Un homme qui souffre d'une perte soudaine de la vision et qui se demande si ce n'est pas un AVC oculaire.
L’hypertension multiplie par 4 le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et favorise les occlusions rétiniennes. © Freepik

Une vision qui s’éteint d’un seul coup, sans douleur, sans rougeur, comme si un rideau tombait. C’est le scénario typique de l’AVC oculaire, encore appelé occlusion de l’artère centrale de la rétine. Une urgence silencieuse qui, en quelques heures, peut rendre aveugle. Comment la reconnaître ? Et surtout, comment agir rapidement ?

Cela commence souvent par une gêne légère. Puis soudain, la lumière s’efface d’un œil. Le monde devient flou, puis noir. L’œil ne fait pas mal. Vous clignez, vous attendez, rien ne revient.  

Les ophtalmologistes savent que cette perte de vision brutale est souvent le signe d’un AVC oculaire, une urgence encore mal connue du grand public. En France, on estime à plusieurs milliers les cas d’occlusion de l’artère rétinienne chaque année, principalement chez les plus de 55 ans, mais pas uniquement. L’événement est rare, certes, mais lourd de conséquences. Au-delà de quatre heures, les chances de récupérer une vision correcte chutent drastiquement.

Médicalement, il s’agit d’une occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR). Un petit caillot vient obstruer le vaisseau qui alimente la rétine en sang. Privées d’oxygène, ses cellules meurent en quelques minutes. Alors, la vision chute, parfois jusqu’à la cécité complète.

Selon la Société Française d’Ophtalmologie (SFO), cette pathologie est l’équivalent, pour l’œil, d’un infarctus du myocarde. Et comme pour le cœur ou le cerveau, le temps est l’ennemi.

Une perte de vision brutale, souvent d’un seul œil

C’est le symptôme le plus frappant : une perte de vision soudaine, indolore et unilatérale. Tout bascule en quelques secondes ou quelques minutes. Certains conservent une perception lumineuse ; d’autres voient littéralement “noir”. 

Et c’est là tout le piège : rien ne fait mal, rien ne pousse à courir à l’hôpital, pourtant, chaque minute compte.

Une vision partielle, “comme un rideau”

Parfois, l’occlusion ne concerne qu’une branche de l’artère rétinienne. La vision n’est pas totalement perdue, mais une partie du champ visuel disparaît et devient floue. Certains patients évoquent “une ombre fixe”, “une bande sombre” ou “un rideau” tombé devant un œil.

Ce phénomène correspond à une zone de la rétine privée de sang, donc d’image. Le site de la SFO évoque une amputation du champ visuel souvent horizontale, typique des occlusions de branche.

Un œil calme, sans rougeur ni douleur

Contrairement à une infection, une conjonctivite ou un glaucome aigu, l’œil reste d’un calme déroutant. Pas de picotement, pas de rougeur, pas de larme. C’est souvent ce calme apparent qui pousse à attendre. Or la fenêtre thérapeutique est courte. Moins de 4 h 30 pour espérer une récupération, selon la SFO. 

À l’examen, le médecin observe souvent que la pupille de l’œil atteint réagit mal à la lumière. Ce “défaut photomoteur” est un signe clinique classique d’occlusion artérielle.

La rétine est une extension du cerveau. Ses cellules ont besoin d’un apport constant en oxygène et en glucose. L’artère centrale qui les nourrit est minuscule, mais essentielle. Quand un caillot la bouche (souvent en raison d’un problème cardiaque, d’une plaque d’athérome ou d’un trouble de la coagulation) le flux s’interrompt net.

La Société Française de Neuro-Ophtalmologie (SFNO) rappelle que « la rétine ne supporte pas plus de quelques dizaines de minutes d’ischémie complète ». Au-delà, les lésions deviennent irréversibles.

C’est pourquoi les médecins parlent d’urgence vasculaire autant qu’ophtalmologique. Un AVC de l’œil doit être traité comme un AVC du cerveau.

