Une femme âgée assise seule à table avec une tasse de thé.
Après 70 ans, les cancers sont responsables de 58,9 % des décès chez les hommes et de 67 % des décès chez les femmes. © Adobe Stock

On entend souvent que les cancers seraient moins agressifs chez les personnes âgées. Cette idée, parfois rassurante, mérite toutefois d’être nuancée. Alors, info ou intox ? Éléments de réponse. 

En matière de cancer, l’âge joue un rôle majeur. Si l’on sait que le risque de développer un cancer augmente avec les années, une question intrigue : les cancers progressent-ils différemment chez les personnes âgées ? 

Alors même que le cancer est la première cause de mortalité en France, certaines études suggèrent que certaines tumeurs pourraient proliférer plus lentement avec l’âge. Ce qui pourrait laisser penser que le vieillissement pourrait, dans certains cas, ralentir leur progression.

Selon l’Institut National du Cancer (INCa), 35 % des cancers détectés chez les seniors progressent lentement et nécessitent une surveillance plutôt qu’un traitement immédiat. Mais qu’en est-il vraiment ? Vieillesse et cancer forment un duo complexe, où les mécanismes biologiques, le système immunitaire et même l’environnement des cellules sont des facteurs aggravants. 

L’usure de l’ADN au fil du temps

Vieillir est le principal facteur de risque de cancer. Les chiffres sont sans appel : selon l’Institut National du Cancer (INCa), environ 60 % des nouveaux cas de cancer concernent des personnes âgées de 65 ans et plus. Et ce phénomène s’explique par plusieurs mécanismes biologiques, dont l’évolution de notre ADN.

Chaque jour, notre ADN subit des agressions : pollution, rayons UV, alimentation, tabac… Si notre organisme dispose de mécanismes pour réparer ces dommages, ils deviennent moins efficaces avec le temps. Ainsi, les mutations génétiques s’accumulent dans nos cellules et peuvent, à terme, provoquer une dérégulation. Cette dérégulation peut transformer une cellule normale en cellule cancéreuse.

Un système immunitaire moins performant

Le système immunitaire est l’élément central dans la lutte contre le cancer à l’échelle individuelle. Il détecte et détruit les cellules anormales avant qu’elles ne se multiplient.

Avec l’âge, nos défenses perdent en efficacité, un phénomène appelé immunosénescence. Les “soldats” du système immunitaire, comme les lymphocytes T, utiles à la détection et l’élimination des cellules anormales, deviennent moins nombreux et moins performants. 

Leur capacité à reconnaître les cellules cancéreuses ou infectées diminue, ce qui affaiblit leur action. Ce dysfonctionnement laisse davantage de marge aux cellules cancéreuses pour échapper à la surveillance de l’organisme, se multiplier et former des tumeurs. Ce phénomène explique pourquoi les cancers sont plus fréquents et parfois plus difficiles à combattre chez les personnes âgées.

Un ralentissement naturel des cellules

Malgré l’augmentation du risque avec l’âge, la biologie des cancers peut évoluer chez les personnes âgées. Certains types de tumeurs semblent progresser plus lentement. 

Avec l’âge, le rythme de division cellulaire diminue. Cela vaut aussi bien pour les cellules normales que pour les cellules cancéreuses. Une tumeur, qui se développe à partir de la multiplication incontrôlée des cellules, peut donc croître moins vite chez une personne âgée.

Un “environnement” moins favorable à la croissance tumorale

Les cellules cancéreuses ne se développent pas seules : elles ont besoin d’un environnement favorable, riche en nutriments et en oxygène. Chez les seniors, les tissus environnants sont parfois moins aptes à fournir ces ressources. Ce qui peut ralentir la progression des tumeurs.

Les cellules cancéreuses ne se développent pas seules : elles ont besoin de ressources essentielles comme des nutriments et de l’oxygène, apportées par les vaisseaux sanguins qui entourent la tumeur. Ce processus, appelé angiogenèse tumorale, est élémentaire pour la croissance d’une tumeur. Chez les personnes âgées, les tissus environnants sont souvent moins denses en vaisseaux sanguins fonctionnels, ce qui limite cet apport.

En pratique, cela signifie que certaines tumeurs se développent moins vite chez les seniors car elles manquent de “carburant”. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi, dans environ 30 % des cas de cancers diagnostiqués chez les personnes âgées selon l’INCa, la progression des tumeurs est lente et nécessite souvent une simple surveillance active plutôt qu’un traitement agressif.

Une biologie tumorale qui change avec l’âge

Les cancers évoluent différemment selon l’âge du patient, en raison de modifications biologiques qui influencent la nature des tumeurs. Aussi, certains cancers évoluent différemment.

Cancer du sein : chez les jeunes femmes, les formes très agressives, comme les cancers “triple négatifs”, représentent environ 15 % des cas selon l’Institut National du Cancer. Ces cancers se développent rapidement et ne répondent pas aux traitements hormonaux. En revanche, chez les femmes âgées, près de 70 % des tumeurs sont hormonodépendantes (récepteurs aux œstrogènes ou à la progestérone), ce qui les rend plus sensibles à des traitements ciblés comme l’hormonothérapie. 

Cancer de la prostate : chez les hommes âgés, le cancer de la prostate est souvent diagnostiqué à un stade précoce grâce au dépistage. Selon Santé Publique France, environ 50 % des cancers de la prostate sont détectés chez des hommes de plus de 70 ans. La majorité de ces cancers évolue lentement, et pour des patients très âgés ou fragiles, un suivi actif (sans traitement immédiat) est privilégié dans environ 30 % des cas pour limiter les effets secondaires inutiles.

Cependant, tous les cancers ne ralentissent pas avec l’âge. Des tumeurs comme le cancer du poumon ou du pancréas restent particulièrement agressives, quel que soit l’âge.

Même si certains cancers évoluent moins rapidement, ils ne sont pas sans danger. Chez les personnes âgées, les oncologues doivent tenir compte de l’état général, des maladies chroniques (comme le diabète ou l’hypertension) et de la fragilité liée à l’âge.

  • Chimiothérapie : les doses sont parfois réduites pour limiter les effets secondaires. Les thérapies ciblées, qui attaquent directement les cellules cancéreuses, sont également privilégiées car elles sont mieux tolérées.
  • Radiothérapie : les techniques modernes permettent d’irradier la tumeur avec une grande précision, tout en épargnant les tissus sains.
  • Immunothérapie : en renforçant le système immunitaire, cette approche peut être une option pour certains seniors.

Les oncologues collaborent de plus en plus avec des gériatres pour évaluer la capacité des patients à supporter les traitements. Cette évaluation permet d’éviter le surtraitement ou, au contraire, une prise en charge insuffisante.

À SAVOIR

Les avancées médicales ont permis une nette augmentation des taux de guérison des cancers, définie par l’absence de rechute 5 ans après le traitement. Entre 1990 et 2015, la survie a progressé de 21 points pour le cancer de la prostate, 9 points pour le cancer du sein, 12 points pour le cancer colorectal et 11 points pour le cancer du poumon, avec des variations selon la localisation.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentCholestérol : faut-il vraiment vous méfier des oeufs ?
Article suivantTabac et espérance de vie : combien de temps perdons-nous vraiment ?
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here