
Bien plus qu’un simple câlin, le contact peau contre peau agit comme une véritable thérapie neuroprotectrice pour les bébés nés prématurément. Une étude française menée par l’Inserm révèle qu’un contact peau à peau dès les premiers jours de vie améliore le développement cognitif à 5 ans des enfants prématurés. De la maternité aux services de néonatalogie, cette découverte bouleverse les pratiques autour de la naissance d’un bébé.
Dans les services de réanimation néonatale, le contraste est souvent saisissant. Machines, alarmes, couveuses… et au milieu, un nouveau-né minuscule, peau contre peau sur la poitrine de sa mère ou de son père. Le peau à peau, ou « méthode kangourou », est bien plus qu’un moment de tendresse, c’est un soin médical désormais reconnu.
Selon l’étude de l’Inserm, fondée sur la cohorte Epipage-2, le contact de la peau pratiqué dans la première semaine de vie d’un enfant né prématurément est associé à une amélioration mesurable du développement cérébral à l’âge de 5 ans.
Les grands prématurés (nés entre 28 et 31 semaines de gestation) ayant bénéficié du peau à peau présentaient un score cognitif supérieur de 2,9 points par rapport à ceux placés uniquement en couveuse. Chez l’ensemble des enfants suivis, le gain moyen était de 2,3 points.
Le peau à peau : quand l’instinct maternel soigne
Le cerveau prématuré, un organe fragile à protéger
Chaque année, près de 55 000 bébés naissent trop tôt en France. Ces nourrissons prématurés, nés avant 37 semaines d’aménorrhée, sont souvent hospitalisés plusieurs semaines en service de néonatalogie. Parfois ils sont sous assistance respiratoire ou nutrition par sonde. Leur cerveau, encore immature, doit poursuivre sa croissance extra-utérine, dans un environnement très différent de celui de l’utérus.
Pendant les dernières semaines de grossesse, la gestation permet au cerveau de former des millions de connexions neuronales et de développer ses circuits sensoriels. Quand un accouchement prématuré interrompt ce processus, l’enfant est confronté à un univers bruyant, lumineux, et souvent marqué par des soins intensifs.
Dans ce contexte, le contact physique avec la mère ou le père agit comme un retour au milieu utérin : chaleur, battements du cœur, odeur, voix. Ces signaux rassurants aident à réguler la respiration, la température corporelle, la glycémie et la fréquence cardiaque du bébé.
Ce lien mère-enfant ou père-enfant favorise aussi une stimulation hormonale bénéfique, notamment la production d’ocytocine, qui renforce le lien d’attachement et soutient la lactation.
Le peau à peau, un atout pour le développement et l’allaitement maternel
Outre ses effets neurologiques, le peau à peau facilite l’allaitement maternel. La proximité du nourrisson avec la poitrine favorise la sécrétion de lait, stimule la tétée et améliore la production de lait maternel. Les mamans qui pratiquent régulièrement le peau à peau ont souvent une meilleure montée de lait, une lactation plus stable et un allaitement plus long, selon les recommandations de l’OMS.
Le contact peau contre peau contribue aussi à la prise de poids et au bon fonctionnement du système digestif et immunitaire du petit bébé. Chez les nouveaux-nés prématurés, cette pratique réduit la mortalité néonatale, les complications respiratoires et améliore la maturation pulmonaire et cardiaque.
« Le peau à peau aide le bébé à respirer de manière régulière, à stabiliser sa température et à mieux téter. Il diminue les pleurs et renforce le sentiment de compétence parentale », explique la pédiatre néonatologue Dr Catherine Arnaud (Inserm).
Le peau à peau avec bébé : une méthode à généraliser
Des maternités encore inégales face à la pratique
Si la méthode kangourou est aujourd’hui recommandée par l’OMS et soutenue par le collectif SOS Préma, elle reste encore inégalement appliquée dans les maternités françaises.
Dans certains CHU, les unités de soins intensifs néonatals disposent de fauteuils adaptés, de bandeaux de portage et de salles kangourou permettant aux parents de rester torse nu pour assurer le peau à peau plusieurs heures par jour. D’autres établissements manquent encore d’équipement, de personnel ou d’espaces dédiés pour accueillir leurs parents.
Les puéricultrices, sages-femmes, infirmières et pédiatres jouent pourtant un rôle clé pour encourager les mamans à pratiquer ce contact dès la salle de naissance, même après une césarienne ou dans le cadre d’une grossesse multiple.
Certaines équipes médicales forment désormais les pères à devenir de véritables maman kangourou. Une façon concrète de réchauffer le bébé, de favoriser la prise de poids, et de participer activement aux soins de développement.
Peau à peau : une pratique à encourager pour les bébés fragiles
Les chercheurs de l’Inserm rappellent que le peau à peau doit être adapté à chaque situation clinique. Pour les grands prématurés, il peut être pratiqué dès que l’enfant est stabilisé sur le plan respiratoire et cardiaque, même s’il reste sous sonde ou assistance.
Ce soin ne remplace pas les dispositifs médicaux, mais il agit en complément, comme un facteur protecteur du développement cérébral et sensoriel.
Au fil des jours, ce premier contact aide le bébé à mieux dormir, à se calmer et à établir les premiers liens avec ses parents. Les anciens prématurés ayant bénéficié du peau à peau montrent, dans plusieurs études, une meilleure adaptation au stress, un meilleur sommeil et une réduction des hospitalisations ultérieures pour troubles respiratoires ou digestifs.
Une chaleur humaine qui sauve des vies
Le peau à peau pour les bébés prématurés n’est pas qu’un acte symbolique. C’est un soin vital, reconnu par la science, qui renforce la survie, soutient la croissance et améliore la maturation cérébrale.
Dans les premiers jours après l’accouchement, lorsque l’immaturité du système pulmonaire ou digestif menace la vie d’un préma, cette pratique simple peut littéralement changer le pronostic.
Les soignants qui l’intègrent aux protocoles en néonatologie observent des nourrissons plus calmes, des rythmes cardiaques plus stables et une meilleure prise de poids. Dans un monde où la technologie domine les soins intensifs, le contact avec la peau d’un parent rappelle que parfois, la médecine la plus efficace tient dans un câlin.
À SAVOIR
En France, environ 55 000 bébés naissent prématurément chaque année, soit environ 6,9 % des naissances vivantes.