L’urgence derrière le symptôme

Dans la majorité des cas, la vision ne revient pas totalement, même avec un traitement. Les chiffres varient selon les études, mais la plupart des patients conservent une baisse visuelle importante après une OACR.

Les spécialistes insistent : il ne s’agit pas seulement de “sauver un œil”. L’occlusion artérielle rétinienne est souvent le premier signal d’un trouble vasculaire plus profond : hypertension, diabète, excès de cholestérol, fibrillation auriculaire.

Selon l’Inserm, près d’un tiers des patients ayant présenté une occlusion rétinienne présentent également une atteinte carotidienne ou un risque d’AVC cérébral. Autrement dit, un AVC oculaire n’est pas qu’un problème de vision, c’est un symptôme sentinelle.

AVC oculaire : comment réagir ?

La règle, c’est l’urgence. Une perte de vision soudaine d’un seul œil doit être considérée exactement comme un accident vasculaire cérébral. Pas question d’attendre que “ça passe”. Dans ce type de situation, chaque minute compte.

Dès l’apparition du symptôme (vision floue, champ visuel amputé ou disparition complète de la vue d’un œil) il faut composer immédiatement le 15 (Samu). Le régulateur oriente vers une unité neurovasculaire (UNV) ou un service d’ophtalmologie hospitalier capable de réaliser les examens en urgence : fond d’œil, tomographie rétinienne (OCT) et imagerie des vaisseaux.

Les premières heures : des gestes d’urgence encadrés

Selon la Société Française d’Ophtalmologie, la prise en charge doit intervenir dans les 4 h 30 suivant les premiers signes. C’est le seuil au-delà duquel les chances de récupération chutent fortement.

En milieu hospitalier, plusieurs gestes peuvent être tentés :

  • Massage oculaire doux : il consiste à appliquer une pression intermittente sur le globe oculaire (sous contrôle médical) pour tenter de déplacer le caillot et rétablir un flux sanguin partiel dans l’artère centrale.
  • Baisse de la pression intraoculaire : les médecins utilisent parfois des médicaments spécifiques (comme l’acétazolamide) pour diminuer la pression dans l’œil et faciliter la reperfusion.
  • Inhalation d’oxygène pur ou oxygénothérapie hyperbare : dans certains centres spécialisés (Marseille, Brest, Lyon), des séances en caisson hyperbare sont proposées. L’objectif est d’augmenter la quantité d’oxygène disponible dans le sang pour nourrir temporairement la rétine ischémique.
  • Injection d’agents fibrinolytiques : dans quelques hôpitaux universitaires (notamment Lille et Paris), une thrombolyse (traitement comparable à celui des AVC cérébraux) peut être envisagée dans des conditions très précises et sous contrôle neurovasculaire.

Ces gestes ne garantissent pas le retour de la vision, mais ils peuvent limiter la gravité des séquelles si la prise en charge est très rapide.

Après l’urgence : comprendre et prévenir

Passé ce délai critique, l’objectif n’est plus seulement de sauver l’œil, mais d’éviter qu’un autre événement ne survienne. Un bilan cardiovasculaire complet est alors systématiquement prescrit : mesure de la tension artérielle, électrocardiogramme, dosage du cholestérol, glycémie, et échographie des artères carotides pour rechercher une plaque d’athérome.

Le médecin peut recommander :

Plusieurs études françaises montrent que les personnes touchées par une occlusion de l’artère rétinienne présentent fréquemment des anomalies cardiovasculaires ou carotidiennes associées.

À SAVOIR 

En France, près de 17 millions de personnes vivent avec au moins un facteur de risque cardiovasculaire (hypertension, diabète, excès de cholestérol ou tabagisme). L’hypertension artérielle est le plus fréquent : elle touche environ 30 % des adultes, souvent sans qu’ils le sachent, car elle ne provoque aucun symptôme dans la majorité des cas. C’est pourtant l’un des principaux facteurs de risque d’AVC, d’infarctus du myocarde et d’insuffisance cardiaque.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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