Une bande d'amis en soirée buvant de l'alcool en grande quantité.
Même sans être dépendant, une consommation rapide et excessive d’alcool peut bloquer la mémoire — parfois dès 4 verres en moins de 2 heures. © Adobe Stock

Qui n’a jamais entendu parler d’un « black-out » après une soirée bien arrosée ? Ces fameux trous de mémoire liés à une consommation excessive d’alcool intriguent autant qu’ils inquiètent. Que se passe-t-il exactement dans notre cerveau quand on oublie des pans entiers de la soirée ? Est-ce grave ? Peut-on les éviter ? Décryptage.

On parle de « trou noir » (ou black-out) lorsque, après avoir bu, une personne ne se souvient plus de tout ou partie de ce qu’elle a fait, dit, ou vécu pendant cette période.

Mais ces « trous de mémoire » ne sont pas juste une anecdote de lendemain de fête. Ils traduisent un dérèglement temporaire, parfois plus grave, de notre cerveau, dû à l’alcool. Et ce, même si elle semblait parfaitement « fonctionnelle » à ce moment-là. Contrairement à ce qu’on croit souvent, il ne s’agit pas d’un oubli classique, mais bien d’une absence totale d’enregistrement du souvenir dans le cerveau.

En clair : le souvenir n’est pas perdu. Il n’a tout simplement jamais été stocké.

Ce qui se passe dans notre cerveau

Pour comprendre les « trous de mémoire alcool », il faut s’intéresser à une petite structure du cerveau : l’hippocampe. C’est elle qui joue le rôle de “bibliothécaire” : elle trie, organise et stocke nos souvenirs.

Quand on consomme trop d’alcool, notamment en grande quantité sur un temps court (le fameux binge drinking), cela perturbe la communication entre les neurones. En particulier, l’alcool bloque les récepteurs NMDA, essentiels à la mémoire. Résultat : l’hippocampe n’arrive plus à faire son travail. Et les souvenirs ne sont tout simplement pas créés.

À partir de 0,16 % d’alcool dans le sang (soit environ 4 verres standard en moins de 2 heures chez une femme de 60 kg), les risques de black-out augmentent fortement.

Deux types de trous de mémoire alcool

Il existe deux types de trous de mémoire liés à l’alcool. Les trous partiels qui laissent des souvenirs flous, incomplets, ou lents à revenir. Parfois, ils sont récupérables lorsque quelqu’un vous rafraîchit la mémoire. 

Et puis il y a les trous totaux, en bloc. Aucun souvenir ne revient, même avec des rappels. C’est le grand vide, comme si la soirée n’avait jamais eu lieu.

Des risques immédiats

Même si ces trous de mémoire peuvent sembler « rigolos » ou banals sur le moment, ils révèlent un vrai danger pour la santé.

Quand on n’est plus capable de former des souvenirs, on est aussi plus vulnérable : comportements à risque, violences, rapports non consentis, accidents, etc. On perd le contrôle sans s’en rendre compte.

Des effets à long terme

Des épisodes répétés de trous de mémoire peuvent altérer durablement les fonctions cérébrales, notamment la mémoire et la concentration. Le cerveau fatigue, et le risque de développer un trouble lié à l’alcool augmente considérablement.

Le cas le plus grave : le syndrome de Korsakoff, une forme de démence due à une carence en vitamine B1, souvent liée à l’alcoolisme chronique.

Les jeunes adultes

Le cerveau continue de se développer jusqu’à environ 25 ans. Chez les jeunes adultes, en particulier les étudiants, le binge drinking est souvent perçu comme une pratique festive banale. Pourtant, leur système nerveux encore en maturation est plus sensible aux effets neurotoxiques de l’alcool. Résultat : leur capacité à former des souvenirs peut être altérée plus rapidement, même à des doses qui semblent « raisonnables ».

Ceux qui boivent à jeun

Boire sans avoir mangé, c’est ouvrir la voie à une absorption ultra-rapide de l’alcool dans le sang. L’estomac vide accélère la montée de l’alcoolémie, ce qui augmente brutalement la pression sur l’hippocampe. Les risques de trou noir sont alors multipliés, car le cerveau n’a pas le temps de s’adapter.

Les femmes

À quantité égale, une femme atteint plus rapidement un taux d’alcoolémie élevé qu’un homme. En cause : un poids corporel souvent plus faible, une proportion de masse grasse plus importante (qui retient moins l’alcool), et un métabolisme hépatique légèrement différent. Résultat : les effets de l’alcool sur la mémoire apparaissent plus vite, et parfois plus violemment.

Bonne nouvelle : oui, les trous de mémoire ne sont pas une fatalité.

  • Boire lentement, et manger avant de consommer de l’alcool.
  • Alterner avec de l’eau pour ralentir la montée de l’alcoolémie.
  • Connaître ses limites et éviter les mélanges (alcool + médicaments ou autres substances).
  • Éviter de boire seul ou en situation de mal-être émotionnel.

Alors, les trous de mémoire liés à l’alcool ne sont pas qu’un simple « bug » du cerveau. Ils sont le signal d’un dysfonctionnement neurologique réel, provoqué par une consommation excessive. Occasionnels, ils doivent alerter. Répétés, ils peuvent avoir de lourdes conséquences.

Si ces épisodes deviennent fréquents ou s’accompagnent d’une perte de contrôle, n’hésitez pas à en parler à un professionnel de santé.

À SAVOIR

Selon une enquête menée par Santé Publique France, près de 40 % des 18-25 ans déclarent avoir déjà vécu un épisode de trou noir lié à une consommation d’alcool. Ces chiffres montrent à quel point le phénomène est répandu chez les jeunes adultes, souvent exposés à des soirées festives où le binge drinking est courant. Or, plus ces épisodes se répètent tôt dans la vie, plus ils augmentent le risque de développer des troubles cognitifs précoces ou une dépendance à l’alcool à long terme. Une bonne raison d’apprendre à connaître ses limites dès maintenant.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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