On parle souvent de la santé mentale des mères, et à raison. Mais qu’en est-il de celle des pères ? Une étude récente relance le débat : les troubles psychiques du papa auraient des répercussions durables sur le bien-être de leurs enfants. Décryptage.
Quand on parle de santé mentale des parents et des enfants, les projecteurs se braquent presque systématiquement sur la mère. Pourtant, les pères ne sont pas épargnés par les troubles psychiques, loin de là. Selon l’Inserm, environ 10 % des nouveaux pères souffrent de symptômes dépressifs dans l’année qui suit la naissance de leur enfant. Un chiffre qui grimpe encore quand on tient compte du stress, de l’anxiété ou de l’isolement.
Alors, pourquoi ce silence autour de la santé mentale des papas ? Par tabou, parfois. Par oubli, souvent. Et pourtant, leur état psychique joue un rôle important dans le développement émotionnel et comportemental de leurs enfants.
Une étude qui change la donne : papa déprimé, enfant chamboulé
Publiée dans la revue JAMA Network Open, une étude canadienne vient rappeler que la santé mentale des pères n’est pas qu’un sujet secondaire. Les chercheurs ont suivi plus de 2 600 familles sur une période de 9 ans. Résultat ? Les enfants dont le père souffrait de dépression au moment de l’entrée en maternelle étaient plus susceptibles de présenter des troubles émotionnels ou comportementaux à l’âge de 9 ans.
Autrement dit, le mal-être d’un père peut avoir des répercussions psychologiques à long terme sur ses enfants, même plusieurs années après. Ces répercussions peuvent se manifester sous forme d’anxiété, de troubles de l’attention, de comportements agressifs ou de difficultés scolaires.
Pourquoi la santé mentale des pères impacte-t-elle autant les enfants ?
Un père qui va mal, c’est un parent moins disponible. Moins de jeux, moins de câlins, moins d’attention partagée… Et ça, pour un petit être en plein développement, c’est une vraie perte. L’interaction avec les deux parents est essentielle pour développer la confiance, la sécurité affective, et les compétences sociales.
En cas de troubles dépressifs chez le père, la communication émotionnelle peut être altérée : le parent devient irritable, distant, voire absent. Et un enfant, même très jeune, capte tout ça comme une éponge. Il ne comprend pas forcément ce qui se passe, mais il ressent l’ambiance, l’humeur, les silences.
Sans oublier que si le père souffre en silence, cela impacte aussi la relation de couple, donc l’ambiance du foyer. Et un climat familial tendu ou instable est un facteur de stress bien connu chez les enfants. La santé mentale des parents et des enfants est donc un système en miroir : quand l’un vacille, l’autre peut en souffrir.
Des solutions existent, mais encore faut-il lever le tabou
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle l’importance de dépister précocement les troubles psychiques chez les parents, y compris les pères. Cela passe par une écoute active lors des visites médicales postnatales, par des campagnes de sensibilisation, mais aussi par des dispositifs de soutien psychologique adaptés.
En France, des initiatives locales existent, mais elles peinent encore à toucher les pères. La santé mentale des parents et des enfants devrait pourtant être pensée comme un tout.
À SAVOIR
Un rapport publié en 2021 par Santé publique France souligne que la santé mentale des hommes, en particulier des jeunes pères, reste largement sous-estimée et sous-diagnostiquée. L’étude révèle que seulement 3 % des hommes consultent un professionnel de santé mentale après la naissance d’un enfant, contre près de 15 % des femmes.