Une patiente atteinte d'un cancer travaille à domicile en distanciel.
Les entreprises peuvent soutenir le salarié en maintenant le lien dès l'annonce de la maladie, si souhaité. © Adobe Stock

Le cancer touche aujourd’hui plus d’un million de personnes en activité professionnelle. Selon Sanofi, 20% des personnes travaillant au moment du diagnostic auraient perdu leur emploi 5 ans après. En effet, concilier les impacts de la maladie et les exigences du travail est un vrai parcours du combattant pour le patient. La Lyonnaise Alexandra Jover est la fondatrice de l’association SARA et auteure du livre “Gai-rire”. Elle nous éclaire sur les bonnes pratiques en entreprise pour soutenir un salarié en traitement.

Le maintien en emploi des personnes atteintes de cancer (comme celui du pancréas, du sein ou du col de l’utérus) est un enjeu de société. La maladie affecte non seulement la vie personnelle, mais aussi la vie professionnelle. Cinq ans après le diagnostic, 20% des patients auraient perdu leur emploi, en particulier les moins diplômés, les plus de 50 ans et ceux en contrat précaire. L’association SARA soutient les personnes touchées par cette maladie en facilitant les échanges entre patients, professionnels de santé et entreprises.

Le livre “Gai-rire : l’amitié dans la maladie” retrace le parcours de son auteur, Alexandra Jover et la création de l’association SARA, à Lyon. Il raconte l’histoire de Sarah, sa meilleure amie, tombée malade à 25 ans. Alexandra a été à ses côtés, notamment lors de sa rechute, une expérience qui a marqué et influencé son propre parcours.

“Quand Sarah est tombée malade, j’étais en crise de sens dans mon travail de communication. J’ai ressenti un choc intense lorsqu’elle a annoncé son cancer”, se confie Alexandra. “Elle affrontait la maladie, alors que j’étais en bonne santé mais malheureuse dans mon emploi. J’ai décidé de démissionner, de suivre une formation et de créer l’association.”

Quelle est la principale difficulté pour une personne qui travaille avec un cancer ?

L’une des difficultés majeures est la perte de repères entre la fin des traitements et le retour potentiel au travail. Pendant les soins (comme le traitement de la chimiothérapie), il y a un suivi médical. Mais à la fin, les médecins disent : « C’est fini, on se revoit dans trois mois. » Cette rupture déstabilise, et laisse les patients sans repères et avec une perte de confiance. Environ 63,5 % des patients conservent des séquelles cinq ans après les traitements.

Quels sont les effets secondaires les plus courants ?

Les effets secondaires les plus courants sont la fatigue chronique, qui ne disparaît pas avec le repos, et les troubles cognitifs comme les pertes de mémoire et la difficulté de concentration. Ces symptômes compliquent forcément le retour à l’emploi.

Que peuvent faire concrètement les entreprises pour faciliter le retour ?

Les entreprises peuvent aider en gardant le lien avec le salarié dès l’annonce de la maladie, si la personne le souhaite. Ce contact régulier atténue la peur du retour. Ensuite, il est important de faire preuve d’empathie et d’écoute, car l’annonce d’un cancer peut aussi être un choc pour les collègues. Cela permet ensuite de mettre en place des actions concrètes : organiser un rythme de travail adapté, réaménager les tâches, etc.

Malheureusement, les entreprises ne sont pas prêtes à adopter cette approche. Il faut parfois beaucoup de chance pour trouver un employeur empathique. Tous les patrons ne sont pas à l’écoute, et nous accompagnons également des personnes en difficulté dans leur environnement de travail.

Quelles sont les bonnes pratiques pour accompagner un salarié en traitement ?

L’une des bonnes pratiques est de sensibiliser toute l’entreprise aux impacts de la maladie, tant pour le salarié que pour l’organisation, touchée par l’annonce et l’absence. Nous organisons des actions comme des conférences pour ouvrir le dialogue et montrer l’écoute de l’entreprise, levant ainsi des tabous, car encore aujourd’hui, une personne sur deux n’ose pas évoquer son cancer au travail.

Lorsqu’une situation est identifiée, nous accompagnons individuellement le salarié, son manager et proposons des ateliers collectifs pour préparer le retour et gérer les émotions et attentes de chacun.

Comment ces ateliers aident-ils l’équipe à accompagner un collègue malade ?

Les ateliers permettent à l’équipe de définir son rôle dans l’accompagnement du collègue touché : qui souhaite prendre des nouvelles, qui veut s’investir davantage. Chacun peut exprimer ses émotions et voir comment il peut soutenir le collègue selon ses moyens.

Nous travaillons aussi individuellement avec le salarié sur la gestion des émotions et le rythme de travail (dans le cas par exemple d’horaires décalés), incluant des aménagements comme un temps partiel ou des horaires adaptés. Les tâches sont listées en fonction des contraintes du poste et, avec le médecin du travail, nous ajustons ce qu’il peut accomplir selon sa condition physique. Cette liste, révisée régulièrement, sert de guide pour équilibrer les attentes.

Quels conseils donneriez-vous pour concilier santé et travail après un cancer ?

Le principal, c’est de s’écouter. Le travail peut apporter du positif, mais il faut savoir quand reprendre. Pour certains, travailler durant les traitements est bénéfique, pour d’autres, une pause s’impose, pouvant même mener à une reconversion.

À SAVOIR

Les Rencontres Cancer & Travail étaient organisées le jeudi 14 novembre par l’association SARA : elles visent à briser les tabous et à promouvoir l’inclusion des malades dans le monde professionnel, en réunissant experts et personnes concernées pour discuter de solutions concrètes.

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Vincent Dallée
En troisième année de journalisme à l'ISFJ et créateur d'un petit média scientifique, Vincent Dallée développe ses talents rédactionnels pour Ma Santé, animé plus que tout par la mission du journaliste d'informer les gens sur leur santé.

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