Internet sous la couette, les liaisons dangereuses… Smartphones, tablettes, ordinateurs, les écrans et Internet ont envahi notre vie, bouleversant nos manières de travailler, d’occuper notre temps libre, et jusqu’à nos pratiques sexuelles. Est-ce une bonne chose, ou faut-il s’en inquiéter ? Éléments de réponse avec Christian Esthor, sexothérapeute à Lyon (Rhône).
En matière de sexe, un nouveau partenaire s’est glissé dans nos lits : Internet. Avec à la clé une foule de répercussions ayant entraîné une véritable évolution sociétale en matière de pratiques sexuelles, à laquelle tout le monde n’est pas forcément bien préparé.
Sur le papier, les élèves de primaire, collège et lycée sont censés recevoir trois cours d’éducation sexuelle chaque année à l’école, pour parler intimité, prévenir les MST, lutter contre l’homophobie… Dans la réalité, on est loin du compte. Est-ce pour cela qu’Internet a pris le relais ? Toujours est-il que les 15-25 ans s’informent sur la sexualité par leurs propres moyens : 64% principalement grâce à Internet, les réseaux sociaux (Google, Instagram, Tik Tok et YouTube) et la pornographie. C’est le résultat d’une enquête menée par la Fondation Ramsay santé en partenariat avec Jam by June (janvier 2023).
Si cette enquête reflète probablement la réalité, elle ne dit pas tout. Et notamment que le phénomène commence bien plus tôt. « Une proportion phénoménale d’enfants ont déjà eu accès à la pornographie », alerte Christian Esthor, sexothérapeute à Lyon. « Le problème, c’est la question du discernement : le plus souvent, ils sont incapables de voir la différence entre ce qu’ils vont voir sur un écran et la vie réelle. Ils n’ont pas ce discernement qui leur permettrait de voir que ce sont des acteurs. Par ailleurs, certains vont être tentés de se comparer aux acteurs. »
La pornographie, un exemple à (ne pas) suivre
« La pornographie a beaucoup évolué ces quinze dernières années. Avant, il y avait a minima une recherche d’histoire. Aujourd’hui, les films n’ont qu’une obsession : répondre à une demande pulsionnelle. Les spectateurs regardent des micro-scènes qui sont là pour répondre à un fantasme, à une pulsion. Les corps sont morcelés, observés en gros plans. Par ailleurs, il y a une surenchère. Le côté humain a disparu », déplore Christian Esthor. Plus très net, le sexe sur le net…
« Avec les jeunes adultes, avoir un accès illimité, dans le virtuel, à leurs fantasmes potentiels, crée parfois un décalage avec le ou la partenaire. » Tout simplement parce que la personne peut alimenter un fantasme qui pourra ne pas convenir à l’autre, ce qui peut entraîner de la frustration.
À trop consommer dans le virtuel, là encore, peut se poser la question du discernement : on pense que tout le monde le fait. Cela peut aussi donner envie à certains d’aller « droit au but », en esquivant les préliminaires. « Chez les jeunes femmes, on peut parfois observer un sur-jeu, dans les cris, les paroles. »
Sexe sur le net : pas que du négatif…
« Il y a aussi des côtés plus positifs », reconnaît Christian Esthor. « Je le constate chaque jour dans mon cabinet, les couples sont plus ouverts à de nouvelles pratiques. Ils ne passent pas toujours à l’acte, mais cela a le bénéfice d’amener du dialogue, de la communication. Pour certaines personnes, la pornographie peut venir enrichir l’univers érotique, à condition bien sûr que ce soit partagé et consenti entre les deux partenaires. Certains vont prendre plaisir à regarder des vidéos de ce type en faisant l’amour. » Éjaculation faciale, fellation, sodomie… Chez certains, la pornographie a permis d’élargir le répertoire sexuel.
Internet, c’est aussi les sites de rencontres, qui permettent à un nombre croissant d’hommes et de femmes de trouver une histoire d’un soir ou, parfois, de toute une vie. Ce sont aussi les réseaux sociaux, Instagram ou Tik Tok, qui permettent d’aller chercher des informations quand, parfois, il peut être compliqué de les demander à des amis, sa famille ou un professionnel de santé. « Cela peut être positif. Mais le problème des réseaux sociaux, c’est que tout le monde peut s’exprimer, donner son point de vue, qui ne sera pas forcément objectif. » Y compris donc des personnes n’ayant aucune qualification dans le domaine, ce qui devrait inciter à un minimum de vigilance avant de lire ce genre de contenus, et ne pas tout prendre pour une vérité incontestable.
À SAVOIR
Pourquoi je n’arrive pas à bander au moment de la pénétration ? A quel âge peut-on commencer à faire l’amour ? C’est grave d’envoyer des nudes ? C’est pour répondre à ces questions, et à bien d’autres, qu’a été créé le site www.onsexprime.fr. Un lieu sans tabou, mais plein de bienveillance, « pour avoir toutes les réponses aux questions qu’on n’ose pas poser. » Un site à conseiller aux adolescents.