
Alors que le gouvernement propose de taxer les e-liquides dès 2026, le débat s’envenime. Encourager le vapotage pour réduire le tabagisme ou risquer de décourager ceux qui l’utilisent comme tremplin pour arrêter ? Médecins, associations et chercheurs s’inquiètent des effets d’un « signal » contradictoire dans la politique de santé publique.
Lorsque l’on fume depuis des années, changer n’est pas simple. Beaucoup se tournent aujourd’hui vers la cigarette électronique comme un outil de transition vers la cessation du tabac.
Mais le projet de loi de finances 2026 pourrait bouleverser ce chemin. L’État propose une taxe sur les e-liquides, qui pourrait ajouter entre 0,03 €/ml et 0,05 €/ml, selon le taux de nicotine. Soit une hausse de 0,30 à 0,50 € pour un flacon de 10 ml.
Le vapotage comme outil de sevrage : ce que dit la science
La science est plutôt favorable à l’idée que les e-cigarettes contenant de la nicotine augmentent les chances de cesser le tabac par rapport aux substituts classiques (patchs, gommes). Une revue systématique Cochrane (2025) s’appuie sur 90 essais, totalisant plus de 29 000 participants, et conclut que les utilisateurs d’e-cigarettes nicotinées réussissent davantage à arrêter le tabac pendant au moins six mois que ceux utilisant des substituts classiques.
Dans l’absolu, cela se traduit par un gain de 2 à 4 personnes de plus sur 100 qui abandonneraient le tabac, comparé à la thérapie nicotinique conventionnelle. Cependant, les études restent encore limitées pour évaluer les effets à très long terme de la cigarette électronique et les usages mixtes (continuer de fumer tout en vapotant).
Par ailleurs, l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), datant de 2014, reconnaissait déjà que la cigarette électronique pourrait être considérée comme un aide au sevrage pour des fumeurs désireux d’arrêter, tout en soulignant que cette solution ne devait pas être présentée comme sans risques pour tous.
La proposition de taxe sur la vape : ce qu’elle prévoit
Dans le projet de loi de finances, le gouvernement propose de taxer tous les e-liquides, qu’ils soient nicotinés ou non. Le système prévu : 0,03 €/ml pour les e-liquides jusqu’à 15 mg/ml, et 0,05 €/ml au-delà.
Concrètement, un flacon de 10 ml contenant un taux élevé de nicotine pourrait voir son prix augmenter de 0,50 € dans le pire des cas. Le gouvernement mentionne aussi des mesures complémentaires : interdiction possible de la vente en ligne des produits du vapotage pour les particuliers et recadrage du statut des boutiques spécialisées. La mise en œuvre de ces dispositions est annoncée courant 2026, si le texte est définitivement adopté.
Cigarette électronique : la taxation, un frein au sevrage ?
Taxation des e-liquides : un signal paradoxal
Taxer la cigarette électronique, c’est avant tout poser un dilemme de santé publique. Depuis plusieurs années, les autorités sanitaires françaises reconnaissent que la vape peut jouer un rôle dans la réduction des risques liés au tabac. Elle est utilisée par une partie des fumeurs pour arrêter ou diminuer leur consommation de cigarettes classiques, tout en conservant l’apport nicotinique.
Mais la perspective d’une nouvelle taxe soulève une question de cohérence. Comment inciter les fumeurs à passer à un outil de sevrage si cet outil devient plus cher ? Une hausse, même légère, peut être perçue comme une forme de contradiction. D’un côté, on encourage le sevrage par le vapotage ; de l’autre, on augmente le coût d’accès à ce moyen de substitution.
Le risque est d’envoyer un signal brouillé à une population déjà fragile face à la dépendance. Dans un contexte où près d’un quart des vapoteurs en France viennent de milieux modestes, selon Santé publique France, la dimension économique reste un levier majeur de motivation. Si la vape perd son avantage financier par rapport au tabac, son attractivité pourrait s’affaiblir, surtout chez les fumeurs hésitants.
Taxe sur la vape : le coût pour l’usager régulier
Concrètement, la taxe envisagée dans le projet de loi de finances représenterait entre 0,03 € et 0,05 € par millilitre, soit 0,30 à 0,50 € par flacon de 10 ml selon la teneur en nicotine. Pour un utilisateur régulier consommant environ 60 ml par mois, cela équivaudrait à 1,80 à 3,00 € supplémentaires.
