Tabac, sexe oral, alcool… Le cancer de la bouche, encore méconnu de nombreux Français, touche chaque année environ 15 000 nouvelles personnes en France. Quels en sont les facteurs de risque ? Peut-on s’en protéger ? Éléments de réponse.
Parmi les cancers les plus redoutés, celui de la bouche fait souvent figure d’oublié. Pourtant, il représente une véritable menace, notamment pour les personnes de plus de 50 ans. Selon l’Institut National du Cancer (INCa), ce type de cancer représente environ 2% de tous les cancers en France. Ce faible pourcentage cache une réalité alarmante : diagnostiqué tardivement, il peut être extrêmement agressif.
Les causes principales du cancer de la bouche
Le tabac : coupable numéro un
Fumer tue… et pas seulement les poumons. Environ 80% des cas de cancer de la bouche sont liés à la consommation de tabac, selon l’INCa. Cigarettes, cigares, pipe, mais aussi tabac à chiquer ou à priser : toutes ces formes augmentent les risques. Le danger ne vient pas uniquement de la nicotine, mais surtout des substances cancérigènes présentes dans le tabac, telles que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les nitrosamines spécifiques au tabac.
Ces substances chimiques attaquent directement les muqueuses de la bouche et entraînent des lésions chroniques. À force de s’accumuler, ces lésions peuvent dégénérer en cellules cancéreuses. Une étude menée par Santé Publique France montre que les fumeurs réguliers présentent un risque 10 à 15 fois supérieur de développer un cancer de la bouche par rapport à un non-fumeur.
L’alcool, un autre facteur majeur
L’alcool arrive juste derrière le tabac comme facteur de risque. Une consommation excessive et régulière d’alcool multiplie par 9 le risque de développer un cancer de la bouche, selon ameli.fr. Le danger devient encore plus alarmant lorsque le tabac et l’alcool sont combinés : dans ces cas-là, le risque de cancer est multiplié par 45.
Pourquoi une telle explosion du risque ? L’alcool agit comme un solvant et facilite la pénétration des substances cancérigènes du tabac dans les tissus buccaux. De plus, l’alcool produit des composés toxiques, tels que l’acétaldéhyde, qui endommagent directement l’ADN des cellules buccales. Selon une étude de l’INCa, ces deux substances, lorsqu’elles sont consommées ensemble, créent un « terrain favorable » à l’apparition de cancers.
Le papillomavirus humain (HPV)
Le papillomavirus humain, plus connu sous l’abréviation HPV, est surtout connu pour son lien avec le cancer du col de l’utérus. Mais ce virus HPV, qui se transmet par des contacts intimes, est aussi en cause dans les cancers de la bouche.
Et si cette information peut surprendre, elle est pourtant vrai. Selon une étude publiée dans le Journal of Clinical Oncology, environ 25% des cas de cancer buccal sont liés à ce virus, et en particulier au sous-type 16, qui est hautement oncogène. Oui oui, un cunnilingus pourrait vous coûter cher et Michael Douglas, l’acteur américain, peut malheureusement tristement en témoigner.
Une mauvaise hygiène bucco-dentaire
Une hygiène buccale négligée peut sembler anodine, mais elle constitue un facteur de risque important. Des infections chroniques des gencives (parodontite), des dents en mauvais état ou encore des irritations causées par des prothèses mal ajustées créent un environnement propice au développement de lésions.
Ces lésions, lorsqu’elles s’associent à d’autres facteurs comme le tabac ou l’alcool, peuvent devenir le point de départ d’un cancer.
L’exposition professionnelle
Certains métiers exposent les travailleurs à des substances toxiques susceptibles d’endommager les muqueuses buccales. C’est notamment le cas dans les industries du bois, de la chimie ou de la métallurgie, où les solvants, poussières de bois ou métaux lourds sont omniprésents.
Selon l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), les travailleurs de ces secteurs ont un risque accru de développer des cancers de la bouche en raison d’une exposition prolongée à ces agents irritants et cancérigènes.
Les symptômes qui doivent alerter
Le cancer de la bouche est souvent silencieux à ses débuts, ce qui rend son dépistage précoce difficile. Pourtant, certains signes peuvent éveiller les soupçons.
- Plaies ou ulcères qui ne cicatrisent pas au bout de deux semaines : qu’elles soient douloureuses ou non, elles nécessitent une évaluation médicale.
- Douleurs persistantes dans la bouche ou la gorge : même légères, elles peuvent signaler une inflammation chronique ou des lésions anormales.
- Tâches blanches (leucoplasie) ou rouges (érythroplasie) : elles apparaissent sur les gencives, la langue ou la paroi buccale et sont souvent les premiers signes visibles d’un changement cellulaire suspect. Selon Santé Publique France, environ 25% des érythroplasies évoluent vers un cancer.
- Une difficulté à avaler (dysphagie) ou à parler : ces troubles peuvent survenir si le cancer atteint les tissus environnants.
- Une perte inexpliquée de dents ou un saignement buccal : ces anomalies peuvent indiquer une atteinte des gencives ou de l’os sous-jacent.
En cas de persistance de ces symptômes, une consultation médicale rapide s’impose. Une biopsie ou un examen approfondi réalisé par un ORL ou un dentiste peut permettre de poser un diagnostic.
Peut-on prévenir le cancer de la bouche ?
Adopter une bonne hygiène de vie
Le tabac et l’alcool étant les principaux facteurs de risque, réduire ou éliminer leur consommation est une priorité. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), arrêter de fumer pendant 10 ans permet de diviser par deux le risque de cancer de la bouche. La réduction de la consommation d’alcool, en particulier en excès, joue également un rôle clé.
De plus, une alimentation riche en fruits et légumes peut avoir un effet protecteur. Ces aliments sont riches en antioxydants et en vitamines, comme la vitamine C et le bêta-carotène, qui contribuent à renforcer les défenses de l’organisme contre les mutations cellulaires.
Vaccination contre le HPV
Le papillomavirus humain (HPV), en particulier le sous-type 16, est impliqué dans environ un quart des cas de cancer de la bouche. En France, la vaccination contre le HPV est recommandée pour les filles et les garçons dès l’âge de 11 ans. Depuis 2023, cette vaccination est gratuite et intégrée au calendrier vaccinal.
Les données montrent que cette vaccination réduit significativement les infections à HPV et, par conséquent, les cancers qui leur sont associés. Une étude menée en Suède a démontré que les femmes vaccinées contre le HPV présentaient une réduction de 88% du risque de développer des lésions précancéreuses. Bien que ces données concernent le col de l’utérus, elles illustrent l’impact global de la vaccination.
Consulter régulièrement un dentiste
Bien que ce ne soit pas le rendez-vous le plus attendu de l’année, il est important de consulter régulièrement un dentiste pour un dépistage précoce du cancer de la bouche. Une visite annuelle permet de repérer des lésions suspectes ou des anomalies qui pourraient passer inaperçues.
Selon Santé Publique France, près de 60% des cancers buccaux sont diagnostiqués à un stade avancé. Une détection précoce, grâce à une consultation régulière, peut donc sauver des vies. Rappelons-le : détecté à temps, le cancer de la bouche peut être guéri dans 9 cas sur 10.
À SAVOIR
Le CHU de Toulouse a initié le projet de recherche BIOFACE, réunissant médecins, chercheurs, universitaires et industriels. L’objectif : concevoir un biomatériau innovant pour reconstruire les os du visage des patients touchés par un cancer de la bouche.