Un enfant qui tient la main de chacuns de ses deux parents.
En France, la DREES (2023) confirme que le dialogue et la cohérence émotionnelle favorisent des enfants plus équilibrés, empathiques et résilients. © Freepik

Dans l’éducation, un slogan revient souvent : « Connais-toi toi-mĂȘme ». Et si cette maxime s’appliquait aussi Ă  notre rĂŽle de parent ? Il existe en effet quatre grands styles parentaux (dĂ©mocratique, autoritaire, permissif et dĂ©sengagĂ©) chacun ayant des repĂšres bien distincts et des effets variĂ©s sur le dĂ©veloppement de l’enfant. Alors, quel type de parent ĂȘtes-vous, et surtout, qu’est-ce que ça veut dire pour vos enfants ?

Être parent ne se rĂ©duit pas Ă  dire « oui » ou « non ». Cela implique un faisceau de choix, d’interactions, de rĂ©gulations, de soutien mais aussi d’exigences. Depuis les travaux de la psychologue amĂ©ricaine Diana Baumrind (1960-70) et la complĂ©tion de sa typologie par Eleanor Maccoby et John Martin (1983), quatre grands « styles parentaux » ont Ă©tĂ© dĂ©finis : dĂ©mocratique (ou « autoritatif »), autoritaire, permissif (indulgent) et dĂ©sengagĂ© (un-involved ou nĂ©gligent). 

En France, ces modÚles sont largement utilisés pour aider les parents à se situer et à réfléchir à leur posture éducative.

Le parent dĂ©mocratique, ou l’équilibre entre cadre et Ă©coute

S’il fallait retenir un “idĂ©al” Ă©ducatif, ce serait celui-lĂ . Le parent dĂ©mocratique (ou autoritatif) est celui qui combine le mieux cadre et chaleur. Il fixe des rĂšgles, exige des efforts, mais reste Ă  l’écoute des Ă©motions de son enfant. Il ne cherche pas Ă  imposer, mais Ă  convaincre, Ă  expliquer, Ă  co-construire, ce qui se rapproche des bases de l’Ă©ducation Montessori. ConcrĂštement, c’est un parent qui pourrait dire : « Oui, tu peux ĂȘtre en colĂšre. Mais frapper n’est pas une solution. On va chercher ensemble comment faire autrement. »

Il sait poser des limites, mais les justifie, il encourage la discussion et donne Ă  l’enfant la possibilitĂ© de participer, sans lui abandonner les rĂȘnes. Les enfants Ă©levĂ©s dans ce climat sont, selon plusieurs Ă©tudes, plus autonomes, plus sociables et mieux armĂ©s pour gĂ©rer leurs Ă©motions. Une recherche de Lamborn, Mounts, Steinberg et Dornbusch (Child Development, 1991) montre qu’ils prĂ©sentent aussi de meilleurs rĂ©sultats scolaires et une estime de soi plus solide. 

En revanche, ce style demande une posture exigeante. il ne s’agit pas de tout autoriser, ni d’imposer brutalement. Il s’agit de cohĂ©rence. Les psychologues parlent d’« autoritĂ© douce ». Celle qui sĂ©curise, pas celle qui Ă©crase. 

Le parent autoritaire, quand le contrĂŽle prend le dessus

À l’opposĂ©, le parent autoritaire place la discipline au cƓur de l’éducation. Ici, l’obĂ©issance est une valeur cardinale. Ce parent aime l’ordre, les rĂšgles, la hiĂ©rarchie. Son credo : « Un enfant doit apprendre Ă  Ă©couter avant de discuter. »

L’intention, souvent, n’est pas mauvaise. Ces parents veulent bien faire et prĂ©parer leur enfant Ă  la vie, lui inculquer le respect, lui Ă©viter les erreurs. Mais dans cette logique, l’émotion et la parole libre sont parfois Ă©touffĂ©es.

