Une pharmacienne fait le point sur la pénurie d'antdéresseurs aujourd'hui.
8,3 millions de Français ont reçu au moins une prescription d’antidépresseurs en 2024, selon les données de la CNAM. © Freepik

Depuis plusieurs mois, les pharmacies françaises peinent à fournir certains antidépresseurs pourtant couramment prescrits, comme la paroxétine ou la fluoxétine. Et en ce mois de juin 2025, rien ne semble vraiment s’arranger. Une situation de pénurie qui inquiète patients et professionnels de santé, d’autant plus qu’elle s’inscrit dans un contexte de hausse des troubles dépressifs post-Covid. Le point. 

Ce n’est plus un simple “retard de livraison”. Aujourd’hui, la pénurie d’antidépresseurs est confirmée par les données officielles de l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament. Sur le banc des absents, les médicaments les plus prescrits : Paroxétine (Deroxat®, Divarius®), Fluoxétine (Prozac® et génériques), Amitriptyline (Laroxyl®). Et aussi : sertraline, venlafaxine, citalopram… souvent introuvables ou livrées au compte-gouttes.

Sur le site de l’ANSM, mis à jour au 17 juin 2025, plusieurs de ces molécules sont en tension d’approvisionnement prolongée, sans date de retour à la normale annoncée. 

Des médicaments parmi les plus prescrits… et les plus en rupture

Parmi les antidépresseurs les plus concernés par les pénuries aujourd’hui, on retrouve :

Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), plusieurs laboratoires ont signalé des “tensions d’approvisionnement majeures” depuis fin 2023. En juin 2025, la situation perdure. Certaines pharmacies sont en rupture totale de fluoxétine depuis plusieurs semaines. D’après le site de l’ANSM, des remises à disposition partielles sont parfois annoncées, mais les stocks sont insuffisants pour couvrir l’ensemble des prescriptions sur le territoire.

Une production mondiale… à flux trop tendu

Il n’y a pas une cause unique, mais plutôt un enchaînement de dominos industriels et sanitaires, comme souvent dans le monde du médicament. Et en premier lieu, la production. Les molécules comme la paroxétine ou la fluoxétine sont anciennes, peu rentables, et largement génériquées.

Résultat : les laboratoires réduisent les stocks au strict minimum. Et comme leurs principes actifs sont produits en Inde, en Chine ou au Bangladesh, la moindre perturbation de la chaîne d’approvisionnement a des répercussions immédiates en France.

Depuis le début 2025, plusieurs sites asiatiques ont signalé des ralentissements dus à des contrôles qualité, des pénuries de matières premières ou des restrictions énergétiques. Et ce qui coince à l’autre bout du monde… se ressent chez nous, à la caisse de la pharmacie.

Une demande toujours plus forte

La pandémie de Covid-19 a laissé des traces profondes. En 2024, plus de 8,3 millions de Français ont eu une prescription d’antidépresseurs (source : Caisse nationale d’Assurance Maladie, avril 2025). C’est 23 % de plus qu’en 2019. Et cette tendance ne ralentit pas.

Résultat, la demande explose, mais l’offre ne suit pas. Ce décalage accélère les pénuries, notamment pour les molécules les plus utilisées.

Un désintérêt industriel assumé

Produire une boîte de fluoxétine générique, ça rapporte peu. Beaucoup moins qu’un nouveau traitement anticancéreux ou une biothérapie dernier cri. Les laboratoires investissent là où ça rapporte. Et les antidépresseurs des années 80-90 ne sont plus vraiment dans leurs priorités.

C’est ce qu’on appelle, pudiquement, un “désengagement progressif”. Traduction : on produit moins, et on vous prévient quand il est trop tard.

Côté patients : on bricole, on s’inquiète, on subit

Changer de molécule du jour au lendemain, ce n’est pas anodin. Les antidépresseurs agissent sur des mécanismes cérébraux complexes, et les switchs nécessitent une adaptation progressive, un suivi médical, parfois des ajustements de dose.

Mais dans le contexte actuel, les patients n’ont pas toujours ce luxe du temps et de l’accompagnement. Résultat :

  • Des effets secondaires à la reprise d’un nouveau traitement
  • Des symptômes de sevrage (troubles du sommeil, vertiges, irritabilité)
  • Et pour certains, des rechutes anxieuses ou dépressives, après des années d’équilibre

Que fait l’État pour lutter contre cette pénurie d’antidépresseurs

L’ANSM et le ministère de la Santé affirment suivre la situation “avec la plus grande attention”. Concrètement, les mesures en cours sont :

  • Importation exceptionnelle de certaines spécialités depuis d’autres pays européens
  • Recommandations aux professionnels pour prioriser les patients les plus à risque
  • Mise en œuvre du Plan national de lutte contre les pénuries de médicaments, relancé en 2024, avec un objectif de relocalisation partielle de la production d’ici à… 2030

Mais pour les professionnels de santé, ces solutions arrivent trop lentement. “Ce qu’on vit aujourd’hui, on l’avait vu venir. On avait prévenu. Mais rien n’a été anticipé”, déplore un représentant du syndicat des pharmaciens d’officine.

À SAVOIR 

Selon un rapport du Sénat publié en avril 2025, plus de 3 000 médicaments sont actuellement sous tension en France, dont une centaine classés comme essentiels par l’OMS.

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Ma Santé

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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