Une chercheuse qui étudie les bactéries résistantes aux bactéries.
L'antibiorésistance est l'une des prochaines grandes menaces de demain si rien n'est fait. © Freepik

Alors que l’Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d’alarme, la résistance aux antibiotiques progresse à un rythme inquiétant, en France comme dans le monde. Derrière ce phénomène se cache un défi de santé publique majeur : nos traitements antibiotiques, longtemps considérés comme des armes infaillibles contre les bactéries pathogènes, perdent peu à peu leur efficacité. Et avec elles, c’est une partie de la médecine moderne qui vacille.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié début octobre 2025 un rapport qui sonne comme une mise en garde. Une infection bactérienne sur six est désormais résistante aux traitements classiques, et la résistance aux antimicrobiens a augmenté dans plus de 40 % des combinaisons bactérie-antibiotique surveillées entre 2018 et 2023.

Les bactéries à Gram négatif, comme Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae ou Pseudomonas aeruginosa, sont particulièrement redoutées. Ces souches bactériennes ont développé des mécanismes de résistance complexes contre des classes d’antibiotiques puissantes telles que les céphalosporines de 3ᵉ génération, les carbapénèmes ou les fluoroquinolones.

Certaines sont désormais multirésistantes, voire résistantes à la méticilline (comme le staphylocoque doré, Staphylococcus aureus), rendant les infections qu’elles provoquent extrêmement difficiles à traiter.

En France, Santé publique France confirme la tendance. Malgré une baisse de 3,3 % de la consommation d’antibiotiques en ville en 2023, notre pays reste l’un des plus gros consommateurs d’Europe. Les prescriptions d’antibiotiques restent parfois inadaptées, favorisant la pression de sélection qui pousse les bactéries à développer des résistances.

Pourquoi certains antibiotiques ne fonctionnent plus ?

Les antibiotiques agissent en s’attaquant à des fonctions vitales des microorganismes : leur paroi, leur ADN ou certaines enzymes. C’est ce qui a fait le succès de la pénicilline, découverte par Alexander Fleming, et de nombreuses familles d’antibiotiques depuis, comme les macrolides, les quinolones ou les bêta-lactamines.

Mais les bactéries ont une arme redoutable : leur capacité d’adaptation génétique. Sous la pression des traitements antibiotiques ou d’une utilisation des antibiotiques inappropriée, elles apprennent à se défendre. Certaines modifient la structure de leur paroi pour empêcher l’antibiotique d’y pénétrer ; d’autres produisent des enzymes capables de le détruire, comme les fameuses bêta-lactamases. Elles peuvent aussi “pomper” la molécule à l’extérieur de leur cellule avant qu’elle n’agisse.

Le plus inquiétant ? Ces gènes de résistance ne restent pas confinés à une seule espèce bactérienne. Ils se transmettent entre bactéries, parfois même entre différentes espèces pathogènes, via de petits morceaux d’ADN appelés plasmides. Résultat, des bactéries sensibles deviennent à leur tour bactéries résistantes, et certaines deviennent germes résistants à quasiment toutes les classes d’antibiotiques disponibles.

Antibiorésistance : un problème global, aux conséquences locales

Cette évolution n’est pas une théorie, elle se traduit par des maladies infectieuses plus longues, plus graves et plus coûteuses à traiter. En France, environ 125 000 personnes sont touchées chaque année par une infection liée à une bactérie multirésistante, et 5 500 décès leur sont directement attribués selon l’Inserm. Ces infections peuvent être urinaires, digestives, respiratoires, ou encore nosocomiales, contractées en milieu hospitalier.

À l’échelle mondiale, la résistance aux antimicrobiens est responsable de 1,3 million de décès directs par an, et de près de 5 millions de décès associés, selon le Ministère de la Transition écologique. Certaines maladies autrefois bénignes, comme les angines bactériennes ou les infections à staphylocoques, redeviennent des menaces.

Les infections nosocomiales dues à des souches résistantes de Staphylococcus aureus ou de Pseudomonas figurent désormais parmi les causes majeures de mortalité hospitalière. D’autres bactéries intestinales, comme E. coli, développent une résistance croissante à l’amoxicilline et à la vancomycine, limitant les options thérapeutiques.

L’inquiétude des autorités sanitaires est simple. Si les antibiotiques perdent leur pouvoir, la médecine moderne tout entière vacille. Des actes aujourd’hui courants (chirurgie, greffe, chimiothérapie) reposent sur leur efficacité pour prévenir les infections. Sans eux, une simple opération pourrait redevenir dangereuse.

Les bactéries résistent aux antibiotiques : la France face au grand défi

Les plans nationaux se succèdent. Depuis 2011, le programme ÉcoAntibio a permis de réduire de 45 % l’usage des antibiotiques en élevage, un progrès majeur pour la santé animale et la santé humaine selon l’Institut Pasteur. Mais l’enjeu dépasse le cadre vétérinaire.

Il s’agit de coordonner la lutte contre l’antibiorésistance dans une approche globale dite “One Health”, qui relie la santé humaine, animale et environnementale. Dans les hôpitaux, la mission SPARES de Santé publique France surveille la consommation d’antibiotiques et la résistance bactérienne. Plus d’un tiers des antibiotiques prescrits dans les établissements sont à large spectre, ce qui entretient la pression de sélection sur les germes infectieux.

Côté recherche, le Programme prioritaire de recherche (PPR) Antibiorésistance soutient les études sur le microbiote intestinal, les mécanismes de résistance, et le développement de nouvelles classes d’antibiotiques. Mais depuis 2017, seuls 12 nouveaux antibiotiques ont été autorisés dans le monde, la plupart appartenant à des familles déjà existantes selon la l’OMS, présentant donc des risques de résistances croisées. 

Il faut avant tout promouvoir le bon usage des antibiotiques. Ne pas en prendre pour une infection virale (comme une grippe ou une angine virale), respecter la posologie, les doses et la durée prescrites, et ne jamais administrer des antibiotiques sans avis médical.

Les médecins, eux, misent sur l’antibiogramme pour adapter l’antibiothérapie. Ce test permet d’identifier la bactérie responsable d’une infection et de choisir l’antibiotique le plus efficace contre les bactéries pathogènes concernées. La Haute Autorité de Santé recommande cette approche notamment pour les infections urinaires.

Il faut aussi lutter contre les infections nosocomiales, renforcer l’hygiène hospitalière, limiter la surconsommation d’antibiotiques, et soutenir la recherche sur des agents antimicrobiens alternatifs, des phages ou des probiotiques capables de préserver le microbiote bactérien du tube digestif.

À SAVOIR 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), si rien n’est fait pour freiner la résistance aux antibiotiques, les infections bactériennes résistantes pourraient devenir, d’ici 2050, la première cause de mortalité dans le monde, devant le cancer. Plus de 10 millions de décès par an pourraient alors être liés à des bactéries multirésistantes. 

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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