Salon Préventica à Lyon, du 8 au 10 octobre.
Santé mentale des dirigeants, prévention des risques dans les petites entreprises, santé des soignants, pénurie de médecins du travail... De nombreux sujets brûlants seront évoqués lors de l'édition lyonnaise du salon Préventica, du 8 au 10 octobre. ©Accent Visuel-Jean HAEUSSER

Depuis la crise sanitaire, le monde du travail est touché par de profonds bouleversements, qui modifient ses codes et amplifient les changements sociétaux initiés par les envies émergentes des nouvelles générations. Dans ce contexte, la santé au travail, portée par une prise de conscience générale, s’adapte et évolue, tant pour relever des défis inédits que pour faire face à la pénurie de médecins spécialisés. Organisateur du salon Préventica, du 8 au 10 octobre à Lyon, Éric Dejean-Servières évoque les domaines où la prévention en santé, sécurité et qualité de vie au travail doit encore s’améliorer. Entretien.

À la tête du grand salon dédié à la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail, qui fait le tour des régions françaises depuis 1997 et notamment une nouvelle fois à Lyon du 8 au 10 octobre, le directeur général de Préventica, Éric Dejean-Servières, est bien placé pour lister les domaines où la prévention en santé, sécurité et qualité de vie au travail doit encore s’améliorer.

Longtemps parent pauvre, la santé au travail (et plus largement les questions de santé, sécurité et qualité de vie au travail) continue-t-elle se s’imposer comme l’un des grands défis de nos entreprises ?

Oui, elle continue à s’imposer, mais elle reste aussi un défi. Les entreprises, organisations publiques et collectivités locales prennent de plus en plus conscience que la santé au travail est un moteur pour la bonne marche de l’entreprise. C’est la grande révolution de la santé au travail. On ne fait plus de santé au travail par obligation, mais par conviction, car on voit que des salariés en bonne santé, c’est une entreprise qui est plus performante. C’était évident, mais il fallait que les dirigeants, les cadres arrivent à l’intégrer. Une personne malade qui s’absente de l’entreprise doit être remplacée, cela coûte du temps et de l’argent, il faut former le remplaçant…

Avec davantage de prévention pour que les salariés restent en bonne santé, on évite ainsi les maladies professionnelles, les accidents du travail, on réduit l’absentéisme… L’idée, aujourd’hui, est de prévenir plutôt que guérir, et c’est complètement entré dans les mœurs.

En quoi le succès du salon Préventica révèle-t-il l’étendue de cette prise de conscience ?

Le directeur général de Préventica, Éric Dejean-Servières.
Éric Dejean-Servières, directeur général de Préventica.

La prise de conscience est là et on la mesure à chaque édition du salon, qui a lieu deux fois par an, au printemps et à l’automne. Edition après édition, il y a toujours plus de monde. Cela veut bien dire que ces sujets, aujourd’hui, alertent. On vient y chercher des solutions pour améliorer la qualité de vie et la sécurité au travail.

À Lyon, on a 500 exposants de toute la France qui proposent des innovations et solutions d’aménagement des bureaux, de prévention du burn-out, de réduction de la pénibilité, de sécurisation des activités de production… On mesure aussi cet engouement par le nombre de conférences, d’ateliers et d’animations. Il y en aura ainsi près de 200, durant les trois jours du salon. Cette activité très dense va permettre aux visiteurs de se plonger dans la réalité des problématiques de santé au travail, de comprendre d’où viennent les mauvaises pratiques, les origines des accidents et des maladies, et d’y trouver les solutions pour les réduire.

Quelles seront les grandes thématiques de cette édition lyonnaise ?

Elles sont nombreuses et symptomatiques du moment. Par exemple, comment faire de la qualité de vie au travail dans les TPE-PME : on a toujours l’exemple des grandes entreprises, mais comment fait-on dans les petites ? Or, la santé au travail améliore toujours la marche de l’entreprise, quelle que soit sa taille.

La santé des soignants sera également au cœur de cette édition : la mauvaise qualité de vie et de travail des cadres de santé, des infirmières, des personnels hospitaliers ou des Ehpad, est aujourd’hui une problématique majeure et y apporter des remèdes est un grand défi.

Nous allons aussi nous pencher sur la santé du dirigeant, qui organise la prévention des risques dans son entreprise, mais qui, souvent, ne pense pas à s’inquiéter de protéger sa propre santé.

Certaines de ces thématiques touchent aux récentes évolutions sociétales ?

Les sujets de santé globale seront abordés, et notamment la question des ponts entre vie professionnelle et personnelle, sur la manière dont ma santé globale joue sur la santé au travail, et inversement. Pourquoi la santé au travail serait-elle déconnectée de la santé en général ? On sait très bien qu’un stress généré au travail se répercute à la maison, et qu’un problème de santé personnel influe sur la qualité de vie au travail.

Autre sujet du moment, l’allongement de la durée du travail : l’augmentation de l’âge de départ à la retraite ne pourra se faire qu’à travers une réduction de la pénibilité dans de nombreux secteurs professionnels.

Quelles seront les autres problématiques abordées ?

La prévention du burn-out sera aussi au cœur de nos échanges. Nous avons des cas nombreux, au quotidien, dans l’industrie, dans les services, de ces risques psychosociaux, liés à des méthodes de management, de communication interne, qui vont permettre d’écouter, d’identifier et d’accompagner des personnes en situation de fragilité pour éviter qu’elles soient victimes de burn-out.