Ce montant peut sembler marginal, mais il s’ajoute à une dépense mensuelle déjà non négligeable. Le prix moyen d’un flacon se situe aujourd’hui entre 5 et 7 €, auxquels s’ajoute la TVA à 20 %. Cette accumulation de coûts, dans un contexte d’inflation persistante, risque de réduire la marge de manœuvre des usagers les plus dépendants.
Le rapport économique entre la vape et le tabac est donc central. Aujourd’hui, vapoter coûte en moyenne deux à trois fois moins cher que fumer un paquet de cigarettes par jour. Si la différence de prix se réduit, la motivation économique, souvent citée comme principale raison d’abandon du tabac, pourrait disparaître.
Taxer le e-liquide : un risque de retour au tabac
L’un des effets pervers les plus redoutés est celui du retour au tabac. Si le vapotage devient moins accessible financièrement, une partie des ex-fumeurs pourrait se tourner de nouveau vers la cigarette traditionnelle, dont le coût reste plus élevé mais dont la satisfaction nicotinique est immédiate.
Des études étrangères, notamment britanniques, montrent que les politiques fiscales trop contraignantes sur la vape peuvent freiner les tentatives de sevrage ou conduire à une stagnation des taux d’arrêt.
Au Royaume-Uni, où la cigarette électronique est intégrée aux stratégies de santé publique, l’absence de taxation spécifique a contribué à maintenir la vape comme outil privilégié de sortie du tabac.
À l’inverse, dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, la hausse des taxes a été suivie d’une reprise du tabagisme dans certaines tranches de la population. Si un phénomène similaire se produisait en France, la mesure fiscale pourrait s’avérer contre-productive à long terme. Elle réduirait le nombre de vapoteurs, mais pas nécessairement celui des fumeurs.
L’impact sur les jeunes et la prévention
L’autre dimension du débat concerne les jeunes, dont le vapotage progresse depuis plusieurs années. Les enquêtes de Santé publique France montrent qu’en 2023, plus de 20 % des jeunes de 17 ans avaient déjà expérimenté la cigarette électronique, souvent via des produits sucrés ou aromatisés comme les puffs, aujourd’hui interdites.
Dans ce contexte, la taxe pourrait avoir un effet dissuasif sur les plus jeunes consommateurs, en rendant les e-liquides moins abordables. Toutefois, les experts s’accordent sur un point, la fiscalité seule ne suffit pas à prévenir l’initiation. L’encadrement de la publicité, le contrôle des ventes en ligne, la limitation des arômes et la vérification stricte de l’âge à l’achat restent des leviers plus efficaces pour protéger les mineurs.
L’équilibre est donc délicat. Il s’agit de freiner l’accès au vapotage chez les jeunes sans pénaliser les fumeurs adultes qui l’utilisent pour réduire ou cesser leur consommation de tabac.
À SAVOIR
En France, 8,3 % des adultes vapotent, dont 6,1 % chaque jour, selon le dernier Baromètre de Santé publique France (2023). La majorité des utilisateurs choisissent encore des e-liquides contenant de la nicotine, souvent dans une démarche de sevrage tabagique. Ces chiffres s’inscrivent dans un contexte où le tabac cause près de 75 000 décès chaque année, ce qui en fait la première cause de mortalité évitable dans le pays. Autant dire que la place du vapotage dans la lutte contre le tabac reste un enjeu majeur de santé publique.








C’est quoi cette article?
Des études commencent à prouver que le vapotage est aussi voir plus dangereux que la cigarette, surtout en fonction des produits qui sont utilisés comme liquide…
J’ai l’impression de revenir dans les années 70 avec la cigarette qui disait que c’était bon pour la santé…
Ma Santé a déjà publié plusieurs articles consacrés à la dangerosité probable des cigarettes électroniques et aux études qui la mettent en lumière. Vous êtes libre de votre interprétation, mais je vous invite à relire cet article pour dissiper toute confusion : ce sujet ne prend aucunement position en faveur de la cigarette électronique autrement que comme “un outil de transition vers l’arrêt du tabac”.
La rédaction de Ma Santé
En gros ça revient à dire, tuons les gens à coup de colère pour éviter que la peste progresse…