Les Français sont-ils en bonne santé ? Comment vont-ils vraiment ? Pour la toute première fois, une vaste enquête sanitaire, baptisée Albane, est lancée pour tenter de répondre à ces interrogations. Inspirée des grands protocoles américains, cette étude inédite en France veut décrypter l’influence de notre environnement, de notre alimentation et de nos modes de vie sur notre santé. Polluants, habitudes alimentaires, activité physique… Tout est passé au crible pour éclairer les politiques de prévention. Explications.
Et si l’on disposait enfin en France d’un baromètre permanent de notre santé, comme c’est déjà le cas aux États-Unis ? C’est tout le pari de l’enquête Albane (pour ALimentation, Biosurveillance, sAnté, Nutrition et Environnement), lancée officiellement le 16 septembre 2024 par Santé publique France et l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dont le premier cycle, présenté par les membres de l’équipe enquête Albane, débute ce mardi 10 juin 2025.
Portée par un financement public de 12 millions d’euros (comprenant la phase pilote, le premier cycle et la mise en place du second cycle), cette étude nationale vise à observer et comprendre l’évolution de la santé des Français, en lien avec l’exposition aux polluants, l’alimentation, l’environnement et le mode de vie.
Ce projet titanesque se déroulera par cycles de deux ans, avec plus de 3000 participants tirés au sort à chaque fois. Le tout en continu, ce qui est une première.
Une grande enquête santé France qui voit (enfin) le jour
Un œil de lynx sur nos corps et nos polluants
“L’enquête Albane va bien au-delà d’un simple questionnaire santé. Elle combine analyse médicale, prélèvements biologiques et enquêtes de terrain” explique le Pr Benoît Vallet, directeur général de l’Anses. Le but est de connaître précisément l’état de santé de la population mais aussi le niveau d’imprégnation de chacun par les substances chimiques présentes dans notre quotidien.
Parmi les polluants traqués :
- Pesticides (utilisés en agriculture)
- Bisphénols (présents dans certains plastiques alimentaires)
- Phtalates (plastifiants retrouvés dans de nombreux produits ménagers ou cosmétiques)
- PFAS (les fameux “polluants éternels”)
À travers des prélèvements d’urine, de cheveux ou de sang, l’enquête permettra de dresser une carte de l’exposition chimique de la population française. Et, à terme, de mieux prévenir certaines maladies chroniques.
Et dans nos assiettes, qu’y a-t-il vraiment ?
Albane, c’est aussi une plongée dans nos habitudes alimentaires. “Elle succède aux anciennes études INCA, ENNS et ESTEBAN, en les rassemblant sous une même bannière pour une vision plus complète” indique Pr Benoît Vallet. Les participants devront répondre à des auto-questionnaires sur leur régime alimentaire, leurs achats, leurs repas, leurs activités physiques… et même porter un capteur d’activité pendant 7 jours !
Une photographie ultra-précise de ce que l’on mange, de comment on bouge (ou pas), et des liens avec le surpoids, l’obésité, l’hypertension ou encore les maladies respiratoires.
Une méthode inspirée des États-Unis, adaptée à la sauce française
Les experts de Santé publique France et de l’Anses ne s’en cachent pas : “l’enquête Albane s’inspire directement du modèle NHANES américain, une étude de référence lancée dans les années 60 outre-Atlantique” admet Loïc Rambaud, chef de projet sur l’enquête Albane. Mais ici, elle est pensée pour les spécificités françaises, avec un souci d’équité territoriale et une représentativité nationale.
Chaque cycle inclura 3 150 personnes, enfants et adultes de 0 à 79 ans (150 bébés, 1 000 enfants de 3 à 17 ans et 2 000 adultes), tirées au sort sur 167 zones d’enquête réparties dans tout le pays. L’inclusion des DOM-TOM est à l’étude pour les prochaines phases, bien que des études annexes existent déjà.
- Phase pilote : septembre-décembre 2024 en Île-de-France et Nouvelle-Aquitaine (400 personnes)
- Déploiement national : mai 2025
- Résultats attendus : début 2028
Un outil pour orienter les politiques publiques
Le but final d’Albane, c’est bien d’éclairer les décisions de santé publique. Grâce aux données recueillies, les institutions pourront :
- définir des valeurs de référence d’exposition aux substances toxiques.
- Adapter le Programme National Nutrition Santé (PNNS).
- Nourrir la stratégie nationale de biosurveillance.
- Identifier les liens entre environnement, mode de vie et pathologies chroniques.
Et ce, au niveau national, régional et même international. Car l’enquête permettra aussi de comparer la situation française à celle de pays comme l’Allemagne, le Canada ou les États-Unis, qui mènent des études similaires.
Une base de données pour les chercheurs et les générations futures
En plus de soutenir les politiques publiques, les données d’Albane seront accessibles à la recherche, en France comme à l’étranger. Ce partage scientifique pourrait permettre de mieux comprendre l’origine de certaines maladies ou de tester l’efficacité de mesures préventives.
Comme le résume le Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France : “Cette enquête participe à la santé des générations futures.”
À SAVOIR
À l’échelle européenne, les données issues d’Albane ne resteront pas lettre morte. Elles viendront nourrir le Partenariat européen pour l’évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC), un vaste programme collaboratif réunissant plus de 200 partenaires à travers l’Union européenne.








