Fièvre légère, courbatures, fatigue intense… Depuis quelques mois, la “grippe menstruelle” fait parler d’elle. Mais de quoi s’agit-il réellement ? Mythe médiatique, nouveau tabou brisé ou simple façon de nommer autrement des symptômes déjà identifiés par la science ? Décryptage.
Le terme « grippe menstruelle » circule largement dans les médias et sur TikTok. Il évoque cet état grippal que décrivent de nombreuses femmes au moment de leurs règles : douleurs diffuses, frissons, fatigue écrasante, parfois maux de gorge et écoulement nasal.
Pourtant, les médecins le rappellent, il ne s’agit pas d’une infection virale, ni d’une pathologie officiellement reconnue. Ce que l’on appelle ainsi correspond en réalité à une forme accentuée du syndrome prémenstruel (SPM) ou à des règles douloureuses, médicalement désignées sous le nom de dysménorrhée.
Autrement dit, la “grippe menstruelle” n’est pas une maladie nouvelle, mais une manière populaire de mettre un mot sur des symptômes déjà décrits depuis longtemps. Il s’agit surtout d’un « ressenti pseudo-grippal » qui revient de façon cyclique au moment des menstruations, et qui trouve ses racines dans des phénomènes hormonaux et inflammatoires bien connus.
Grippe menstruelle : un phénomène fréquent et souvent invalidant
Si le mot est nouveau, les chiffres, eux, parlent d’une réalité de longue date. Le syndrome prémenstruel concerne entre 20 et 40 % des femmes en âge de procréer, selon l’Inserm. Ses manifestations sont variables. Parfois simples inconforts, parfois douleurs sévères.
Les règles douloureuses sont encore plus fréquentes. Neuf femmes sur dix déclarent ressentir une douleur pendant leurs menstruations, et quatre sur dix parlent de douleurs modérées à sévères. Une enquête menée en France auprès de 953 adolescentes révélait même que 93 % d’entre elles souffraient de dysménorrhée, et que plus de 43 % avaient déjà manqué des cours à cause de leurs règles.
Grippe menstruelle : d’où vient cet état grippal ?
Les mécanismes biologiques en cause
D’où vient cette impression d’état grippal ? La réponse tient en grande partie dans le rôle des prostaglandines. Ces substances chimiques, produites en excès par l’endomètre au début des règles, favorisent les contractions de l’utérus et réduisent le flux sanguin. Elles expliquent les douleurs pelviennes, mais leur action dépasse largement l’appareil génital.
Les prostaglandines diffusent leurs effets dans tout l’organisme, provoquant :
- céphalées,
- myalgies,
- nausées,
- diarrhées,
- fatigue intense,
- malaise général que beaucoup décrivent comme “une grippe sans virus”.
Les travaux de recherche confirment l’existence de ce cortège de symptômes systémiques. Les revues médicales font état de douleurs musculaires et articulaires, de troubles digestifs, de perturbations du sommeil et d’une sensation de grande faiblesse généralisée au moment des règles. Rien d’étonnant, donc, à ce que certaines femmes parlent d’une grippe.
Quelles solutions pour soulager la “grippe menstruelle” ?
La première réponse repose sur des mesures simples. L’application de chaleur, qu’il s’agisse d’une bouillotte ou de patchs chauffants, a démontré son efficacité dans plusieurs études. Une méta-analyse a même montré que la chaleur pouvait réduire la douleur menstruelle de manière comparable à certains antalgiques, sans les effets secondaires.
L’activité physique régulière est également un levier puissant. Qu’il s’agisse de marche, de yoga ou de renforcement musculaire, l’exercice contribue à réduire l’intensité des symptômes et améliore le moral.
Lorsque ces approches ne suffisent pas, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), comme l’ibuprofène, restent la première option recommandée par l’Assurance maladie. Pris dès l’apparition des douleurs, ou même la veille des règles pour celles qui ont des cycles réguliers, ils agissent directement sur la production de prostaglandines et soulagent efficacement. Les spécialistes conseillent toutefois de respecter scrupuleusement les posologies et de consulter en cas de doute.
Trouble dysphorique prémenstruel : l’autre mal des règles
Quand les symptômes ne sont plus seulement physiques
Dans certains cas, la douleur n’est pas le seul problème. Des femmes présentent surtout des troubles de l’humeur, une irritabilité marquée, de l’anxiété ou des symptômes dépressifs sévères. On parle alors de trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), une forme particulièrement invalidante du syndrome prémenstruel qui concernerait entre 3 et 8 % des femmes.
Dans ces situations, les antidépresseurs de la famille des ISRS peuvent être proposés, parfois seulement pendant la deuxième moitié du cycle, avec une efficacité démontrée. Mais ce traitement relève évidemment d’une prescription médicale et d’un suivi spécialisé.
Quand consulter un médecin ?
Il est important de ne pas tout attribuer aux règles. Une fièvre persistante, des pertes inhabituelles, des saignements très abondants ou des douleurs qui ne cèdent pas aux anti-inflammatoires doivent alerter.
Dans ces cas, une consultation médicale est indispensable afin d’écarter d’autres causes comme l’endométriose, les fibromes ou l’adénomyose. L’Assurance maladie recommande également de consulter lorsque les douleurs entraînent un absentéisme régulier ou une altération majeure de la qualité de vie.
En toile de fond, un débat de société
Au-delà de la terminologie, la “grippe menstruelle” relance un débat plus large sur la place des règles dans la société française. En mars 2024, une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel a été rejetée en commission à l’Assemblée nationale. Le sujet n’est pourtant pas clos. Plusieurs universités, comme Angers ou Bordeaux-Montaigne, ont déjà mis en place des dispositifs permettant à leurs étudiantes de bénéficier de jours d’absence en cas de règles invalidantes.
Ces initiatives témoignent d’une prise de conscience progressive, alors même que la recherche rappelle l’ampleur du problème : 90 % des femmes souffrent, 40 % de manière sévère.
À SAVOIR
Selon l’Inserm, les douleurs menstruelles sont l’un des premiers motifs d’absentéisme scolaire et professionnel chez les jeunes femmes en France. Elles sont aussi régulièrement associées à des pathologies sous-diagnostiquées comme l’endométriose, qui toucherait environ 10 % des femmes en âge de procréer.