L'impact visible de la pollution de l'air en France.
La pollution de l'air en France ne tarit pas.© Adobe Stock

Respirer tue ! Dit comme ça, cela peut sembler exagéré. Mais pour la première fois, une enquête de Santé publique France vient confirmer que l’air que nous inhalons chaque jour, chargé de particules fines et de gaz toxiques qui s’infiltrent dans nos poumons et notre sang, est susceptible de provoquer des maladies chroniques graves. Asthme, cancers, AVC… La pollution atmosphérique est un véritable danger pour notre santé, mais aussi un gouffre financier qui coûte chaque année des milliards d’euros à la société. Quels sont réellement les effets délétères de l’air pollué ? Qui est le plus exposé ? Que peut-on faire pour limiter les dégâts ? Les réponses des experts de Santé publique France.

C’est une menace silencieuse qui pèse sur notre quotidien. Depuis des décennies, la pollution de l’air est scrutée par les scientifiques du monde entier, et les preuves de son impact sur la santé s’accumulent. En 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a franchi un cap en classant la pollution atmosphérique comme cancérogène certain. Au même titre que le tabac ou l’amiante.

Pourtant, malgré les alertes, les niveaux de pollution restent préoccupants en France. L’air que nous respirons dépasse encore largement les seuils recommandés par l’OMS.

Face à cet enjeu, Santé publique France a mené une étude entre 2016 et 2019, en collaboration avec Aix-Marseille Université (CNRS – AMSE), l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), l’Inserm et plusieurs observatoires régionaux de santé pour évaluer l’ampleur des maladies attribuables à la pollution. “L’évaluation de cet impact sur des maladies chroniques et ses conséquences économiques, fruit d’un travail partenarial, est une première en France.” Et le constat est accablant. Près de 40 000 décès prématurés chaque année sont directement liés aux particules fines PM2,5.

Mais au-delà des chiffres, cette enquête, dont les résultats viennent d’être révélés, pointe une réalité inquiétante. La pollution de l’air n’est pas seulement un problème environnemental, mais un véritable enjeu de santé publique. Alors, que faire pour inverser la tendance ? Comment protéger les populations les plus exposées ? Quelles solutions existent pour améliorer durablement la qualité de l’air ? Éléments de réponse avec le concours des experts de Santé public France. 

Des maladies chroniques en forte augmentation

Respirer un air pollué s’apparente à fumer sans le vouloir. Sylvia Medina, épidémiologiste à Santé publique France, alerte sur les conséquences de l’exposition prolongée aux polluants atmosphériques. “La pollution de l’air est impliquée dans au moins huit maladies chroniques. Elle touche aussi bien le système respiratoire que cardiovasculaire et métabolique. En France, entre 12 et 20 % des nouveaux cas de maladies respiratoires chez les enfants et entre 7 et 13 % des maladies cardiovasculaires et métaboliques chez les adultes sont directement liés à l’exposition prolongée aux polluants atmosphériques​.”

Chaque année en France, 40 000 nouveaux cas d’asthme chez les enfants sont directement liés à la pollution de l’air​. L’exposition aux particules fines PM2,5 est un facteur déclencheur majeur de cette pathologie. La présence des particules dans l’organisme perturbe le développement pulmonaire dès le plus jeune âge.

Chez l’adulte, les chiffres sont tout aussi alarmants. 22 000 nouveaux cas de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et 4 100 nouveaux cas de cancer du poumon sont attribués à la pollution​.

Mais les effets ne s’arrêtent pas aux poumons. Les particules fines s’infiltrent également dans le sang et augmentent le risque de maladies cardiovasculaires. Chaque année, la pollution est responsable de 78 000 nouveaux cas d’hypertension artérielle, 10 000 AVC et 8 100 infarctus du myocarde​. Plus inquiétant encore, son rôle dans l’apparition du diabète de type 2, avec 14 400 nouveaux cas annuels liés à la pollution​.

Les enfants, premières victimes de la pollution

Si tout le monde est concerné, les enfants sont particulièrement vulnérables. Guillaume Boulanger, expert en santé environnementale, explique que “leur système respiratoire est encore en développement et ils inhalent plus d’air par kilo de poids corporel qu’un adulte. Ce qui les rend plus sensibles aux polluants.”

Le constat est sans appel : 30 000 nouveaux cas d’asthme chez les moins de 17 ans pourraient être évités si les seuils de pollution définis par l’OMS étaient respectés​. Sylvia Medina insiste sur l’urgence d’agir. “L’exposition précoce aux polluants peut entraîner des séquelles irréversibles sur la fonction pulmonaire !”

Les femmes enceintes ne sont pas épargnées. Une exposition prolongée à la pollution augmente le risque de retard de croissance du fœtus et d’accouchement prématuré. Quant aux personnes âgées, souvent fragilisées par des maladies chroniques, la pollution aggrave leur état de santé et accélère leur déclin.

Au-delà des drames humains, la pollution pèse lourd sur l’économie. Selon Santé publique France, elle coûte 16,7 milliards d’euros par an à la France​. Les particules fines (PM2,5) représentent 12,9 milliards d’euros de dépenses, tandis que le dioxyde d’azote (NO2), issu principalement du trafic routier, coûte 3,8 milliards d’euros.

Ces chiffres exorbitants prennent en compte le coût des dépenses médicales (consultations, hospitalisations, traitements). Mais aussi de la perte de productivité due aux arrêts de travail et aux incapacités. Olivier Chanel, chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) souligne l’enjeu économique de cette crise. “Si la France respectait les normes de l’OMS, nous pourrions économiser 10 milliards d’euros par an.”

Le premier levier d’action est simple, “il faut réduire le trafic routier et développer les transports en commun, le vélo et la marche” rappelle Sylvia Medina. Les pouvoirs publics doivent aussi imposer des normes plus strictes aux industries et aux véhicules diesel pour limiter les émissions polluantes.  

Dans le même registre, les Zones à Faibles Émissions (ZFE), qui interdisent la circulation des véhicules les plus polluants dans certaines villes, sont une solution efficace, mais encore trop limitée. L’Union européenne prévoit dans “Le pacte vert pour l’Europe”, une réduction de 55 % de l’impact sanitaire de la pollution d’ici 2030. Mais pour y parvenir, des  mesures plus strictes doivent être mises en place​. Sans oublier, l’utilisation des bois de chauffage. Ces derniers émettent de grandes quantités de particules fines.

Sebastien Denys, directeur santé-environnement à Santé publique France, souligne que des progrès ont déjà été réalisés. Les niveaux de particules fines et de dioxyde d’azote ont commencé à diminuer grâce aux réglementations. Mais l’ozone, lui, continue d’augmenter, notamment à cause du changement climatique.

“Tout le monde est concerné par la pollution de l’air ambiant et ses impacts. L’évaluation de cet impact sur des maladies chroniques et ses conséquences économiques, fruit d’un travail partenarial, est une première en France. Ces travaux, dont l’objectif est d’informer et d’orienter les décisions des autorités aux niveaux national et local, mettent en avant les bénéfices pour la santé et économiques d’une action collective et durable sur l’amélioration de la qualité de l’air .”

À SAVOIR

Pendant le premier confinement de 2020, la diminution du trafic routier et des activités industrielles a entraîné une baisse significative de la pollution, selon l’épidémiologiste Sylvia Medina, auteur de cette étude spécifique. Les niveaux de NO2 ont chuté de 40 % et les PM2,5 ont diminué de 30 % dans plusieurs grandes villes. Cette amélioration de la qualité de l’air s’est traduite par 2 300 décès évités liés aux particules fines et 900 décès évités grâce à la réduction des NO2​.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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