Une mĂšre et ses enfants hĂ©sitent devant un rayon de produits laitiers pour enfants, symbole d’un marketing attractif mais souvent trompeur selon Foodwatch.
PrÚs de 70 % des enfants ùgés de 3 à 17 ans consomment au moins un produit ultra-transformé chaque jour, selon Santé publique France. © Adobe Stock

Des marques prisĂ©es des enfants (Babybel, Kiri, Petits Filous, Danonino
) viennent d’ĂȘtre pointĂ©es du doigt par l’ONG Foodwatch : selon elle, leur marketing trompeur masque des profils nutritionnels dĂ©favorables, trop sucrĂ©s, trop gras ou ultra-transformĂ©s. Que rĂ©vĂšle l’enquĂȘte ? Quelle est la part de rĂ©alitĂ© derriĂšre l’alerte ? Et que choisir Ă  la place ? DĂ©cryptage.

DerriÚre la petite cire rouge du Babybel, le sourire moelleux du Kiri ou les couleurs acidulées des Petits Filous se cache une stratégie marketing parfaitement rodée. Ces produits ont été pensés pour plaire aux plus jeunes et rassurer les parents.

Mais selon Foodwatch, cette image “plaisir et santĂ©â€ relĂšve davantage du discours publicitaire que de la rĂ©alitĂ© nutritionnelle. L’association, connue pour ses campagnes contre les emballages trompeurs, a publiĂ© le 6 octobre 2025 un rapport intitulĂ© : « Ces dix produits laitiers pour enfants au marketing racoleur ne sont pas sains ».

Elle Ă©pingle dix rĂ©fĂ©rences trĂšs connues : Kiri GoĂ»ter, Mini Rolls Babybel, Petits Filous, Danonino, P’tite Danette, Nesquik Petit, P’tit Louis, yaourts Smarties, et les gourdes de yaourt Carrefour.

Ce qui leur est reprochĂ© ? D’abord, leur marketing jugĂ© trompeur, avec ses mascottes, ses couleurs vives et ses slogans qui suggĂšrent un produit sain, adaptĂ© Ă  la croissance des enfants. Ensuite, leur composition nutritionnelle, souvent riche en sucres ajoutĂ©s, en graisses saturĂ©es ou en additifs issus de l’industrie agroalimentaire.

Autrement dit, ces produits cumulent deux travers : séduire les enfants et rassurer les parents tout en contournant les recommandations de santé publique.

Du calcium, certes
 mais aussi du sucre et des additifs

Les industriels mettent souvent en avant la prĂ©sence de calcium et de protĂ©ines dans leurs produits. C’est vrai, un Babybel, par exemple, contient environ 650 mg de calcium pour 100 g, soit prĂšs des deux tiers des besoins quotidiens d’un enfant de 6 ans.

Mais Foodwatch rappelle qu’il ne suffit pas d’avoir du calcium pour ĂȘtre “sain”. Car le reste de la recette mĂ©rite d’ĂȘtre scrutĂ© : taux de graisses saturĂ©es Ă©levĂ©, utilisation d’additifs, ou prĂ©sence d’arĂŽmes artificiels dans les desserts lactĂ©s.

Un exemple frappant, le Kiri GoĂ»ter. Ce produit associe un fromage fondu sucrĂ©, une tartinette et des petits biscuits. Or, selon les donnĂ©es d’étiquetage, il contient des polyphosphates (des additifs servant Ă  Ă©mulsionner la texture) et environ 15 % de graisses saturĂ©es.

De mĂȘme, certains Petits Filous ou Danonino peuvent afficher jusqu’à 12 g de sucres pour 100 g, soit l’équivalent de trois morceaux de sucre dans un seul pot. À l’échelle d’un goĂ»ter quotidien, ces quantitĂ©s ne sont pas anodines.

Les recommandations de l’Organisation mondiale de la SantĂ© (OMS) sont pourtant claires. Les sucres libres ne devraient pas dĂ©passer 10 % de l’apport Ă©nergĂ©tique total, et idĂ©alement 5 % pour prĂ©server la santĂ© mĂ©tabolique des enfants. En pratique, un enfant de 7 ans ne devrait pas consommer plus de 25 g de sucres libres par jour, soit Ă  peine deux yaourts aromatisĂ©s.

Un marketing bien huilĂ©, qui parle d’abord aux enfants

Au-delĂ  de la nutrition, c’est la communication de ces marques qui pose problĂšme. Foodwatch pointe une stratĂ©gie de sĂ©duction bien huilĂ©e, oĂč tout est pensĂ© pour attirer l’Ɠil des enfants. Mascottes joyeuses, couleurs vives, slogans simples (“bon pour grandir !”, “alliĂ© des os solides !”), voire petits jeux imprimĂ©s sur l’emballage. Un packaging qui rassure les parents pressĂ©s, tout en contournant la vigilance nutritionnelle.

L’ONG dĂ©nonce Ă©galement des allĂ©gations santĂ© ambiguĂ«s. La mention du calcium ou des vitamines D ne suffit pas Ă  compenser la teneur en sucres et en graisses saturĂ©es.

