Le député lyonnais Cyrille Isaac-Sibille, le 14 février 2025.
Cyrille Isaac-Sibille, député de la XIIeme circonscription du Rhône, dresse un bilan de la situation trois ans après la révélation du scandale des PFAS. © Ma Santé

Le projet de proposition de loi visant à restreindre les impacts des polluants éternels, les fameux PFAS, doit être examinée le 20 février prochain par l’Assemblée nationale. Instigateur d’un rapport parlementaire sur le sujet, Cyrille Isaac-Sibille, médecin et surtout député du territoire (la XIIeme circonscription du Rhône) où se situe, au sud de Lyon, l’un des principaux “hotspots” de contamination aux PFAS, revient sur les enjeux qui escortent le déploiement encore timide des mesures destinées à lutter contre cette problématique environnementale et sanitaire majeure.

La région lyonnaise, et notamment le sud de Lyon, est l’un des territoires les plus exposés aux polluants éternels en Europe. C’est là, à Pierre-Bénite, que le scandale a éclaté en 2022, lorsque l’émission “Vert de rage”, sur France 5, révélait l’étendue d’une contamination vieille de plusieurs décennies, pointant notamment les rejets émanant de deux sites industriels, les usines Arkema et Daikin.

Les PFAS sont des substances chimiques nocives (per- et polyfluoroalkylès) quasiment indestructibles, ce qui leur vaut ce surnom de polluants éternels. Outre leur présence dans la composition de nombreux objets du quotidien, on en retrouve des concentrations plus ou moins élevées dans l’eau, dans le sol et dans l’air, et les experts ont déjà confirmé leurs incidences sur la santé, et notamment des liens plus que probables avec le développement de certains cancers, voire d’infertilité et même de risque d’obésité.

Le député lyonnais Cyrille Isaac-Sibille rencontre les riverains des secteurs pollués aux PFAS, à Pierre-Bénite.
Le député lyonnais Cyrille Isaac-Sibille à la rencontre des riverains de Pierre-Bénite. © DR

La commune de Pierre-Bénite, qui a depuis fusionné avec celle d’Oullins, se situe dans la XIIeme circonscription du Rhône. Son député, Cyrille Isaac-Sibille, s’est particulièrement impliqué sur le sujet. Il est notamment l’auteur d’un rapport comprenant 18 recommandations destinées à encadrer la lutte anti-PFAS, rendu en janvier 2024.

Ce rapport, un an après, sert en partie de base au plan interministériel déployé par le gouvernement et à la proposition de loi qui sera soumise par les Écologistes le 20 février prochain à l’Assemblée nationale.

À quand remonte votre engagement en faveur de la suppression des PFAS ?

Après la révélation de la pollution, en 2022, j’avais posé une question orale au gouvernement. Au départ, j’avais souhaité une commission d’enquête, mais c’est un sujet hautement sensible. Élisabeth Borne, alors première ministre, m’a confié une mission gouvernementale, qui a duré six mois, de juillet à décembre 2023. Cette mission a débouché sur le rapport que j’ai déposé il y a un an, en janvier 2024.

Qu’est-ce qui a bougé depuis un an ?

En effet, c’est bien beau de faire un rapport et d’émettre des recommandations, mais il est surtout important de savoir ce que l’on en fait. La France a officiellement rejoint les cinq autres pays qui sont à l’initiative de la restriction des PFAS au niveau européen. Je pense que ce rapport a également pesé dans la décision d’interdire, à partir de 2026, l’usage des PFAS dans les emballages alimentaires.

La proposition de loi qui sera examinée la semaine prochaine reprend une partie des recommandations du rapport, tout comme le nouveau plan interministériel de lutte contre les PFAS, en cours de déploiement.

Votre rapport insiste notamment sur le besoin d’améliorer la connaissance sur les polluants éternels.

Oui. Pour pouvoir assurer un encadrement adapté de ces substances, il faut d’abord établir une définition précise et harmonisée de ce que sont les PFAS, et ce à l’échelle européenne. Mais il faut aussi accroître les connaissances pour être en mesure de connaître leur impact réel sur la santé. Des études ont prouvé leur dangerosité et certains Pfas, car il en existe un grand nombre, sont reconnus pour leur toxicité.

