Un père qui a fumé durant son adolescence et qui continue de fumer devant son enfant.
Les enfants dont le père avait commencé à fumer avant 15 ans présentent des modifications mesurables de l’ADN, même s’ils n’ont jamais fumé eux-mêmes. © Adobe Stock

Et si les cigarettes de votre père, fumées à la sortie du collège, avaient laissé une empreinte jusque dans vos cellules ? C’est la piste étonnante qu’explorent des chercheurs norvégiens. Selon eux, le tabagisme adolescent des pères pourrait accélérer le vieillissement biologique de leurs enfants. Explications.

C’est une étude qui fait froncer bien des sourcils dans les congrès de médecine. Lors du dernier Congrès européen de pneumologie (ERS 2025), une équipe de l’Université de Bergen, en Norvège, a présenté un travail sur le tabagisme et la paternité. Les enfants dont le père avait commencé à fumer avant 15 ans vieilliraient biologiquement neuf à douze mois plus vite que les autres.

En clair, si vous avez 30 ans aujourd’hui, votre corps, mesuré par certaines “horloges biologiques”, en afficherait peut-être 31. Et si vous êtes fumeur ou fumeuse à votre tour, l’écart pourrait grimper jusqu’à 15 mois. De quoi faire réfléchir sur l’idée que nos choix de jeunesse n’appartiennent jamais vraiment qu’à nous.

Ce qu’il se passe dans nos gènes

Pour comprendre, il faut plonger dans l’épigénétique. EN clair, nos gènes ne changent pas, mais leur fonctionnement, lui, peut être modulé par notre mode de vie, notre environnement ou… la cigarette.

Quand un adolescent fume, le tabac peut altérer la structure chimique de son ADN, notamment dans les cellules qui donneront plus tard les spermatozoïdes. Ces petites “marques” chimiques, qu’on appelle méthylations, agissent comme des interrupteurs. Elles éteignent ou allument certains gènes. Et certaines de ces marques semblent persister jusqu’à la génération suivante.

Une étude parue en 2023 dans Clinical Epigenetics va dans le même sens. Les chercheurs y ont identifié 19 zones précises de l’ADN modifiées chez des enfants dont le père fumait très jeune, sur des gènes liés à l’inflammation et au métabolisme. Résultat, le corps de ces enfants semble “programmé” pour vieillir un peu plus vite. Rien de dramatique, mais suffisamment pour être mesuré par les fameuses horloges épigénétiques, ces outils qui estiment l’âge biologique à partir des traces laissées dans l’ADN.

Un effet transmis, mais pas une fatalité

Faut-il paniquer ? Non. Car ces études montrent une corrélation, pas une causalité. Autrement dit, on observe une tendance, mais on ne peut pas encore affirmer que c’est à cause du tabac du père que l’enfant vieillit plus vite. D’autres facteurs peuvent entrer en jeu : 

Et les fameuses horloges biologiques, bien que prometteuses, ne sont pas encore des instruments infaillibles. Les chercheurs eux-mêmes le reconnaissent, l’étude doit être reproduite sur d’autres populations avant de tirer des conclusions fermes. Mais l’idée est suffisamment solide pour interpeller et rappeler que ce qui se passe à 15 ans peut avoir un écho bien plus tard.

Un héritage qui dépasse la simple génétique

Ce n’est pas la première fois qu’on observe ce type de transmission. On sait depuis longtemps que le tabagisme maternel pendant la grossesse peut modifier l’ADN de l’enfant. Des travaux publiés dans Clinical Epigenetics ou Environmental Health Perspectives ont montré que les bébés exposés in utero présentent des signatures génétiques altérées, parfois détectables des années plus tard.

Mais l’idée que le père puisse transmettre ce genre d’empreinte avant même la conception est plus récente. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’héritage épigénétique, une mémoire biologique de nos expositions, transmise sans changer nos gènes. Et cela dépasse le tabac. D’autres études explorent l’impact du stress, de l’alimentation ou de la pollution sur les générations suivantes. En résumé, nos corps gardent la trace de notre histoire, et parfois de celle de nos parents.

Tabac : encore un point pour la prévention !

Au-delà du côté un peu “science-fiction”, cette découverte ouvre des pistes très concrètes pour la prévention. En France, près de 32 % des adultes fument encore, selon Santé publique France. Et chaque jour, environ 200 jeunes allument leur première cigarette avant 15 ans. Ces chiffres donnent du poids à l’idée qu’il faut parler du tabac autrement : pas seulement comme un risque individuel, mais comme un enjeu intergénérationnel.

Autrement dit, fumer à 14 ans, ce n’est pas seulement risquer son propre cancer du poumon, c’est peut-être aussi influencer la santé de ses futurs enfants.

un message de prévention (et d’espoir)

Oui, certaines traces du tabac peuvent se transmettre. Mais non, tout n’est pas figé. L’épigénétique a une bonne nouvelle, ce que la vie inscrit, la vie peut aussi parfois le gommer.

Une alimentation équilibrée, l’activité physique, un bon sommeil et la réduction du stress ont, eux aussi, des effets épigénétiques bénéfiques. Rien n’est irrémédiable ! Notre ADN porte les marques du passé, mais il reste sensible à nos choix présents. Alors, si ce n’est pas pour vous, faites-le peut-être pour vos futurs enfants.

À SAVOIR

En France, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) estime que près d’un tiers des collégiens de 15 ans ont déjà expérimenté la cigarette, souvent dans un environnement familial où un parent fume. 

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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