Ces pratiques, estime Foodwatch, contreviennent Ă  l’esprit des recommandations de l’OMS, qui appelle les États Ă  limiter le marketing des produits gras, sucrĂ©s ou salĂ©s auprĂšs des enfants. En France, cette rĂ©gulation reste encore faible. L’usage de personnages, de cadeaux ou d’arguments “bien-ĂȘtre” n’est pas interdit, tant que le produit n’est pas explicitement prĂ©sentĂ© comme “mĂ©dicalement bĂ©nĂ©fique”.

Ce double discours crĂ©e un climat de confusion. Dans l’imaginaire collectif, un produit laitier “pour enfants” reste associĂ© Ă  la santĂ©, mĂȘme lorsque sa formulation s’en Ă©loigne. Et c’est lĂ , souligne Foodwatch, que rĂ©side la plus grande tromperie, celle de faire passer un aliment plaisir pour un aliment nĂ©cessaire.

Depuis une dizaine d’annĂ©es, la littĂ©rature scientifique ne cesse de confirmer le lien entre consommation d’aliments ultra-transformĂ©s et risques accrus de surpoids, diabĂšte ou maladies cardiovasculaires.

Une Ă©tude française menĂ©e dans le cadre de la cohorte NutriNet-SantĂ© (Inserm, 2023) montre qu’une augmentation de 10 % de la part d’aliments ultra-transformĂ©s dans l’alimentation quotidienne est associĂ©e Ă  une hausse du risque de maladies cardiovasculaires de 12 %. Ces rĂ©sultats n’impliquent pas que manger un Babybel soit dangereux en soi, mais qu’une alimentation dominĂ©e par ce type de produits industriels peut avoir des effets cumulĂ©s sur la santĂ©.

L’étude ESTEBAN menĂ©e par SantĂ© publique France entre 2014 et 2016 tire d’ailleurs le mĂȘme constat. Les enfants français consomment encore trop de produits sucrĂ©s et gras, et leurs apports en fibres ou en fruits sont insuffisants. L’agence recommande de limiter les produits transformĂ©s et de favoriser les produits bruts (fruits, lĂ©gumes, lĂ©gumineuses, yaourts nature) pour rééquilibrer les apports. 

Pas forcĂ©ment, mais les rĂ©server Ă  l’occasion

Tous les produits pointés du doigt ne se valent pas. Certains, comme le Mini Babybel, restent des fromages relativement simples, riches en calcium et pauvres en sucres.

Leur reproche principal concerne surtout leur positionnement marketing “pour enfants” plus que leur composition intrinsĂšque. D’autres, en revanche (crĂšmes dessert, yaourts aromatisĂ©s, goĂ»ters lactĂ©s) sont plus problĂ©matiques sur le plan nutritionnel.

Autrement dit, tout est une question de frĂ©quence et de quantitĂ©. Consommer une P’tite Danette ou un Kiri GoĂ»ter de temps Ă  autre n’a rien d’alarmant ; mais en faire un rĂ©flexe quotidien revient Ă  exposer l’enfant Ă  un excĂšs de sucres, d’additifs et de graisses saturĂ©es. Ces produits devraient rester des encas occasionnels, pas des “indispensables du goĂ»ter”.

Pour les parents, quelques rĂ©flexes simples peuvent aider : privilĂ©gier les yaourts nature, les fromages blancs non sucrĂ©s, ou encore les produits portant un bon Nutri-Score (A ou B). On peut aussi aromatiser soi-mĂȘme les yaourts avec un peu de fruit frais ou une cuillĂšre de compote sans sucre ajoutĂ©. 

Une question de transparence et de confiance

Le dĂ©bat ouvert par Foodwatch dĂ©passe le simple cas de Babybel ou Kiri. Il interroge notre rapport collectif Ă  la transparence alimentaire. Pourquoi les produits destinĂ©s aux enfants ne font-ils pas l’objet de rĂšgles plus strictes ? Pourquoi tolĂšre-t-on encore des emballages qui flattent la santĂ© sans obligation d’équilibre nutritionnel ?

Ces questions, dĂ©jĂ  soulevĂ©es au niveau europĂ©en, restent d’actualitĂ©. L’association appelle Ă  mieux encadrer le marketing ciblant les enfants, Ă  imposer un Ă©tiquetage clair et lisible, et Ă  rendre obligatoire le Nutri-Score sur l’ensemble des produits vendus en Europe.

Car au fond, le vrai enjeu n’est pas de diaboliser des marques historiques, mais de rĂ©tablir une information honnĂȘte. Les enfants n’ont pas besoin de promesses colorĂ©es ; ils ont besoin de produits simples, sĂ»rs, et d’une Ă©ducation alimentaire cohĂ©rente. Et c’est aussi Ă  nous, adultes, de redonner Ă  leurs goĂ»ters la place qu’ils mĂ©ritent.

À SAVOIR

Selon SantĂ© publique France, prĂšs de 70 % des enfants consomment chaque jour au moins un produit ultra-transformĂ©, et ces aliments reprĂ©sentent en moyenne plus d’un tiers de leurs apports Ă©nergĂ©tiques. Cette habitude favorise le surpoids, qui touche dĂ©sormais prĂšs d’un enfant sur cinq en France. 

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Marie Briel
Journaliste Ma SantĂ©. AprĂšs un dĂ©but de carriĂšre en communication, Marie s’est tournĂ©e vers sa vĂ©ritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma SantĂ©, elle se spĂ©cialise dans le domaine de l'information mĂ©dicale pour rendre le jargon de la santĂ© (parfois complexe) accessible Ă  tous.

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