Mais nous ne sommes pas encore capables de définir exactement leur part de responsabilité. Nous avons interrogé le Centre International de Lutte contre le Cancer, dont le siège est à Lyon, qui a bien confirmé une incidence sur certains cancers. Mais à quelle dose ? 400 millions d’euros ont été engagés pour financer le programme PARC, qui étudie les “effets cocktails” des PFAS. C’est un travail scientifique de longue haleine.

Peut-on bénéficier de données pour encadrer les programmes de santé publique ?

Une nouvelle étude de biosurveillance va être lancée en juin pour améliorer la veille sanitaire vis-à-vis des produits chimiques. Et d’ici là, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) aura publié en juin des valeurs toxicologiques de références : une avancée essentielle pour encadrer l’exposition aux PFAS et protéger la santé publique.

La détection des contaminations s’améliore-t-elle ?

Sous l’égide des Agences Régionales de Santé, une analyse des unités de distribution d’eau est actuellement en cours. Sur les 1518 qui ont été contrôlées, 51, dont celle de Ternay (Rhône) et de Rumilly (Haute-Savoie), présentaient des concentrations de PFDAS supérieures aux normes. Les grandes entreprises font aussi leurs prélèvements. Sur les 5000 ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement), 2850 ont déjà contrôlé leurs rejets dans l’eau. Tout cela monte en puissance, mais cela demande plus de moyens, plus de temps, plus de coordination…

Existe-t-il des secteurs qui restent opaques ?

La France accuse en effet un retard sur certaines activités. C’est le cas notamment des aéroports ou des terrains militaires, qui pourraient être sujets à des pollutions aux PFAS.

Quelles sont les pistes d’amélioration dans la détection ?

On sait aujourd’hui à peu près ce qui se passe dans l’eau, mais beaucoup moins dans l’air. La nouveauté, c’est qu’un laboratoire est aujourd’hui en capacité d’analyser les prélèvements et qu’un deuxième devrait prochainement être accrédité. Pour les sols, en revanche, la métrologie n’est pas encore stabilisée. Et il reste la question des eaux souterraines : il est aujourd’hui difficile d’établir dans quelle mesure la pollution circule d’une nappe phréatique à une autre.

Où en est l’interdiction effective des rejets industriels aqueux ?

C’est justement le cadre de la proposition de loi qui doit être examinée. Elle vise une réduction progressive de ces rejets de PFAS, jusqu’à une fin effective d’ici 5 ans. Le fait que la France ait affirmé sa volonté de rejoindre l’initiative des cinq pays européens de réduire les PFAS et notamment de les interdire dans les jouets est un bon message envoyé aux industriels.

La proposition de loi porte aussi sur l’interdiction d’autres usages superflus des PFAS, notamment dans les farts, les cosmétiques ou encore les textiles. Tout le problème sera ensuite de contrôler. En attendant, des industriels expriment leur volonté de changer leurs process et de développer des alternatives.

Comment améliorer la communication autour des PFAS ?

Je plaide pour la mise en place d’une task force nationale, où pourraient se rencontrer et échanger les industriels, les institutions et la population. Je demande aussi l’application d’une transparence totale concernant la pollution, avec des résultats des prélèvements des rejets plus facile à lire, une meilleure pédagogie auprès du grand public…

Quelles sont vos recommandations en matière de dépollution ?

L’urgence aujourd’hui n’est plus à la pollution immédiate, qui a été totalement réduite, mais au traitement de la pollution historique. Il faut tout d’abord réfléchir à la mise en place d’une filière de traitement et de destruction des PFAS moins coûteuse et énergivore. Pour ce qui est de la dépollution, on parle de centaines de milliards d’euros à investir pour y parvenir. Nous attendons la création d’un fonds PFAS dédié à cette dépollution. Et nous plaidons pour l’application du principe du pollueur-payeur, mais si cette notion reste à définir clairement.

À SAVOIR

Médecin ORL de formation, Cyrille Isaac-Sibille est originaire de Sainte-Foy-lès-Lyon, où il est élu municipal de 1995 à 2008. Après deux premières candidatures sous l’étiquette MoDem en 2007 et 2012, il est élu député en 2017, investi par le Mouvement Démocrate. Il est réélu en 2022, puis en 2024. Il siège au sein du groupe parlementaire centriste Les Démocrates à l’Assemblée nationale.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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