Nous allons aussi parler de santé au travail dans la fonction publique, le parent pauvre en matière de dispositifs de prévention des risques et maladies professionnelles. De nouvelles réglementations vont en faveur d’une meilleure prévention.

Les TPE-PME restent-elles les parents pauvres de la santé au travail ?

Elles représentent 80% des salariés. On sait que la solution, dans ces structures, réside dans de petits réflexes à adopter au quotidien. Les petites entreprises où les salariés sont impliqués dans cette démarche, où l’on met en place des systèmes de management, d’écoute, d’identification des problèmes, de communication s’en retrouvent clairement revigorées.

Il faut s’appuyer sur les exemples de réussites pour donner envie à d’autres entreprises de faire de même, dans des secteurs tout à fait différents : une entreprise de bâtiment, un salon de coiffure, un artisan du bois… L’idée est de montrer que prendre soin de la santé de ses collaborateurs n’est pas très compliqué et peut rapporter gros.

Dans quels autres domaines la prévention doit-elle encore particulièrement s’améliorer ?

Outre les TPE-PME, encore trop éloignées de la prévention, on peut citer la fonction publique, le secteur industriel ou encore le BTP qui, malgré l’amélioration des chiffres d’accidents du travail, reste un secteur propice aux chutes.

Le secteur sanitaire et social est aussi l’un des parents pauvres de cette prévention, du fait de cadences souvent infernales. L’aide à domicile, notamment, se développe beaucoup, mais cela entraîne le développement de risques nouveaux, du fait des déplacements en voiture, d’interventions dans des milieux parfois insalubres, du poids de certaines personnes aidées…

Le secteur des plateformes logistiques, enfin, est aussi en plein boom, pour suivre l’essor de la vente en ligne. Dans ces immenses entrepôts, le stockage et autres activités de manutention engendrent des risques nouveaux.

Comment la notion de santé au travail peut-elle progresser face à la pénurie toujours plus importante de médecins du travail ?

La nouvelle organisation de la médecine du travail est justement l’un des sujets phares du moment. Face à la pénurie de médecins, les services interentreprises s’organisent pour former des infirmières, des psychologues, des médiateurs chargés d’aller en entreprise… Il y a des prestations de médecines du travail privées qui émergent, pour proposer des tests, diagnostics, des rencontres, des entretiens médicaux ou des formations dans les entreprises. Il y a des solutions.

L’après crise sanitaire semble digéré : comment le monde du travail s’est-il réorganisé face aux grandes évolutions de ces dernières années ?

On a vu qu’un problème sanitaire pouvait perturber très sévèrement le monde économique. On a réagi par davantage de prévention, pour essayer d’anticiper, car on sait désormais ce qu’un problème de santé publique peut engendrer comme dérèglement de toute l’activité économique, et ce tout autour de la planète.

C’est ce qui a permis d’accélérer la prise de conscience des dirigeants, sur la nécessité de prévenir les risques de maladies et d’accidents, d’éviter les situations graves qui peuvent perturber fortement l’entreprise. Les entreprises y sont beaucoup plus attentives aujourd’hui, y compris, même, au risque de réchauffement climatique. Si l’entreprise veut bien fonctionner et être elle-même en bonne santé, elle doit prévenir tout ce qui peut altérer la santé de ses salariés.

Le télétravail a-t-il trouvé une juste place ?

Le télétravail est devenu un phénomène de société, imposant un nouveau rythme de travail. Au-delà de ses bienfaits, de nombreuses entreprises reviennent sur le sujet, en réduisant le nombre de jours de télétravail, face aux difficultés de management, à l’incapacité d’être à l’écoute des équipes et de prévenir les risques de burn-out. Et le télétravail est lui-même, dans certains cas, générateur de burn-out ! Ce qui est un comble, puisque cette mesure de liberté, pour certains, contribue à leur isolement et à leur mauvaise santé mentale.

Qu’en est-il des nouveaux codes imposés par les nouvelles générations ?

Le monde du travail fait face à une forte évolution des mentalités. On veut travailler moins, mais en donnant du sens à ses activités. On cherche l’équilibre parfait entre vie professionnelle et personnelle, on veut que le travail soit épanouissant…

Cette nouvelle société aborde le travail non pas comme une contrainte et une obligation pour gagner sa vie, mais comme un élément complet d’épanouissement global. C’est ce que veulent les nouvelles générations. Alors, pour qu’une entreprise marche bien, il faut aujourd’hui qu’elle favorise un environnement de travail rassurant, motivant, mobilisant… Et qu’elle donne du sens au travail, une donnée essentielle pour améliorer la santé mentale des collaborateurs.

À SAVOIR

Préventica 2024, le grand salon dédié à la santé, la sécurité et la qualité de vie au travail, fait une nouvelle escale à Lyon du 8 au 10 octobre. L’événement, pour accueillir ses 500 exposants et ses 15 000 visiteurs, a une nouvelle fois choisi les travées de Lyon-Eurexpo (Hall 6, de 9h à 18h – sauf jeudi de 9h à 17h). Parmi les temps forts, des ateliers participatifs, des concours, des animations ludiques et un cycle de 180 conférences, tables rondes et keynotes. Plus d’infos ICI.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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