Ce modĂšle, encore courant en France, produit des enfants capables de se conformer aux attentes, mais qui dĂ©veloppent souvent une faible confiance en eux et une plus grande peur de l’échec.

Une mĂ©ta-analyse de M. Pinquart (2017, Developmental Psychology) rĂ©vĂšle que les enfants Ă©levĂ©s dans un contexte autoritaire peuvent prĂ©senter davantage de troubles anxieux ou de comportements agressifs. Ce n’est pas l’autoritĂ© qui pose problĂšme, mais la maniĂšre de l’exercer. Sans dialogue, sans explication, elle devient une contrainte plus qu’un repĂšre.

Les experts recommandent de nuancer. Être autoritaire ne signifie pas ĂȘtre malveillant. Beaucoup de parents issus de gĂ©nĂ©rations oĂč « il fallait obĂ©ir » reproduisent ce modĂšle sans s’en rendre compte. Le reconnaĂźtre, c’est dĂ©jĂ  une Ă©tape vers plus d’équilibre.

Le parent permissif, ou le rÚgne de la liberté

Le parent permissif est celui qui dit souvent « oui ». Affectueux, comprĂ©hensif, prĂ©sent, il privilĂ©gie l’amour au cadre, l’écoute au contrĂŽle. Il valorise l’autonomie, parfois jusqu’à laisser l’enfant dĂ©cider de tout : des repas, du coucher, des devoirs


Ce type de parent cherche Ă  Ă©viter le conflit, souvent parce qu’il a lui-mĂȘme souffert d’une Ă©ducation trop dure. Son objectif est surtout de ne pas reproduire. Mais Ă  force de vouloir protĂ©ger, il finit parfois par dĂ©sarmer. L’enfant Ă©volue alors dans un environnement plein d’amour, mais sans repĂšres stables. Il peine Ă  accepter les frustrations, Ă  respecter l’autoritĂ© extĂ©rieure (Ă  l’école, dans la sociĂ©tĂ©), ou Ă  gĂ©rer les contraintes.

Les travaux de Steinberg et Lamborn (1991) montrent que les enfants de parents permissifs dĂ©veloppent une bonne estime d’eux-mĂȘmes, mais une moindre autorĂ©gulation et une impulsivitĂ© plus forte. Pour ces parents, l’important est de nuancer leur Ă©ducation. Poser un cadre n’annule pas la tendresse. Au contraire, c’est une forme de sĂ©curitĂ©. Dire non, c’est aussi aimer.

Le parent dĂ©sengagĂ©, l’absence de repĂšres

C’est le style le plus prĂ©occupant du point de vue du dĂ©veloppement de l’enfant. Le parent dĂ©sengagĂ© (ou « nĂ©gligent ») combine faible exigence et faible implication Ă©motionnelle. Non pas toujours par indiffĂ©rence, mais souvent par Ă©puisement, similaire Ă  un burn-out parental, par contraintes sociales ou psychologiques : charge mentale, isolement, dĂ©pression, difficultĂ©s Ă©conomiques.

Ce parent est prĂ©sent physiquement, mais absent Ă©motionnellement. L’enfant se retrouve seul face Ă  ses besoins, sans vĂ©ritable guide. Et, les consĂ©quences peuvent ĂȘtre lourdes. 

Selon Hoeve et al. (Journal of Abnormal Child Psychology, 2009), ce style parental est associĂ© Ă  un risque plus Ă©levĂ© de dĂ©crochage scolaire, de troubles du comportement, d’isolement social et de consommations Ă  risque Ă  l’adolescence.

Mais il faut le dire avec prudence. Le dĂ©sengagement n’est pas toujours un choix. Certains parents manquent de ressources, de relais, de soutien. Les politiques familiales, en France, tentent justement de prĂ©venir ces situations, via les espaces parents, les rĂ©seaux d’écoute et d’accompagnement Ă  la parentalitĂ©.

