
Une étude internationale publiée en mai 2025 suggère que la dépression et l’anxiété pourraient se transmettre entre partenaires via… le microbiote buccal. Les échanges de bactéries lors des baisers seraient donc en cause. Faut-il pour autant arrêter de s’embrasser pour rester en bonne santé mentale ? Décryptage.
On savait déjà que vivre avec une personne anxieuse ou dépressive pouvait avoir un impact sur notre propre équilibre mental. Mais selon une nouvelle étude parue récemment dans la revue Exploratory Research and Hypothesis in Medicine, cette influence ne serait pas uniquement émotionnelle : elle pourrait aussi être biologique. Et elle passerait… par la bouche.
En effet, le microbiote buccal, cet écosystème de micro-organismes qui tapisse notre cavité buccale, pourrait jouer un rôle clé dans la propagation des troubles de l’humeur au sein du couple. Alors, peut-on transmettre la dépression à son partenaire en s’embrassant ?
Santé mentale : un baiser peut-il tout changer ?
Le microbiote buccal : quel est son rôle ?
Si le microbiote intestinal est depuis plusieurs années au cœur des recherches en santé mentale, son cousin de la bouche reste méconnu. Pourtant, notre microbiote buccal héberge plus de 700 espèces de bactéries, dont certaines sont impliquées dans des mécanismes inflammatoires ou neurologiques.
L’étude, publiée dans Exploratory Research and Hypothesis in Medicine, s’est intéressée à ces bactéries présentes sur les amygdales et le pharynx. Les chercheurs ont suivi 268 couples mariés depuis moins de six mois, dont un des partenaires souffrait d’insomnie chronique, souvent liée à des symptômes anxieux ou dépressifs. L’autre partenaire ne présentait aucun trouble au départ.
Quand le stress et la dépression s’invitent chez l’autre
Au terme de six mois d’observation, les scientifiques ont relevé chez les partenaires initialement “sains” :
- Une augmentation du cortisol salivaire, indicateur biologique du stress.
- Une élévation des scores d’anxiété et de dépression selon des échelles cliniques validées (PHQ-9, BAI, ISI).
- Une modification du microbiote buccal, désormais très similaire à celui de leur partenaire atteint de troubles de l’humeur.
Autrement dit, ces partenaires “sains” ont vu leur équilibre émotionnel et biologique se déséquilibrer. Une convergence qui interroge.
Fusion biologique : et si les couples partageaient plus que l’amour ?
Des bactéries impliquées dans les troubles psychiatriques
Certaines familles bactériennes retrouvées en quantité plus importante chez les couples touchés sont déjà connues en psychiatrie : Clostridia, Veillonella, Lachnospiraceae ou encore Bacillus. Ces bactéries ont été associées à des états inflammatoires et à la modulation du système nerveux central dans des publications antérieures.
Selon les chercheurs, ces micro-organismes pourraient influencer la production de neurotransmetteurs comme la sérotonine, bien connue pour son rôle dans la régulation de l’humeur.
80 millions de raisons de s’embrasser avec prudence ?
En moyenne, un baiser de 10 secondes permet d’échanger près de 80 millions de bactéries entre deux personnes, selon une étude publiée en 2014 dans la revue Microbiome. Une vie de couple implique des contacts intimes réguliers, qui favorisent la synchronisation des microbiotes entre partenaires.
Ce phénomène n’est pas isolé : d’autres recherches ont déjà montré que les couples tendent à harmoniser leur rythme cardiaque, leur sommeil et même leur immunité. Cette nouvelle étude suggère que le microbiote buccal pourrait lui aussi participer à cette “fusion biologique”.
Alors, votre partenaire influence-t-il votre moral ?
Peut-on vraiment transmettre la dépression ?
La question mérite d’être posée, mais la réponse doit être nuancée. Non, la dépression n’est pas une maladie contagieuse au sens classique du terme, comme le rhume ou la grippe. En revanche, les résultats de cette étude pointent une forme d’influence biologique indirecte : un partenaire souffrant pourrait, via son microbiote, favoriser chez l’autre des changements propices à l’émergence de troubles de l’humeur.
C’est un champ de recherche encore jeune, mais les implications sont majeures. Elles pourraient transformer notre manière de comprendre les troubles mentaux, non plus uniquement comme des affections individuelles, mais comme des dynamiques influencées par notre entourage proche.
Une piste pour repenser la santé mentale… à deux
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches en santé mentale et en médecine relationnelle. À terme, il pourrait être envisagé :
- De surveiller et traiter les déséquilibres microbiens chez les personnes atteintes de troubles dépressifs.
- D’envisager une prise en charge psychologique conjointe dans certains couples.
- De développer des probiotiques ciblés pour restaurer un microbiote sain chez les personnes exposées.
En attendant, il est important de rappeler que prendre soin de sa santé mentale passe aussi par le dialogue, l’écoute… et, pourquoi pas, une bonne hygiène bucco-dentaire !
À SAVOIR
En France, 12,5 % des adultes ont vécu un épisode dépressif en 2021, selon Santé publique France. Chez les 18-24 ans, ce chiffre grimpe à 20,8 %, en forte hausse par rapport à 2017.







