Une séance avec un psychiatre en 2025.
La France dispose d’environ 8 lits psychiatriques pour 10 000 habitants, un chiffre inférieur à la moyenne européenne qui est de 10, selon la Haute Autorité de Santé. © Freepik

À l’occasion des Assises de l’innovation en santé mentale et psychiatrie, organisées ce mardi 11 juin 2025 à l’Hôtel de Région de Lyon par l’AdESM, le Pr Nicolas Franck, psychiatre au Centre Hospitalier Le Vinatier à Lyon Bron, tire la sonnette d’alarme : le système psychiatrique français peine à répondre à des besoins en forte croissance. Prévention, accès aux soins, télémédecine et fracture organisationnelle… Le spcialiste décrypte les chantiers à ouvrir d’urgence pour moderniser la prise en charge des troubles de santé mentale, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 10 juin 2025.

La santé mentale est aujourd’hui sur toutes les lèvres, mais bien trop rarement au cœur des décisions. Alors que 21 % des Français déclarent avoir déjà souffert de troubles psychiques, selon le baromètre Santé Publique France, et que les demandes de soins explosent depuis la crise sanitaire, la question de l’organisation du système psychiatrique s’avè!re de plus en plus critique.

Le 11 juin 2025, les Assises de l’innovation en santé mentale, orchestrées par l’AdESM à Lyon, entendent justement apporter des réponses concrètes. Dans ce contexte, le Pr Nicolas Franck, psychiatre au Vinatier, l’hôpital spécialisé en psychiatrie à Lyon, évoque ces solutions et l’avenir du secteur de la santé mentale, érigée en grande cause nationale 2025, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 10 juin 2025.

L’organisation de la prise en charge en santé mentale doit-elle évoluer ?

Oui ! Il faut continuer à progresser, non seulement sur le plan scientifique, mais aussi en termes d’organisation. Ce qui est particulièrement intéressant dans ces assises de l’innovation en santé mentale, c’est qu’elles interrogent sur la manière d’améliorer l’accès aux soins : télémédecine, centres proposant des consultations précoces, coordination entre structures…

Le Centre d’accueil d’évaluation et d’orientation en santé mentale (CAdEO), créé à Lyon, permet à tout habitant des arrondissements concernés d’accéder à une consultation psychiatrique en quelques jours. C’est une réponse innovante aux difficultés d’accès aux soins psychiatriques et de santé mentale en France.

Le fait que la santé mentale ait été érigée en grande cause nationale 2025 change-t-il quelque chose ?

Oui, on en parle davantage, les personnes font des « coming-out » bienvenus, et cela attire l’attention sur un domaine longtemps tabou. Cette grande cause nationale a donc une forte valeur symbolique. Même si, bien sûr, il n’y a pas encore de plan de restructuration ni de crédits suffisants pour tout changer.

La question d’une restructuration complète aurait dû être posée il y a bien longtemps. Mais les choses avancent, notamment avec CAdEO, que je citais plus tôt. Avoir un plan d’organisation clair sur ce que devrait être le secteur de la psychiatrie générale en France est désormais nécessaire. Nous sommes encore sur un modèle hérité des années 1960, avec des améliorations ponctuelles greffées au fil du temps.

Où en est la santé mentale des Rhodaniens ?

Il est très difficile d’affirmer que la santé mentale se dégrade ou s’améliore. Il faut comparer des cohortes différentes, avec des critères variables selon les périodes, ce qui complique les analyses.

On ne sait donc pas si un trouble en particulier augmente. En revanche, on observe que les structures sont plus sollicitées. Elles l’ont été particulièrement dès 2020, surtout en 2021, avec la crise sanitaire, et le taux de sollicitation reste très élevé. Les troubles les plus courants restent les troubles anxieux et dépressifs.

La prévention des pathologies mentales est-elle en progression ?

Le terme santé mentale est encore trop souvent associé à la pathologie. Pour améliorer les choses, il faudrait effectivement l’aborder sous l’angle de la prévention, en travaillant sur les déterminants d’une bonne santé mentale. C’est une dimension de notre santé qui peut être positive ou se dégrader. Or, quand on parle de dégradation, on se concentre immédiatement sur la maladie. On attend que les choses aillent mal, alors qu’il est plus difficile de remonter la pente que de prévenir les difficultés.

Pour améliorer la culture de santé mentale en France, une maison de la santé mentale vient d’être créée. Ce projet national a pour objectif d’informer correctement les personnes sur ces déterminants, mais aussi sur comment s’auto-aider, s’entraider, et savoir quand consulter le bon professionnel.

Le tabou, en matière de santé mentale, est-il en train de tomber ?

Oui, le sujet est beaucoup plus commun aujourd’hui. Les gens parlent plus librement de leur santé mentale, et ceux qui ont des troubles sévères s’expriment publiquement. Pourtant, les Français ne connaissent pas bien les déterminants d’une bonne santé mentale, ni les professions impliquées, et ne savent pas toujours comment s’en protéger ou y prêter attention.

Le tabou se lève donc, mais on reste souvent en surface. Il est nécessaire d’entrer dans le détail, et ces questions devraient être enseignées dès l’école, comme c’est le cas dans plusieurs pays.

Psychologue, psychiatre, psychanalyste… quelle différence ?

Le psychiatre est un médecin spécialiste des troubles mentaux. Il peut poser un diagnostic, prescrire des traitements médicamenteux et organiser les soins avec l’aide de paramédicaux et psychologues.

Les psychologues sont spécialistes du fonctionnement mental. Ils ne sont pas médecins et ne posent pas de diagnostics. Certains deviennent psychothérapeutes, et parmi eux, certains sont psychanalystes, mais tous les psychanalystes ne sont pas psychothérapeutes. C’est un domaine complexe.

La prise en charge chez un spécialiste est-elle aujourd’hui remboursée ?

Il existe deux types de professionnels et de structures : publiques et privées. Le secteur public est entièrement pris en charge par l’Assurance maladie, sans avance de frais ni remboursement à gérer. Il suffit de se présenter au CAdEO pour être orienté.

Les patients avec troubles sévères seront suivis dans des centres médico-psychologiques publics. Les autres pourront être orientés vers le secteur privé, où les séances de psychologie engendrent des frais.

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 10 juin 2025 sur Ma Santé TV.

À SAVOIR

La télémédecine, qui s’est bien développée depuis la crise Covid-19, ouvre des portes, notamment dans les zones rurales, mais reste encore trop peu utilisée. La HAS recommande donc de mieux déployer ces solutions et de renforcer la coordination entre le public et le privé pour une prise en charge plus efficace.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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