Ces quatre profils ne sont pas des boĂźtes rigides. Dans la rĂ©alitĂ©, aucun parent n’est 100 % dĂ©mocratique ou autoritaire. Nous oscillons, selon les jours, entre patience et lassitude, Ă©coute et fermetĂ©. Ce modĂšle sert avant tout Ă  prendre conscience de nos tendances, pas Ă  nous juger.

Le psychologue amĂ©ricain Laurence Steinberg rappelait que le style parental est une dynamique, pas une identitĂ©. Il Ă©volue selon le contexte, le stress, l’ñge de l’enfant. Une mĂšre cĂ©libataire fatiguĂ©e, par exemple, peut devenir plus permissive temporairement. Un pĂšre stressĂ© par le travail peut durcir son ton sans le vouloir. L’enjeu, c’est la cohĂ©rence dans le temps. Que l’enfant comprenne les rĂšgles, les raisons, et sente la constance affective derriĂšre les mots.

Le test

On ne naßt pas parent, on le devient, souvent au fil des erreurs, des doutes et des tendresses. Ce petit test, inspiré des recherches de la psychologue Diana Baumrind, vous invite à observer vos réflexes éducatifs avec douceur et curiosité. Répondez le plus spontanément possible, sans suranalyser.

1. Quand votre enfant s’oppose à vous


A. Vous cherchez Ă  comprendre ses raisons avant de trancher.
B. Vous tenez bon : une rĂšgle est une rĂšgle.
C. Vous laissez passer, car le conflit vous épuise.
D. Vous ne réagissez pas vraiment, vous préférez éviter les tensions.

2. Lorsqu’il rentre de l’école en pleurant


A. Vous l’écoutez, le consolez, puis l’aidez Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  la suite.
B. Vous cherchez d’abord à savoir ce qu’il a fait de mal ou de bien, pour le recadrer.
C. Vous le réconfortez, mais ne cherchez pas à analyser la situation.
D. Vous minimisez : « Ce n’est pas si grave, tu verras demain. »

3. Le soir, quand il rĂ©clame “encore cinq minutes” avant de dormir


A. Vous acceptez parfois, en expliquant pourquoi c’est exceptionnel.
B. Vous refusez immédiatement : il doit apprendre à respecter les horaires.
C. Vous cĂ©dez souvent : ce n’est pas dramatique, aprĂšs tout.
D. Vous laissez faire, il se couchera quand il voudra.

4. Quand il fait une bĂȘtise


A. Vous restez calme et transformez le moment en apprentissage.
B. Vous sanctionnez : il doit comprendre les conséquences de ses actes.
C. Vous relativisez : ça arrive à tout le monde, inutile d’en faire un drame.
D. Vous évitez le sujet, pour ne pas créer de tension.

5. En tant que parent, vous ressentez le plus souvent


A. De la fiertĂ© et le dĂ©sir d’accompagner avec justesse.
B. Un fort sens du devoir et de la responsabilité.
C. Beaucoup d’amour, mais aussi un sentiment de culpabilitĂ©.
D. De la fatigue, et parfois l’impression d’ĂȘtre dĂ©passĂ©(e).

Les résultats :

Majorité de A : le parent démocratique

Vous incarnez l’équilibre entre cadre et bienveillance. Vous Ă©coutez, expliquez, nĂ©gociez quand c’est utile, sans renoncer Ă  votre autoritĂ©. Votre enfant se sent entendu, respectĂ© et guidĂ©. Votre force : la constance dans la douceur.

Majorité de B : le parent autoritaire

Vous ĂȘtes un parent exigeant, attachĂ© Ă  la discipline et au respect. Vous souhaitez transmettre des repĂšres solides, parfois au dĂ©triment de l’écoute Ă©motionnelle. Votre intention est bonne, mais un peu de souplesse pourrait renforcer le lien de confiance avec votre enfant. L’autoritĂ© n’exclut pas la tendresse : elle s’en nourrit.

