Manger sainement est une priorité pour beaucoup, mais peut-on aller trop loin ? L’orthorexie est une obsession maladive pour la qualité des aliments, qui pousse certaines personnes à adopter des régimes de plus en plus stricts, au détriment de leur équilibre physique et psychologique. Zoom sur ce trouble préoccupant.
Manger sainement est une démarche encouragée par les recommandations nutritionnelles et perçue comme bénéfique pour la santé. Pourtant, lorsque cette quête du « bien manger » devient une obsession, elle peut avoir des conséquences néfastes sur le corps et l’esprit.
À l’ère des réseaux sociaux et des influenceurs prônant des régimes toujours plus stricts, la frontière entre équilibre et excès devient floue.
À quel moment la volonté de bien se nourrir bascule-t-elle dans l’extrême ? L’orthorexie, trouble alimentaire encore méconnu, transforme la recherche d’une alimentation saine en une véritable prison mentale, mettant en péril la santé physique et le bien-être psychologique.
L’obsession du “manger sain” : jusqu’où peut-on aller ?
De l’équilibre à l’excès : comprendre l’orthorexie
L’orthorexie est une obsession pathologique pour une alimentation saine et pure. Ce terme vient du grec ortho (correct) et orexis (appétit). Contrairement à l’anorexie, qui se concentre sur la quantité de nourriture, l’orthorexie cible la qualité des aliments. L’orthorexique élimine tout ce qu’il juge malsain.
Ce trouble commence souvent par une simple volonté de mieux manger. Il évolue vers des règles alimentaires de plus en plus strictes. De plus, la personne orthorexique consacre beaucoup de temps à sélectionner ses aliments. Par conséquent, elle évite les repas sociaux et ressent une forte culpabilité en cas d’écart.
Une obsession encouragée par la société
L’orthorexie s’inscrit dans un contexte où l’alimentation est omniprésente et source d’injonctions contradictoires.
- L’influence des médias et des personnalités publiques : les tendances comme le clean eating, le véganisme strict ou les régimes sans gluten gagnent du terrain, souvent amplifiées par les influenceurs et les médias. L’idée qu’une alimentation parfaite permettrait d’éviter toutes les maladies pousse certaines personnes à des restrictions excessives.
- Les réseaux sociaux exacerbent ce phénomène : on y trouve une glorification des aliments « purs » et une diabolisation de certains produits, créant un climat anxiogène où manger devient source de stress plutôt que de plaisir.
- Le besoin de contrôle et de perfection : les personnes anxieuses et perfectionnistes sont particulièrement vulnérables. L’alimentation devient pour elles un moyen de maîtrise et de réassurance. Elles s’imposent des règles strictes pour éviter les incertitudes et finissent par vivre dans la peur constante de mal se nourrir.
Qui est concerné ? Les profils les plus à risque
L’orthorexie peut toucher tout le monde, mais certaines catégories sont plus exposées :
- Les sportifs et adeptes du fitness : soucieux d’optimiser leurs performances, ils peuvent développer une approche extrême de la nutrition.
- Les professionnels de la santé et de la nutrition : leur expertise sur les aliments peut les mener à adopter une vision trop stricte.
- Les adeptes de régimes restrictifs : les végétariens, végétaliens ou adeptes du sans-gluten risquent d’exclure trop d’aliments et de basculer dans l’obsession.
- Les personnes ayant un passé de troubles alimentaires : certaines réorientent leur obsession de la quantité vers la qualité des aliments.
- Les consommateurs intensifs de contenus nutritionnels : face à des messages alarmistes et culpabilisants, ils développent une peur irrationnelle de certains aliments.
Ces facteurs combinés favorisent l’émergence de comportements orthorexiques, parfois difficiles à détecter avant qu’ils n’affectent la santé physique et mentale.
