C’est un phénomène de plus en plus inquiétant. Jamais l’obésité n’avait pris le pas sur la sous-nutrition chez les plus jeunes. Selon un rapport publié par l’UNICEF, il y a désormais davantage d’enfants et d’adolescents obèses (9,4 %) que d’enfants en insuffisance pondérale (9,2 %) à l’échelle mondiale. Une bascule lourde de conséquences pour la santé publique, qui interroge directement nos modèles alimentaires et nos politiques de prévention.
L’obésité gagne du terrain dans le monde. Phénomène d’autant plus inquiétant que les enfants sont désormais les premières victimes. En 2000, à l’échelle planétaire, seulement 3 % des 5–19 ans étaient obèses, contre près de 13 % en insuffisance pondérale. Vingt-cinq ans plus tard, la tendance s’est inversée. L’obésité a plus que triplé, tandis que la sous-nutrition a reculé de manière constante selon le dernier rapport de l’UNICEF publié ce mercredi 10 septembre 2025.
Concrètement, cela représente 188 millions d’enfants et adolescents concernés par l’obésité, selon les estimations compilées par l’UNICEF et reprises par Reuters et The Guardian.
Les chercheurs soulignent toutefois que cette tendance n’est pas uniforme : l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud restent les deux régions du monde où la sous-nutrition domine encore.
Pourquoi une telle progression de l’obésité chez les jeunes ?
Le rôle central des aliments ultra-transformés
Le rapport « Feeding Profit: How Food Environments are Failing Children » (UNICEF, 2025) met en cause des environnements alimentaires devenus toxiques :
- surabondance d’aliments ultra-transformés, riches en sucre, sel et graisses,
- prix attractifs par rapport aux produits frais,
- marketing agressif visant directement les enfants et adolescents, y compris via les réseaux sociaux et les influenceurs.
« Dans beaucoup de pays, il est plus facile et moins cher d’acheter une boisson sucrée qu’une bouteille d’eau », résume Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF.
Des habitudes de vie bouleversées
L’explosion de l’obésité infantile ne s’explique pas seulement par l’alimentation. Elle est aussi le reflet d’un mode de vie profondément transformé en une génération.
D’abord, les temps d’écran ont littéralement explosé. Selon Santé publique France, les enfants de 6 à 17 ans passent en moyenne plus de 4 heures par jour devant un écran, tous usages confondus. Entre les séries, les jeux vidéo et surtout les réseaux sociaux, les moments d’inactivité prolongée se sont multipliés. Or, plus un enfant reste assis, moins il brûle d’énergie… et plus le risque de surpoids augmente.
Ensuite, l’activité physique diminue. Les recommandations de l’OMS fixent à au moins 60 minutes d’exercice modéré à soutenu par jour le niveau d’activité nécessaire chez les 5–17 ans. Pourtant, moins de la moitié des adolescents français atteignent ce seuil, d’après Santé publique France. Les cours d’EPS ne suffisent pas, et la pratique sportive extrascolaire reste fortement corrélée au revenu des familles.
Résultat, les enfants grandissent dans des environnements où le mouvement devient l’exception, et la sédentarité la règle. Une évolution insidieuse mais déterminante dans la progression mondiale de l’obésité infantile.
Quels pays sont les plus touchés ?
Les îles du Pacifique affichent des records : plus de 35 % des enfants et adolescents obèses à Niue ou aux Îles Cook !
Dans les pays développés, les chiffres restent préoccupants :
- Chili : 27 %,
- États-Unis : 21 %,
- Émirats arabes unis : 21 % (UNICEF, 2025).
En France, la situation est plus nuancée mais loin d’être rassurante. Selon l’enquête nationale Esteban 2017 de Santé publique France, reprise en 2024 par la Haute Autorité de Santé (HAS), environ 17 % des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids, dont 4 à 5 % obèses. Des chiffres stables depuis plusieurs années, mais toujours préoccupants.
Quelles conséquences pour la santé publique ?
L’obésité infantile n’est pas une simple question d’esthétique ou de confort : c’est une maladie chronique qui expose à de graves risques à long terme :
- diabète de type 2,
- hypertension et maladies cardiovasculaires,
- troubles musculo-squelettiques,
- sans oublier les conséquences psychologiques : stigmatisation, isolement, perte d’estime de soi.
L’OMS rappelle que 80 % des adolescents obèses risquent de rester obèses à l’âge adulte.
Que préconise l’UNICEF pour inverser la tendance ?
Face à cette bascule historique, l’UNICEF appelle à des mesures fortes et coordonnées :
- réguler la publicité alimentaire ciblant les enfants, notamment en ligne ;
- retirer les produits ultra-transformés des écoles ;
- soutenir les familles pour l’accès à une alimentation saine et abordable ;
- investir dans l’éducation nutritionnelle et l’activité physique.
En France, certaines initiatives vont déjà dans ce sens. La loi interdit la distribution de sodas et de confiseries dans les établissements scolaires depuis 2017, et plusieurs collectivités testent des cantines 100 % bio ou locales. Mais la bataille reste inégale face à la puissance de l’industrie agroalimentaire.
À SAVOIR
Selon l’étude Esteban 2017 de Santé publique France, reprise par la HAS (Haute Autorité de Santé) en 2024, le risque de surpoids ou d’obésité chez les enfants varie fortement selon l’origine sociale. Les enfants issus de milieux défavorisés sont proportionnellement plus touchés, faute d’accès à une alimentation saine, variée et abordable.