Majorité de C : le parent permissif

Votre maison respire la douceur et la complicitĂ©. Vous aimez profondĂ©ment vos enfants, au point de craindre de les contrarier. Mais trop de libertĂ© peut crĂ©er une forme d’insĂ©curitĂ©. Les enfants ont besoin de limites pour se sentir protĂ©gĂ©s. Essayez d’introduire des rĂšgles simples, claires, expliquĂ©es avec bienveillance : cela renforcera leur autonomie et votre sĂ©rĂ©nitĂ©.

Majorité de D : le parent désengagé (ou épuisé)

Vous n’ĂȘtes pas indiffĂ©rent, simplement Ă  bout de souffle. Entre la charge mentale, le travail et les imprĂ©vus du quotidien, il reste parfois peu d’énergie pour « tout gĂ©rer ». Mais un enfant, mĂȘme silencieux, a besoin de sentir votre prĂ©sence Ă©motionnelle. 

Reprendre contact, c’est parfois juste un dĂźner partagĂ©, un mot doux avant de dormir, ou dix minutes de jeu. Et si vous sentez que le poids est trop lourd, des espaces d’écoute existent : PMI, CAF, rĂ©seaux d’aide Ă  la parentalitĂ©.

En France, la maniĂšre d’ĂȘtre parent s’inscrit aussi dans un hĂ©ritage culturel. Les sociologues Jean Kellerhals et Caroline Montandon (L’AnnĂ©e sociologique, 2018) ont montrĂ© que la « bonne Ă©ducation » française oscille entre deux modĂšles :

  • la tradition de l’autoritĂ© (hĂ©ritĂ©e du XIXe siĂšcle) 
  • et la montĂ©e du dialogue (inspirĂ©e de la psychologie moderne).

Aujourd’hui, la plupart des parents cherchent un Ă©quilibre. Ni la sĂ©vĂ©ritĂ© d’hier, ni le laxisme d’aujourd’hui parfois pointĂ© du doigt. Le mouvement de la parentalitĂ© positive, soutenu par l’UNICEF et le ministĂšre des SolidaritĂ©s, encourage cette voie mĂ©diane, centrĂ©e sur l’écoute, la reconnaissance Ă©motionnelle et la responsabilisation.

Changer de posture ne signifie pas se transformer du jour au lendemain. Cela passe par de petites dĂ©cisions quotidiennes. Commencer par Ă©couter sans interrompre, puis poser un cadre clair. Remplacer « Tu obĂ©is parce que je te le dis » par « VoilĂ  pourquoi c’est important ».

Encourager, valoriser les efforts, reconnaĂźtre les Ă©motions. C’est le cƓur de la parentalitĂ© bienveillante, mais pas permissive. Les professionnels rappellent un principe clĂ© : un enfant qui se sent entendu obĂ©it mieux. L’autoritĂ© ne s’oppose pas Ă  l’amour ; elle s’appuie dessus.

À SAVOIR

D’aprĂšs une Ă©tude de l’UniversitĂ© de Leipzig, le style parental peut influencer la personnalitĂ© future de l’enfant
 mais aussi son ordre de naissance ! Les chercheurs ont observĂ© que les aĂźnĂ©s Ă©levĂ©s dans un cadre dĂ©mocratique avaient plus souvent des traits de leadership et d’organisation, tandis que les cadets issus de familles permissives se montraient plus crĂ©atifs, mais moins disciplinĂ©s.

Inscrivez-vous Ă  notre newsletter
Ma Santé

Article précédentFaire craquer ses doigts : est-ce vraiment dangereux pour la santé ?
Article suivantJ’ai mal partout : pourquoi mon corps me lñche sans raison apparente ?
Marie Briel
Journaliste Ma SantĂ©. AprĂšs un dĂ©but de carriĂšre en communication, Marie s’est tournĂ©e vers sa vĂ©ritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma SantĂ©, elle se spĂ©cialise dans le domaine de l'information mĂ©dicale pour rendre le jargon de la santĂ© (parfois complexe) accessible Ă  tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaĂźt entrez votre commentaire!
S'il vous plaĂźt entrez votre nom ici