-tigre est un vecteur avéré d’arboviroses, c’est-à-dire de virus transmis à l’homme via la piqûre d’un insecte.
Les cas avérés, en France métropolitaine, restent pourtant rares. “Pour l’instant, pas de raison d’être inquiet après une piqûre de moustique-tigre” : les spécialistes en sont au stade de la vigilance, car le réchauffement climatique est en train de créer petit à petit des conditions de voir ces arboviroses s’épanouir loin des tropiques, à plus ou moins long terme.
Arboviroses : des virus venus du Sud, désormais chez nous
Arbovirose : de quoi parle-t-on exactement ?
Le mot “arbovirose” désigne un groupe de maladies infectieuses causées par des arbovirus (de l’anglais arthropod-borne virus), transmis par des arthropodes, notamment les moustiques. Les plus fréquentes sont :
- La dengue : souvent asymptomatique, mais pouvant entraîner de fortes fièvres, douleurs articulaires, et dans les cas graves, des hémorragies.
- Le chikungunya : provoque des douleurs articulaires sévères, parfois persistantes plusieurs mois.
- Le virus Zika : généralement bénin, mais dangereux pour les femmes enceintes (risque de microcéphalie chez le fœtus).
Traditionnellement importées des zones tropicales (Antilles, Asie, Afrique), ces maladies sont désormais contractées localement. On parle alors de cas autochtones.
La situation en 2024-2025 : des foyers de transmission identifiés en France
“Il y a un risque élevé de transmission des virus en France”, alerte Élise Brottet, épidémiologiste à Santé Publique France. La saison 2024 a marqué un tournant. En métropole, 2 107 cas importés de dengue ont été recensés, principalement en provenance des Antilles. “En Auvergne-Rhône-Alpes, 274 cas importés ont été comptabilisés, dont 2 autochtones dans la Drôme !”, insiste Élise Brottet. Et ces chiffres traduisent un fait : “nous en sommes encore loin, mais le risque d’épidémie locale est désormais concret”, avoue l’épidémiologiste.
“Chaque cas détecté entraîne une enquête épidémiologique, une prospection entomologique et, si nécessaire, des opérations de démoustication autour du domicile du patient et des lieux fréquentés pendant sa période de virémie”, explique Christophe Bellet, Directeur technique de l’EIRAD (Entente Interdépartementale Rhône-Alpes pour la Démoustication)
Comment reconnaître une arbovirose ?
Comment se transmettent les arboviroses ?
Le cycle est simple et efficace :
- Un moustique tigre pique une personne infectée par un arbovirose (souvent de retour d’un voyage).
- Le virus se développe dans le moustique en quelques jours.
- En piquant une nouvelle personne, le moustique transmet le virus.
La transmission est favorisée par la densité des moustiques, la concentration humaine et le manque de détection précoce. En 2024, 27 % des cas ont été identifiés tardivement via les données de laboratoire, réduisant l’efficacité des interventions.
Quels sont les symptômes des arboviroses ?
Les trois virus (dengue, chikungunya, Zika) ont des symptômes communs :
- Fièvre soudaine
- Douleurs articulaires ou musculaires
- Maux de tête
- Fatigue intense
- Éruption cutanée
- Douleurs rétro-orbitaires (yeux)
Mais certaines formes peuvent évoluer en complications graves, comme la dengue hémorragique ou les atteintes neurologiques liées au Zika. Si vous présentez ces symptômes, surtout en été et dans une zone colonisée, consultez un médecin rapidement.
Santé publique : la lutte anti-moustique tigres se durcit
La prévention : un enjeu collectif
Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique pour ces infections. “La prévention repose sur deux piliers : la lutte contre les moustiques et la protection individuelle et collective.” rappelle Aymeric BOGEY, directeur de la santé publique à l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.
Éliminer les gîtes larvaires :
- Videz les soucoupes, seaux, jouets extérieurs, gouttières bouchées
- Couvrez les réservoirs d’eau (bidons, récupérateurs)
- Nettoyez régulièrement les contenants
Se protéger des piqûres :
- Utilisez des répulsifs certifiés (DEET, IR3535, citronnelle d’eucalyptus)
- Portez des vêtements longs et clairs
- Installez des moustiquaires et des ventilateurs (le moustique n’aime pas le vent)
“On sait qu’ils sont implantés. Aujord’hui, il faut s’armer pour prévenir une éventuelle crise sanitaire parce que nous savons que ça peut arriver !”, insiste Agathe Fort, adjointe à la santé de la ville de Villeurbanne.
Démoustication : une riposte encadrée et ciblée
Lorsqu’un cas de dengue, chikungunya ou Zika est détecté, l’ARS déclenche une enquête express pour identifier les lieux fréquentés par le malade durant sa période contagieuse. L’Entente Interdépartementale de Démoustication est alors mobilisée pour repérer et éliminer les moustiques tigres présents.
“Si le risque de transmission est confirmé, un traitement biocide est réalisé dans un rayon de 150 mètres autour des lieux concernés.” explique Christophe Bellet. Ces interventions, strictement encadrées, visent à éliminer les moustiques adultes infectés, sans toucher les larves, car les arbovirus ne se transmettent pas aux œufs.
Le traitement est annoncé à l’avance aux habitants et se fait de nuit, pour protéger les autres espèces et limiter l’exposition humaine. Une action ciblée, raisonnée, mais indispensable pour couper court à la chaîne de transmission.
À SAVOIR
Le moustique-tigre ne vole pas très loin ! Contrairement à d’autres espèces, Aedes albopictus a une capacité de vol limitée à environ 150 mètres autour de son lieu de naissance. Alors, chaque gîte larvaire éliminé dans votre jardin ou votre quartier peut vraiment faire la différence.







