L’épidémie de grippe, cette année, pose clairement la question de l’efficacité du vaccin. Surtout chez les seniors, puisque cette efficacité, selon Santé publique France, reste limitée à 31 % chez les plus de 65 ans. Si la moindre réactivité du système immunitaire des séniors est en cause, il semblerait que cela ne soit pas l’unique raison à cette faible performance. Selon le laboratoire Sanofi, son vaccin le plus efficace aurait été en effet retiré du marché par choix budgétaire du gouvernement… Explications.
Le virus de la grippe continue de circuler activement, touchant des milliers de Français. Et les séniors figurent parmi les plus exposés aux formes graves de la maladie. Pour limiter les complications, la vaccination est recommandée pour les plus fragiles. Pourtant, et alors qu’un nombre croissant de séniors boude le vaccin, c’est l’efficacité de ce dernier qui pose aussi question.
Si la couverture vaccinale des plus de 65 ans atteint environ 51,4 %, le vaccin ne protège réellement que 31 % d’entre eux. Une efficacité jugée insuffisante alors que cette tranche d’âge est la plus vulnérable face aux complications du virus. En cause, selon certains experts, l’absence dans les pharmacies d’un vaccin hautement dosé, développé par Sanofi et baptisé Efluelda®…
Alors que Santé publique France comptabilise encore 611 décès pour la semaine dernière du fait de la grippe, pourquoi ce vaccin ne figure-t-il pas cette année dans l’arsenal vaccinal cette année ? La faiblesse d’un système immunitaire forcément moins performant après 65 ans est-il seul en cause ?
Choix budgétaire controversé et système immunitaire affaibli
Un système immunitaire qui répond moins bien au vaccin
Avec l’âge, le système immunitaire perd de son efficacité. Ce phénomène, appelé immunosénescence, réduit la capacité du corps à produire des anticorps en réponse au vaccin. Résultat : la protection conférée est plus faible et la probabilité de contracter la grippe, même après vaccination, reste élevée. Couplée à une faible disponibilité des vaccins, l’épidémie va continuer de faire rage.
Autre problème : le virus de la grippe mute rapidement. Chaque année, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sélectionne les souches les plus susceptibles de circuler pour adapter le vaccin. Mais ces prévisions ne sont pas infaillibles, et lorsque les souches en circulation évoluent différemment, l’efficacité du vaccin diminue. Cette saison, la souche H3N2, particulièrement agressive et dominante, semble moins bien couverte par le vaccin, en particulier chez les seniors.
Un vaccin plus efficace retiré du marché ?
Au-delà de ces limites biologiques et virologiques, un autre facteur pèse sur la protection des plus âgés : le choix du vaccin utilisé. Jusqu’en 2024, la France disposait d’un vaccin haute dose, le Efluelda®. Ce vaccin quadrivalent contenait une plus grande quantité d’antigènes, ce qui renforçait la réponse immunitaire et offrait une meilleure protection contre les formes graves.
Pourtant, en avril 2024, ce vaccin a été retiré du marché français à la suite d’un désaccord sur son prix de vente. Le vaccin Efluelda® est fabriqué par le Groupe Sanofi, le géant pharmaceutique Français. Mais, considéré comme trop coûteux, il aurait été écarté au profit de vaccins à dose standard, moins chers mais aussi moins efficaces.
Une décision qui suscite des critiques dans la communauté scientifique, alors que d’autres pays, comme les États-Unis, continuent d’utiliser des vaccins renforcés pour protéger leurs populations âgées.
La vaccination reste la meilleure arme contre l’épidémie de grippe
Pourquoi se faire vacciner malgré tout ?
Malgré ces limites, les experts insistent sur l’importance de la vaccination. Si elle ne permet pas d’éviter totalement l’infection, elle réduit significativement le risque de complications graves, d’hospitalisation et de décès. Chaque année, la grippe est responsable de près de 9 000 décès en France, dont une grande majorité concerne les seniors. Selon les épidémiologistes, l’absence du vaccin Efluelda® explique en partie la virulence de l’épidémie sur les personnes plus vulnérables.
Et, selon les autorités de santé, une augmentation de la couverture vaccinale pourrait permettre d’éviter plusieurs milliers d’hospitalisations supplémentaires chaque hiver. L’OMS recommande un taux de vaccination d’au moins 75 % chez les plus de 65 ans, un objectif encore loin d’être atteint en France.
Vers des vaccins plus performants ?
Face à ces constats, des pistes sont explorées pour améliorer l’efficacité du vaccin chez les seniors. Des recherches sont en cours sur des vaccins à ARN messager contre la grippe, inspirés des avancées liées au vaccin contre le Covid-19. Ces nouvelles technologies pourraient permettre d’adapter plus rapidement les vaccins aux souches circulantes et d’améliorer la réponse immunitaire des personnes âgées.
En attendant, les spécialistes rappellent que la vaccination ne doit pas être l’unique mesure de protection face ce pic épidémique. Le respect des gestes barrières, comme le lavage des mains et le port du masque dans les lieux fréquentés, reste un moyen efficace de limiter la propagation du virus.
Un vaccin imparfait, mais un enjeu de santé publique
Si l’efficacité du vaccin antigrippal chez les seniors est loin d’être optimale, il reste performant pour prévenir les formes graves et éviter l’engorgement des hôpitaux en période épidémique. La question de l’accès à des vaccins plus efficace reste cependant en suspens.
Alors que la grippe continue de faire des milliers de victimes chaque année, faudra-t-il attendre une nouvelle crise sanitaire pour que des vaccins plus efficaces soient à nouveau proposés aux plus vulnérables ?
À SAVOIR
La semaine dernière, 905 cas de grippe ont été recensés, dont près de la moitié (47 %) concernaient des personnes de 65 ans et plus. Parmi ces seniors, 87 % souffraient d’au moins une autre maladie.
Le virus identifié dans la grande majorité des cas (91 %) était de type A. Sur les 567 patients dont le statut vaccinal est connu, 78 % n’étaient pas vaccinés contre la grippe.