Les dangers cachés de l’orthorexie
Carences, fatigue et dénutrition : quand le corps dit stop
Paradoxalement, cette quête de l’alimentation parfaite peut entraîner des carences nutritionnelles sévères :
- Déficits en vitamines et minéraux : lorsque l’orthorexie conduit à l’élimination excessive de certains groupes d’aliments, comme les produits laitiers, les céréales ou la viande, des carences peuvent apparaître. En particulier, le manque de calcium, de fer ou de vitamines B12 et D peut fragiliser l’organisme, affectant la santé osseuse, le système immunitaire et la production d’énergie.
- Dénutrition et perte de poids excessive : les restrictions alimentaires strictes réduisent les apports caloriques, pouvant mener à une maigreur pathologique et des troubles métaboliques.
- Problèmes digestifs : une alimentation trop monotone et restrictive peut perturber le microbiote intestinal, entraînant des ballonnements ou des troubles du transit.
L’enfermement mental : anxiété, isolement et perte de plaisir alimentaire
L’orthorexie est une source d’anxiété permanente. La peur de manger un aliment « mauvais » génère une forte culpabilité et un stress quotidien, pouvant conduire à :
- Un isolement social : sortir au restaurant ou partager un repas devient une épreuve, les autres n’ayant pas les mêmes exigences alimentaires.
- Des troubles anxieux et dépressifs : la rigidité alimentaire engendre une pression psychologique constante et un mal-être grandissant.
- Une perte de plaisir alimentaire : manger n’est plus un moment de plaisir, mais un exercice de contrôle et de restriction.
Vie sociale et travail : quand tout tourne autour de l’alimentation
Les relations sociales et professionnelles peuvent se détériorer, car la personne orthorexique consacre une grande partie de son temps à la planification de ses repas et à la recherche d’aliments « parfaits ». Cela peut provoquer :
- Des tensions avec l’entourage, qui ne comprend pas toujours ces restrictions drastiques.
- Une baisse de concentration et d’efficacité au travail, l’obsession alimentaire occupant une place centrale dans le quotidien.
Retrouver la liberté alimentaire : un défi réalisable
Reconnaître les signes
Quelques signes peuvent alerter sur la présence d’une orthorexie :
- Une fixation excessive sur la composition des repas, avec un temps anormalement long consacré à la planification.
- Une angoisse disproportionnée face aux écarts alimentaires.
- Un repli social lié aux habitudes alimentaires restrictives.
- Un sentiment de supériorité par rapport à ceux qui ne suivent pas le même mode alimentaire.
Retrouver le plaisir de manger sans culpabilité
Pour éviter de tomber dans l’extrême, il est essentiel de :
- Adopter une alimentation intuitive, en écoutant ses envies et ses besoins réels.
- Relativiser les choix alimentaires, en acceptant qu’aucun aliment n’est totalement « bon » ou « mauvais ».
- Réapprendre à manger avec plaisir, sans culpabilité.
Les solutions pour se libérer
La prise en charge repose sur plusieurs approches :
- Un suivi psychologique, notamment par une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), pour déconstruire les pensées rigides.
- Un accompagnement diététique, pour réintroduire progressivement une alimentation plus variée et apaisée.
- Le soutien des proches, qui joue un rôle clé pour aider à lâcher prise et retrouver une relation saine avec l’alimentation.
L’orthorexie est un trouble insidieux qui peut, sous couvert de bonnes intentions, mener à des déséquilibres physiques, psychologiques et sociaux. Dans une société qui glorifie l’alimentation « parfaite », il est essentiel de préserver un rapport apaisé à la nourriture.
Manger sainement ne signifie pas s’imposer des restrictions extrêmes. L’essentiel est de trouver un équilibre, où la santé ne se mesure pas uniquement à ce que l’on met dans son assiette, mais aussi au plaisir et à la liberté que l’on garde face à l’alimentation.
À SAVOIR
Les personnes souffrant d’orthorexie passent en moyenne plus de 3 heures par jour à penser à leur alimentation, planifier leurs repas et vérifier la qualité des aliments consommés.